Aux États-unis, un cinéma anti-woke tente de concurrencer Hollywood et Disney

Autrefois cantonné à de médiocres téléfilms, le cinéma ultra-conservateur et religieux américain connait un coup de boost.

Des hommes qui se travestissent pour se faire passer pour des femmes trans et gagner des compétitions sportives, des caméos de l'animateur Ben Shapiro, du psy Jordan Peterson et du républicain Ted Cruz, trois égéries conservatrices américaines et une tonne de blagues misogynes… Voici en quelques mots le résumé de Lady Ballers, une comédie sortie en décembre 2023 sur Daily Wire+. 

Si vous n’avez jamais entendu parler de cette plateforme de streaming, c’est normal. Il s’agit d’une branche « Entertainment » émanant du groupe média The Daily Wire, co-fondé par Ben Shapiro et Jeremy Boreing et dont le cœur de cible est l’Amérique ultra-conservatrice et anti-Woke. Dans son catalogue, on trouve des émissions et des podcasts de stars masculinistes, des documentaires pro-Trump ou anti-avortement ou encore une série animée comme Mr. Birchum, une sorte de Family Guy qui se moque des libéraux vegan. Lady Ballers est la première tentative de long métrage de fiction de la plateforme. Mais il ne s’agit pas du premier film anti-woke produit aux États-Unis, loin de là. 

De la Bible à QAnon

Depuis le début des années 2010 (ce qui correspond à l’arrivée au pouvoir d’Obama), un Hollywood alternatif, très porté sur les valeurs religieuses et conservatrices émerge outre-Atlantique. Les choses ont commencé avec des téléfilms religieux produits par EchoLight Studios, (une maison de production dirigée par l’ancien candidat républicain Rick Santorum) et des documentaires à charge contre le président démocrate, et Hilary Clinton réalisé par Dinesh D'Souza. À partir de 2014, l’acteur Kevin Sorbo que les quarantenaires ont connu dans la série télévisée Hercule, va devenir l’une des étoiles montantes de ce cinéma « engagé » en jouant dans des films comme God’s not Dead qui opposent des gentils étudiants chrétiens fondamentalistes contre des professeurs athéistes pas très sympas. 

À partir des années 2020, ces productions vont bénéficier de meilleur financement et vont performer dans les salles de cinéma. On peut citer Left Behind: Rise of the Antichrist, un film apocalyptique écrit et réalisé par Kevin Sorbo sorti en 2023. Le film raconte le ravissement (the Rapture), une croyance typiquement évangélique selon laquelle les élus de Dieu sont envoyés au Paradis tandis que la Terre devient un terrain d’affrontement entre les forces du bien et du mal. Mais c’est bien le film Sound of Freedom avec Jim Caviezel (le Jesus de La Passion du Christ) qui va donner à ce cinéma son premier vrai succès médiatique. 

Son histoire d’enfants enlevés par un réseau pédophile et sauvés par un agent fédéral démissionnaire va trouver le soutien massif de toute la sphère complotiste QAnon qui va inonder les réseaux de critiques positives. Le film va aussi mettre en place une stratégie ingénieuse via l’application Pay It Forward qui permet aux spectateurs d’acheter des places pour les offrir aux personnes dans le besoin. Grâce à ce système qui a permis d’écouler 10 millions de places, le film va s’enorgueillir d’avoir rempli des salles entières. En réalité, les séances tournaient parfois à vide.

Ça n’a pas empêché le film de générer 250 millions de dollars au box-office américain (pour un coût de 15 millions de dollars) et de revendiquer la deuxième place juste derrière Mission Impossible. Fort de ce succès, une plateforme comme Daily Wire+ pense avoir le vent en poupe et ne compte pas s’arrêter là. 

Le retour des princesses à la cuisine 

Après avoir dépassé le million d’utilisateur en 2022, la plateforme a décidé de s’attaquer à Disney, vu comme un bastion du wokisme avec ces princesses indépendantes, et ses marines de l’espace lesbiennes. Début 2023, elle a lancé Bentkley, un autre service de streaming dont la programmation colle aux productions de la firme aux grandes oreilles. Son premier hit ? Chip Chilla, une version conservatrice de la série animée australienne Bluey qui met en scène un papa progressiste. Pour 2025, la plateforme prévoit de sortir sa version de Blanche neige et les sept nains pour faire face au remake prévu par Disney et dont la première image montrant des personnages joués par des acteurs noirs avait provoqué un tombereau de polémiques. Comme le rappelle le média Niemlab, Ben Shapiro a très bien intégré le conseil de son mentor Andrew Breitbart (fondateur du média conservateur Breitbart News) : « La politique est en aval de la culture ». Avec ces contenus populaires, le camp conservateur vise les esprits et les cœurs.