Une radio carrée à l'ancienne qui brûle

En Pologne, une radio 100 % IA ferme après une semaine de diffusion

© FB via Midjourney

Sur fond de régulation européenne des usages de l’intelligence artificielle, une tentative polonaise de radio 100 % IA tourne court.

Des présentateurs radio entièrement générés par intelligence artificielle qui interviewent des personnalités décédées, ça vous semble une bonne idée ? Une semaine après leurs débuts polémiques sur les ondes de Off-Radio Cracovie, les avatars présentateurs Alex, Emilia et Jakub ont été mis au placard de l’intelligence artificielle.

Épisode de Black Mirror 

Les trois animateurs devaient participer à un renouveau de l’audience de la radio basée à Cracovie, dans le sud de la Pologne. Au programme de leur toute nouvelle grille : des articles générés par IA sur le mode de vie des jeunes, des émissions musicales et des interviews avec des célébrités polonaises décédées. Emilia, présentée comme une étudiante fan de pop culture, a ainsi réalisé une interview de Wislawa Szymborska, Nobel de Littérature 1996..., et morte en 2012.

Les critiques ne se sont pas fait attendre. Le journal polonais Gazeta Wyborcza juge ainsi que « même les pires étudiants de Cracovie n’écrivent pas de manière aussi creuse. » Des internautes ont également remarqué qu’une majorité du contenu n’avait pas été étiquetée comme généré par IA et ont comparé son usage à un épisode de Black Mirror.

« Un dangereux précédent » 

Présentée comme une « expérimentation » par la direction de la radio, cette programmation a rapidement suscité la colère de nombreux acteurs de la société civile. Dans une publication Facebook incendiaire, la voix de Mateusz Demski s’est particulièrement fait entendre. Ce journaliste, ancien pigiste de OFF-Radio, a accusé le média d’avoir viré toute une équipe de journalistes pour les remplacer par une intelligence artificielle, un « dangereux précédent » selon lui. Le directeur de la radio s’est défendu de cette accusation, indiquant que les audiences « proches de zéro » étaient la raison du licenciement. En 24 heures, la pétition contre le remplacement des journalistes par l’intelligence artificielle partagée par Mateusz Demski a récolté plus de 17 000 signatures.

« De plus en plus de personnes ont peur d’être remplacées par l’IA parmi les gens qui ont fait des études et sont dans une position où ils peuvent accéder aux médias […] mais c’est la continuité de quelque chose qui s’est déjà passé avant et qui affectait des gens qui n’avaient pas ou peu voix au chapitre », analyse Claire Larsonneur maître de conférences à l’université Paris 8. Le journaliste spécialiste de la désinformation Thomas Huchon a lui déjà sauté le pas de l’IA. En écrivant des scripts, qui sont ensuite joués par son avatar dans des vidéos sur Instagram et TikTok, il explique se servir de l’IA « comme d’une aide à la production, pas à la création. »

Quid de la législation européenne ?

La critique ne s’est pas arrêtée aux journalistes ou à la société civile. Le ministre polonais de la numérisation Krzysztof Gawkowski a affirmé sur le réseau social X : « L’usage répandu de l’IA doit être fait pour les gens, pas contre eux. » Mais la législation européenne ne semble pas particulièrement se préoccuper de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les médias. La stratégie européenne, consacrée en mai 2024 par l’IA Act, a classé les usages de l’intelligence artificielle en fonction du risque qu’ils pourraient causer à la société. 

Selon Claire Larsonneur, le recours à l’IA dans les médias représente un risque faible, mais qui appelle une régulation : « Si vous diffusez un contenu généré par IA qui comprend une erreur grossière comme le pape en doudoune de marque, ou bien une information comme quoi Brigitte Macron serait décédée, ce qui n’est pas vrai, il faut que quelqu’un soit responsable. »

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