
Penser « responsable » avant « rentabilité » ? Pour l’heure, cette idée dénote encore dans la plupart des directions d’achats. Anne Gonzalez, intervenante à l’ESG ACT et experte en gestion de projet RSE, nous livre quelques recettes.
Depuis le 1er janvier 2023, les entreprises françaises de plus de 500 salariés doivent intégrer dans leur bilan carbone le Scope 3, soit les émissions indirectes tout au long de leur chaîne de valeur. Dans le monde de l’entreprise, ce sont les achats de biens et services qui sont les principaux concernés. Poussés par la réglementation, les directeurs d’achat prennent le train de la transition écologique et solidaire. Une démarche qui va à l’encontre des stratégies d’achat traditionnelles, orientées historiquement par l’efficacité opérationnelle et la réduction des coûts et qui promet « une large zone de patinage artistique », analyse Anne Gonzalez, intervenante à ESG Act et experte dans les achats responsables.
Il faut en effet l’avouer : élaborer une stratégie d’achat et d’approvisionnement à la hauteur des grands enjeux de transition écologiques et solidaires n'est pas une mince affaire. Et tout y est question de cohérence. Certaines entreprises se targuent par exemple de concevoir des objets respectueux de l’environnement, mais n'ont aucun problème à maintenir une politique interne de déplacements professionnels en avion. D'autres se félicitent d'héberger leurs données sur des serveurs « green » quand elles continuent à manufacturer des biens à l’autre bout du monde. Une autre voie en matière d’achats est possible. Nous avons demandé à Anne Gonzalez de nous éclairer sur les enjeux de l’achat responsable.
Passer du moins-disant au mieux disant
« C’est utopique, mais l’achat responsable est un achat qui n’a pas eu lieu, qui a été évité parce qu’on a changé le comportement [des entreprises] », introduit l’intervenante à ESG Act. Dans les faits, l’achat responsable est une démarche qui intègre les principes de responsabilité sociétale des entreprises dans la décision d’achat de biens et de services. Elle interroge précisément le coût précis de ces prestations, dans leur dimension financière, certes, mais aussi sociale et écologique. « C’est penser le plus local possible, sobre, au plus proche des besoins avant tout. Et non business ».
La consultante donne un premier conseil : faire en sorte que toutes les parties prenantes y gagnent, dirigeants, investisseurs, collaborateurs et fournisseurs. « Il faut que tout le monde se sente responsable de l’achat, de ceux qui établissent le cahier des charges au sein de l’entreprise, ceux qui utilisent le bien ou service acquis à ceux qui fabriquent ou conçoivent le bien ou service en question ».
Pour l’experte, le cas de Decathlon est éloquent. L’enseigne s’est en effet distinguée par la mise en place, dès 2002, d’une charte de responsabilité humaine en production, signée par chacun de ses fournisseurs avant le début de toute relation commerciale.
Penser aussi l’amont
La marque a aussi introduit une démarche circulaire dans la conception de ses produits. « Nous examinons le cycle de vie de nos produits, de la conception à la fin de vie », peut-on lire sur le site de l’entreprise. Les matières premières, le processus de fabrication, mais aussi le degré de réparabilité sont considérés dans le lancement et la conception des produits.
Une autre enseigne française affiche une approche aussi complète dans la considération de toute la chaîne du produit : Leroy Merlin. L’entreprise a imaginé en 2022 un système de notation, le Home Index qui note de A à E un produit en fonction de ses performances environnementales et sociales. Pour établir cette note, Leroy Merlin a embarqué 500 de ses fournisseurs : une bonne manière d’accélérer en interne leur stratégie d’achats responsables.
S’interroger sur tous les points
Autre point fondamental pour Anne Gonzalez : « dans tout acte, se poser la question du pourquoi ». Une interrogation systématique qui conduit à un autre rapport à la consommation, à un achat souvent plus sobre. Pour illustrer ce conseil, l’experte évoque le cas du directeur d’achat d’un grand groupe qui souhaitait remodeler son appel d’offres de ménage. « Nous étions dans un contexte de réduction de coût ». En interrogeant son comportement d’achat, le client a fait le choix de changer les horaires de l’équipe de ménage.
« Là encore, toutes les parties prenantes ont été gagnantes : le personnel en travaillant de jour retrouve des horaires décents ; le fournisseur est soulagé de ne plus avoir à recruter du personnel de nuit plus rare à trouver et enfin, le client débourse moins d’argent, tarif de jour oblige ». Un cercle vertueux, en somme.
Pour autant, avant de s’installer dans les entreprises comme une deuxième langue maternelle, l’achat responsable a encore du chemin à faire, conclut Anne Gonzalez. « Prenez l’exemple des JO cet été. L’approche responsable est belle, mais dans les faits, les boissons versées dans des éco-cups étaient issues de bouteilles en plastique ». On l’a compris : si les entreprises ont parfois le mode d’emploi - aspirer au mieux, considérer toute la chaîne du produit, marteler la question du pourquoi - elles pèchent encore par cohérence et constance.
La question de l’achat responsable vous interroge ? C’est justement ce à quoi l’ESG Act vous forme notamment via le Master Achats et Développement Durable.
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