Substack dépasse le modèle de la newsletter et devient un média social premium

Substack dépasse le modèle de la newsletter et devient un média social premium

Après avoir imposé le modèle de la newsletter, la plateforme américaine suit le mouvement et se développe sur la vidéo, le streaming et le post court.

Rappelez-vous 2020. Une partie du monde sortait des grands confinements de l’année, et des journalistes qui avaient passé du temps à tisser une relation parasociale avec leurs lecteurs pendant cette période particulière décidaient de se lancer en solo sur la plateforme Substack. C’était notamment le cas de Casey Newton, qui quittait la rédaction de The Verge pour lancer Platformer et cumuler jusqu’à 190 000 abonnés payants. D’autres ont suivi le mouvement dans les années suivantes : l’économiste Paul Krugman, l’éditorialiste politique Joy Reid et, plus récemment, la journaliste spécialisée dans les cultures numériques, Taylor Lorenz, ont eux aussi quitté les « legacy media » qui les avaient fait connaître pour se lancer en solo sur Substack.

Plus que de la newsletter

Entre-temps, la plateforme a largement évolué. La tendance de la newsletter lancée par un influenceur ou un journaliste a plus ou moins atteint son pic vers 2022. Qu’à cela ne tienne, Substack s’est diversifié en ajoutant des fonctionnalités inspirées par d’autres médias sociaux. En avril 2023, elle a lancé Notes, une sorte de Twitter interne permettant aux créateurs de publier des messages courts contenant des recommandations ou des commentaires sur les posts d’autres auteurs. En 2024, c’est la vidéo en direct qui a été implémentée, permettant aux auteurs de newsletters de filmer des podcasts ou de faire participer leurs followers à des événements en direct. En bref, Substack est en train de devenir un mélange entre un kit de démarrage de média et un réseau social premium.

C’est le constat que dresse NYMag dans un article qui revient sur cette transformation, laquelle permet surtout d’augmenter l’engagement des créateurs. La journaliste Charlotte Klein explique que plus de la moitié des 250 créateurs les plus rentables utilisaient l'audio et la vidéo en avril 2024, un chiffre qui a bondi à 82 % en février 2025. La fonction Notes apporterait, quant à elle, près de 50 % des abonnements gratuits et 30 % des abonnements payants. En plus de ces fonctionnalités, l’arrivée de Trump au pouvoir et l’attitude prudente des grandes plateformes sociales qui a suivi ont permis à Substack de gagner un véritable afflux de nouveaux abonnés.

L’entreprise revendique 5 millions d’abonnements payants, dont 2 millions consacrés à des médias diffusant de la vidéo. En novembre, elle comptait déjà 4 millions d’abonnés payants, ce qui montre que la plateforme profite du fameux « Trump bump », un afflux d’abonnés qui avait surtout bénéficié aux médias classiques lors de son premier mandat. Les créateurs qui ne comptent pas sur ce mode de financement peuvent aussi se tourner vers les posts sponsorisés et récolter 100 % des bénéfices…, pour le moment. La plateforme prépare un nouveau service qui devrait aider les créateurs à vendre de la publicité contre une petite commission. Mais l’argent n’est pas la seule donnée à prendre en compte. Parmi les nouveaux créateurs qui viennent s’installer chez Substack, l’idée est de trouver un espace plus sain (et aussi avec une audience plus restreinte et plus qualitative), sans trolls ni bots.

Un petit problème de nazis

La formule a de quoi plaire et commence même à voir émerger des concurrents. Casey Newton, qui avait ouvert le bal, est à présent passé sur la plateforme Ghost, qui se présente comme la version open source et compatible avec le Fediverse de Substack. La plateforme offre des avantages comme la personnalisation du site, des noms de domaine directs ou encore la propriété des données d’abonnement, mais reste encore à la traîne sur l’aspect social ou vidéo développé par Substack. Outre ces différences, le choix de Casey Newton a surtout été guidé par des raisons éthiques. Le créateur ne veut pas côtoyer des newsletters ouvertement nazies. Dénoncées dans une lettre ouverte par plus de 200 journalistes, ces publications ne sont ni menacées de dépublication ni de démonétisation par Substack. À force de vouloir ressembler à ses grandes sœurs, la plateforme de newsletters pourrait bien suivre le même chemin de la « merdification ».

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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