Guillaume Sanchez met du rock dans sa cuisine. Son restaurant le nomos séduit tous les amateurs de saveurs revisitées par le jeune maître.
Guillaume Sanchez, chef entièrement de noir vêtu, tatoué comme un marin, ne fait rien comme tout le monde. « Fils de militaire, élevé en caserne, parti de chez mes parents à 13 ans, inconsciemment, j’ai choisi une voie aussi droite et structurée que l’a été mon éducation », raconte Guillaume. Sans le vouloir, car au départ, c’était juste un moyen d’attraper sa liberté au vol plus tôt que prévu.
Tout a commencé par la volonté de louper un cours de math. « Au collège, les compagnons du devoir étaient venus faire une présentation. Le petit con que j’étais a beaucoup ri en écoutant chanter des mecs en costume. » Et quand il rentre chez lui, pour faire un pied de nez à son père, il annonce qu’il veut devenir pâtissier. « Je n’avais jamais cuisiné, jamais fait un gâteau. » Son père le prend au mot, et le voilà en stage dans une petite boulangerie de village près de Bordeaux. « Il s’est passé un truc étonnant. Le patron était un homme très humble, passionné, fatigué par soixante ans de carrière mais très respectueux de son travail et des gens avec qui il travaillait. J’ai aimé. » Il fera son tour de France, recevra deux médailles comme meilleur apprenti de France, et fera ses classes dans de grandes maisons, Fauchon, Dalloyau, Ladurée, avant de se lancer en solo.
Aujourd’hui, dans une petite rue au pied de la butte Montmartre, il a son propre restaurant, Nomos, où il exerce en maître du lieu son besoin compulsif de créativité. « Créer ne s’apprend pas, mais c’est un muscle qui s’entretient. La pâtisserie, c’est de la logique, des chiffres, des proportions, une méthode… La technique t’aide à structurer une émotion et tu passes d’un statut d’ouvrier qui reproduit le geste d’un autre, à celui d’un créateur qui conçoit le sien… » Car créatif serait presque son pire défaut. « Je pourrais considérer que mon travail est de restaurer les gens, que je suis là pour faire en sorte qu’ils n’aient plus faim quand ils partent. Nomos, ce n’est pas ça. C‘est un échange. » Car, concrètement et de son propre aveu, Guillaume est incapable de travailler plusieurs mois sur le même plat. « J’ai un besoin physique et viscéral de tester de nouvelles recettes, la routine me tue. » Alors, pour les clients, il faut admettre le concept : celui d’être surpris, de se laisser emmener. Ils ont le choix entre trois formules : 3, 5 ou 9 plats dont un ou trois desserts, sans trop savoir ce qu’ils auront dans l’assiette.
L’adresse se transmet entre explorateurs éclairés… personne ne vient là par hasard, et l’on y revient pour le plaisir de partager les chefs-d’œuvre d’un jeune maître.
Cet article est paru dans L'ADN 8 - Guillaume Sanchez fait parti des 42 superhéros de l'innovation. Votre exemplaire à commander ici.
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