Utilisés pour communiquer une idée de manière drôle et efficace, les mèmes Internet traversent des tendances esthétiques étranges, parfois très semblables à certains mouvements artistiques.
Images ultra-saturées au point d’en devenir illisibles, personnages aux yeux laser et légendes absurdes qui semblent ne vouloir rien dire. Sur les réseaux, vous êtes sans doute déjà tombé sur un deep fried meme, un mème Internet à l’esthétique indéchiffrable. Apparu en 2015 sur Tumblr, ce style de mèmes est utilisé comme une blague cryptique et critique sur le rapport obsessionnel que les internautes entretiennent avec ce médium. Ces images ultra-pixélisées et illisibles racontent l’absurdité de l’usage intensif de mèmes auxquels plus personne ne comprend rien. Mais pour Aiden Walker, rédacteur et dénicheur de tendances Web pour le site de référence Know Your Meme, les deep fried memes sont aussi une évolution artistique de la culture Web.
9Gag et Van Gogh, même combat ?
Dans une vidéo TikTok, Aiden Walker fait le lien entre l’esthétique des deep fried memes et le mouvement postimpressionniste dans lequel se sont illustrés Van Gogh ou Cézanne.
Pour ce spécialiste, la « friture » visuelle de ces images est équivalente, dans l’intention, aux tableaux de Van Gogh. Alors que l’artiste voulait montrer avec sa technique de traits de couleurs que l’on regardait bien une peinture, les pixels ultra-saturés de ces mèmes renvoient au même message. Les deux mouvements s’intéressent plus au fait de montrer la technique et le travail humain ou numérique qui permettent la création de ces visuels, plutôt que de se concentrer sur le message véhiculé.
Mona-Wojak
Dans une autre vidéo, Aiden s’attaque à un autre type de mèmes très populaires sur les forums : le Wojak, ce personnage chauve qui est remixé à toutes les sauces et qui est la représentation ultime de l’internaute. Quand il est dessiné avec un cerveau énorme, il représente les usagers de Reddit qui veulent étaler leur science sur n’importe quel sujet. Quand il est présenté avec son bonnet gris et sa clope au bec, il symbolise le doomer, cet internaute submergé par la crainte du dérèglement climatique et de l’effondrement de la civilisation.
Pour notre spécialiste des mèmes, le Wojak est carrément la Mona Lisa de la génération Z tant son regard perdu dans le vague et son demi-sourire énigmatique permet à n’importe quel spectateur de projeter n’importe quelles émotions. Souvent anonymes et oubliés dans les limbes du Web, les mèmes semblent pourtant dire bien plus sur la manière dont on projette ses identités et nos manières d’interagir avec les images et les plateformes sur Internet. Peut-être qu’un jour, un musée leur sera consacré ?
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