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Agences, faisons notre part

Depuis le temps qu’on les sentait venir, toutes ces crises, on ne peut pas dire qu’on soit vraiment pris de court. Et pourtant notre état aujourd’hui est celui de la sidération. Une tribune d'Anne Dimier Vallet, Directrice Générale de Publicis Dialog.

 

Nous avons pris en pleine figure et en moins d’un mois la présence des terroristes comme celle de voisins qui tuent nos amis, nous avons compris que nous faisons courir la planète à sa perte et que seul un effort considérable et conjoint nous permettrait de renverser (peut-être) le cours de choses, et nous avons réalisé à quel point les Français ne croient plus en leurs institutions et se réfugient vers ceux qui leur prodiguent des discours sécuritaires.

Même si ce week-end a vu des résolutions heureuses lors de la COP21 et du scrutin du deuxième tour des régionales, ce que nous vivons est qu’à la crise économique s’ajoute concrètement la crise des valeurs. 

Croyons qu’une part de la solution est dans la communication.

Naïvement, on a envie de conseiller aux grands de ce monde de se parler, vraiment. De communiquer avec nous, pour de vrai. D’arrêter d’agiter des concepts, des promesses. De parler concret, vraiment écouter, se mouiller, répondre. De voir au-delà de leurs intérêts et du court terme. De construire et collaborer. On découvrirait sans doute combien nombreux sont leurs points d’accord.

En tant qu’agence, c’est ce que nous recommandons à nos marques, et sans avoir attendu l’explosion du digital et l’uberisation des business.

Mais il est temps pour nous, agences, d’aller plus loin.

Par nos métiers, nous sommes au plus près de ce que les gens pensent et de leur façon de vivre. Nous sommes aussi responsables des messages que nous leur adressons, et souvent ce sont parmi les plus puissants qu’ils reçoivent. Nous concevons des campagnes efficaces pour changer les comportements, les croyances et les attitudes sur un produit : nous nous devons aujourd’hui d’aller au-delà de l’exigence d’un retour sur le business de nos clients.

Pensons comment les marques peuvent utiliser leurs moyens parfois colossaux dans des messages qui contribuent aussi au « vivre ensemble » plutôt qu’à la distinction, la frustration et au clivage, en osant assumer que les choix de consommation aujourd'hui sont porteurs de sens et que les marques sont réellement influentes.

Deux chantiers, pour commencer.

1. C’est un vieux sujet, mais aujourd’hui, on ne peut plus lâcher sur les castings imposés. Ces obligations qui nous mènent systématiquement vers le plus petit stéréotype 

sensément acceptable : blanc – châtain – sans accent et plutôt casual. Avec une gueule mais pas trop. Métissé mais pas trop. Surtout quand il s’agit d’une campagne pour une marque qui a des millions de clients et donc a été choisie, statistiquement, par des personnes de toutes origines.

Nous devons faire prendre conscience à nos clients que leur communication est une représentation de la société, et que leur marque, qu’ils veulent forte, est un « référent – influenceur ». Chacune de ses prise de parole est une vitrine de la société française ou mondiale telle qu’elle la voit. Et ça, maintenant, plus que jamais, c'est politique.

2. On est en plein dans les stratégies d’engagement. Quand on demande aux personnes qui ont rejoint le compte social d’une marque de liker, partager ou commenter, on leur demande de s’engager. Est-ce qu’on préfère qu’ils le fassent sur les actualités marketing de la marque ? ou sur une innovation, un projet, une actualité choisie par l’annonceur, qui œuvre pour un rééquilibrage favorable de la planète ou du « vivre ensemble » ?

Nous devons amener nos clients à investir en communication sur leurs initiatives cachées qui participent à l’économie circulaire, à l’adoption de comportements positifs, à l’idée de « faire société ». Ces initiatives existent, mais elles sont trop souvent cachées dans des rapports RSE. Il faut les faire connaitre car ce sont les nouveaux leviers de la préférence durable. Elles montrent que les marques s’assument comme acteurs de l’état du monde et de la vie de ses gens. Et pour nous, publicitaires, elles sont le terreau d’histoires fortes et très distinctives, qui sortent par le haut de l’indifférenciation des contenus.

Les marques sont des institutions comme les autres et à leur échelle, elles ont le pouvoir de changer le monde, la vie en société. Aujourd’hui, toutes les bonnes volontés sont requises. 

La semaine dernière et dans le cadre de sa collaboration avec l’Office du Tourisme de Tunisie, Publicis a lancé une campagne pour célébrer le prix Nobel de la paix attribué au Quartet du dialogue tunisien. Ce n’est pas une nouvelle campagne touristique pour la Tunisie. C’est une invitation à réfléchir sur la fragilité d’un état de fait qui nous semble trop une évidence : la démocratie. La paix.

Voilà un combat pour la Tunisie.

Pensons à tous ceux que nos marques seraient bien placées pour endosser. 

 

 

Anne Dimier-Vallet, Directrice Générale de Publicis Dialog (en charge du planning stratégique) 

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