Un podcast peut-il trouver son modèle sans pub ? Élisabeth Feytit, fondatrice de Méta de Choc, veut le prouver.
Récompensé quatre fois aux Podcastéo Awards de 2021, Méta de Choc est une référence dans le milieu du podcast français. Lancé au début de l’année 2019 par la documentariste Élisabeth Feytit, cette émission qui décrypte le fonctionnement de notre pensée et de nos croyances cumule entre 120 000 et 140 000 écoutes par mois pour un total de 1,84 million de téléchargements en tout. Les auditeurs suivent de longues interviews portant sur le mode de vie des Témoins de Jéhovah, les nouvelles spiritualités qui se développent sur Internet ou bien plus récemment, sur les dérives du coaching.
« Dire non à 18 000 euros par mois »
Avec de telles audiences, on pourrait penser qu’Élisabeth Feytit est à la tête d’un média encore petit certes, mais rentable. Mais sa créatrice a décidé de prendre un chemin de traverse, et de refuser une éventuelle manne de la publicité native. « Avec mes audiences actuelles, si on prend en compte un CPM qui oscille entre 100 ou 150 euros par écoute, la publicité native pourrait me rapporter entre 12 000 et 18 000 euros par mois, explique-t-elle. J’ai cependant fait le choix de me baser uniquement sur les dons, ce qui fait que le podcast rapporte 2 400 euros par mois. » Pour tenir sa stratégie no pub, Méta de Choc a décidé d'être présent sur les plateformes de financement participatives. Tipeee est la plus rentable avec 1201 euros pour 204 participants. Vient ensuite uTip qui regroupe 148 personnes pour 189 euros engrangés. Le Patreon qui vient d’être ouvert cumule quant à lui 54 euros pour moins de vingt personnes. D’autres plateformes comme Liberapay (une solution de crowdfunding open source) ainsi que le système PayPal complètent le tableau. En tout, plus de 350 personnes contribuent pour assurer au podcast un revenu plutôt modeste mais avec un modèle plus conforme au projet de sa créatrice. « Mon podcast explore les différentes manières dont nous pouvons être influencés voir manipulés, raconte-t-elle. La publicité omniprésente participe bien évidemment à ces formes d’influences. Tout le monde se croit au-dessus de la publicité, mais si elle dépense autant d’argent dans les médias, c’est bien qu’elle fonctionne très bien et que nous sommes vulnérables à son pouvoir de persuasion. »
Un média militant qui vient grâce aux militants des médias
Mais si le choix d'Élisabeth est viable, c'est que son projet a su mobiliser. Derrière les émissions hebdomadaires de Méta de Choc, on trouve une vingtaine de personnes qui participent activement au projet. « Ça remonte à une vidéo que j’ai pu faire il y a un an et demi, explique-t-elle. Je sortais du salon de la radio et j’ai expliqué ma démarche à mes auditeurs en leur indiquant que je passais volontairement à côté d'un certain type de revenus pour être en accord avec la philosophie de mon podcast. Ça a motivé certaines personnes qui sont venues me proposer leur aide de manière bénévole. C’est notamment le cas de mon SEO manager ou bien du développeur qui a construit mon site web. »
Beaucoup de ces bénévoles ont un travail à côté et aident Méta de Choc sur leurs heures de repos. Le site web a ainsi demandé un an de travail avant d'être finalisé.
« À terme, je voudrais arriver à un palier d’une dizaine de milliers d’euros pour intégrer et rémunérer des collaborateurs sur des postes à temps plein. » En 2020, après un an de fonctionnement, Méta de Choc faisait partie de 10% des podcasts les plus écoutés de France, en tête de liste des rubriques développement personnel et éducation. Est-ce que le contexte post-confinement, où le complotisme et les dérives sectaires ont totalement explosé, portera le projet d’Élisabeth Feytit ? Parce qu'on aime à l'écouter, on ne peut que lui souhaiter de trouver un modèle économique viable.
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