Des candidats RN mal au point

Le RN les déteste ! Comment les journalistes ont mis à nu les candidats d’extrême droite

Durant la semaine d’entre-deux-tours, les internautes et spectateurs ont pu découvrir la face cachée d’une centaine de candidats du Rassemblement National ; un travail journalistique salvateur.

Casquette nazie, interview gênante, candidats fantômes, menaces d’expulsions d’enfants… Cette semaine d’entre-deux-tours législatives a sans doute été la séquence politique et médiatique la plus intense, mais aussi la plus malaisante de ces dernières années. Alors que le Rassemblement National était donné gagnant, au minimum avec une majorité relative, l’exposition de ses candidats dans les médias indépendants et locaux ou sur les plateaux de service public a probablement joué dans la tenue d’un barrage républicain. Leurs armes « secrètes » ? Du journalisme presque classique avec des questions d’interviews simples et quelques recherches dans les historiques des réseaux sociaux des candidats. Juste de quoi retourner, sans grands efforts, le vernis de respectabilité qui entourait le Parti largement mis en avant sur les grands plateaux. Comment s’est déroulée cette séquence ?

« Ophtalmo juif et dentiste musulman »

Les premières révélations tombent le lundi 1er juillet avec la diffusion de la photo de Ludivine Daoudi, la candidate du RN sur la 1ère circonscription du Calvados, équipée d’une casquette nazie. Diffusée depuis le compte de l’eurodéputée LFI Laura Fourreau, l’information est rapidement reprise par le site tenu conjointement par les rédactions régionales de France Bleu et France 3. La même journée, une interview vidéo lunaire de la candidate Rassemblement National, Paule Veyre de Soras, de la 1ère circonscription de la Mayenne, est diffusée sur le média d’investigation indépendant et local Leblob-Journal. S’excusant de « ne pas être à l’aise face caméra », la candidate remercie ses électeurs et tente de réfuter maladroitement les accusations de racisme visant son Parti en indiquant qu’elle se rend régulièrement chez son « ophtalmo juif et son dentiste musulman ». L’argument, assez proche du fumeux « je ne suis pas raciste, j’ai un ami noir », fait le tour du Web et provoque le scandale.

« Quelques brebis galeuses »

Le 3 juillet, France Bleu Mayenne expose le passé trouble de la candidate RN de la troisième circonscription du département, Annie Bell condamnée en 1995 pour une prise d’otages dans la mairie d'Ernée. Le même jour, le journal Le Télégramme ressort les déclarations de Jean-Yves Le Boulanger, candidat RN pour la 5e circonscription des Côtes-d’Armor qui avait déclaré au micro de la radio Bretagne 5 le 18 juin qu’il n’était pas facho car il avait été béni par un curé de couleur qu’il « n’avait pas écrasé avec sa moto ». Interrogé sur ces scandales sur le plateau de France Bleu, Jordan Bardella est obligé de reconnaître la présence « de quelques brebis galeuses » dans son Parti tout en s’étonnant et fustigeant le travail des journalistes d’investigation qui auraient « les mêmes moyens que la police ».

Candidats fantômes et menaces d'expulsion

Mais les masterclasses en catastrophe se poursuivent dans les interviews données sur les plateaux de France Bleu. Monique Becker candidate dans les Pyrénées-Atlantiques doit se justifier de posts Facebook à la gloire de l’OAS, l’organisation terroriste clandestine voulant défendre l’Algérie Française, Daniel Grenon, candidat dans l’Yonne est épinglé pour avoir dit « des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016. Ces gens-là n'ont pas leur place dans les hauts lieux », Dorothée Champeau du Poitou, qui précise que le RN ne renverra pas chez eux « les noirs qui travaillent ».

Les dérapages se font parfois menaçants, comme lors du débat sur France 3 Alsace entre le conseiller régional RN et candidat sur la circonscription de Colmar Laurent Gnaedig, et le candidat LR Victor Vogt. Alors que son adversaire évoque les origines multiples de sa nièce qui pourrait être renvoyée après la suppression du droit du sol, Laurent Gnaedig réplique par un glaçant « la préfecture s’occupera de son dossier, ne vous inquiétez pas ». S’ajoute à cela une enquête de France Bleu Océan portant sur Élodie Babin, candidate RN arrivée en tête dimanche dernier sur la 2e circonscription du Loiret et que personne n'a jamais vue en vrai ou en photo. Rapidement d’autres candidats fantômes font leur apparition comme Maïtey Pouget, un retraité de 69 ans qui brigue la première circonscription de Corrèze. Sur les plateaux TV aussi, la désertion est de mise. Le réseau France Bleu déplore l’absence de 35 candidats venus du RN. Le 5 juillet, dernier jour de campagne, Street Press fait justement le bilan de tous ces dérapages et annonce une liste de 109 candidats du RN épinglés pour des propos racistes, homophobes ou complotistes.

On règle les comptes

Le soir des élections, juste après l’annonce des résultats, ces efforts journalistiques ont été soulignés sur les réseaux, et notamment sur X. C’est le cas d’Émilie Mazoyer, animatrice de France Bleu qui félicite ses collègues, de l’avocat, Maître Eolas, du compte des Sleeping Giants et bien d’autres encore qui estiment qu’un travail de fond a été bien mené par les médias de service public et les médias indépendants.

À l’inverse, les médias mainstream et les chaînes du groupe Bolloré ont été largement pris à partie pour leur traitement de l’événement jugé partial. Beaucoup d’internautes ont d’ailleurs ressorti à l’animateur Cyril Hanouna sa promesse quant à un possible départ de France en cas de victoire de la LFI. L’animateur de TPMP a été au cœur d’une véritable tempête contenant plus de 233 000 messages en 24H, soit 30 fois plus que le flux habituel d’après la plateforme de veille des réseaux sociaux Visibrain.

Au-delà des clivages politiques, une autre séquence médiatique est justement en train de s’ouvrir avec les auditions de l’Arcom autour de l’attribution des fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT). Le « gendarme de l’audiovisuel » va être particulièrement scruté quand il s’agira d’interroger les chaînes C8 et CNews qui ont écopé 44 mises en demeure, sanctions et amendes depuis 2012.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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commentaires

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  1. Avatar anne dit :

    étant apolitique, je supporte aucun parti car le niveau d'analyse de la sphère politico-médiatique appartient à un niveau et une une zone stratosphérique. Votre ligne éditoriale également.
    je pense que votre article aurait pu se contenter d'un titre seulement : le camps du bien vs le camp du mal

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