Cette Intelligence Artificielle (IA) éthique mise au point par des Canadiens va être utilisée par les Nations Unies pour atteindre leurs Objectifs de Développement Durable.
On associe souvent l’intelligence artificielle à la tech ou à la finance, et trop peu à la protection de l’environnement, de la faune, de la flore. Pourtant, l’entreprise québécoise Whale Seeker a mis au point un outil d’IA capable de détecter rapidement la présence de mammifères marins comme les baleines.
Les applications sont multiples : éviter la collision entre les cétacés et les bateaux, ou mieux comprendre l’impact du réchauffement climatique sur le mode de vie de ces animaux. Grâce à cette intelligence artificielle « éthique », Whale Seeker a remporté le prix de l’un des dix meilleurs projets d’IA en matière de développement durable de l’UNESCO. Cette technologie va donc être utilisée par les Nations Unies pour atteindre leurs objectifs de développement durable. Cette innovation a également retenu l'attention du Sommet ChangeNOW, évènement de solutions pour la planète. Entretien avec Emily Charry Tissier, CEO de Whale Seeker et biologiste.
L’ADN : Whale Seeker a mis au point une IA pour fournir des données plus précises pour la détection des baleines. Comment est né le projet ?
Emily Charry Tissier : Pendant mon congé de maternité, mon mari (qui est aussi biologiste) et moi, avons eu l'opportunité de travailler ensemble sur un projet pour la WWF. Notre tâche était d'analyser 6 000 images aériennes de narvals de l'Arctique canadien pour aider le plan de gestion d'une réserve aquatique qui s'appelle Lancaster Sound. Nous avions pour mission de déterminer si, parmi l'habitat critique des narvals, il y avait des zones qui méritaient plus de surveillance ou plus de protection que d’autres. C'est en passant au crible les images aériennes que je me suis rendue compte que c'était une tâche très longue que l’on devrait automatiser, standardiser. Mais tout le monde est capable de détecter la silhouette d’une baleine vue du ciel, pas besoin d’être un expert. En revanche, les données dont on peut avoir besoin sont souvent plus précises, plus nuancées. Le détail de la détection peut varier en fonction de nos clients. C’est l’intérêt de l’intelligence artificielle qui permet d’être flexible mais aussi de standardiser les données en fonction des besoins de nos partenaires.
Quelles sont les différentes technologies que vous avez développées pour faciliter la détection des mammifères marins ?
La solution sur laquelle nous avons le plus travaillé jusqu'à maintenant s’appelle Mobius. C’est une solution que l’on utilise avec des images aériennes prises par avion ou drones. Nous avons également une solution qui s'appelle Cetus, c'est la même chose que Mobius mais elle fonctionne avec des images satellitaires. Nous développons aussi une solution avec des caméras infrarouges prises en temps réel depuis des bateaux ou la terre ferme.
Vous n’utilisez qu’une intelligence artificielle éthique. Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela veut dire que l’on travaille uniquement avec des données récoltées grâce à des outils qui ne vont pas gêner les mammifères marins. Et que nous rémunérons correctement toutes les personnes qui annotent les images. Notre base d'entraînement est annotée uniquement par des biologistes marins avec une maîtrise en doctorat. D'autre part, nous n’utilisons nos données que pour les mammifères marins. Nous avons été contacté pour détecter des bateaux, mais nous refusons systématiquement. Ce qui est très important pour nous, c'est de démocratiser et démystifier l'intelligence artificielle pour rendre cet outil accessible à tout le monde. Nous voulons donner accès aux petits ports, aux petites organisations de conservation marine aux mêmes outils que les grandes compagnies pétrolières.
Pouvez-vous nous donner des exemples d’applications concrètes de vos solutions pour vos différents partenaires ?
Cette année, nous avons analysé 100 000 images pour le gouvernement canadien et parmi ces images nous avons détecté des phoques, des morses, des baleines, des ours polaires. Nous les aidons à comprendre l'impact du changement climatique sur l'environnement dans l'Arctique canadien, mais aussi ses effets sur toutes ces populations. Sont-elles en bonne santé ? Sont-elles en train de changer d'emplacement ? Est-ce qu'ils ont moins ou plus de ressources qu'avant ? Grâce à nous, ils peuvent répondre beaucoup plus rapidement à ces interrogations.
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