La sobriété désirable, c’est maintenant ?

La sobriété désirable, c'est maintenant ?

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Consommer moins mais mieux, d’accord. Mais comment donner envie aux consommateurs de passer à l’acte ? Eléments de réponse avec les invités de la table ronde « Less We Can » organisée par L’ADN et Logic Design.

« Lampe à huile » ou « modèle Amish »  ? Il y a quelques années encore, la sobriété avait du mal à rencontrer son public à qui l’on associait un mode de vie sommaire, bien loin de la notion de confort. Un manque de désirabilité que la crise sanitaire et la prise de conscience Pierre Rabhi, et qui peut « être considérée comme une posture délibérée pour protester contre la société de surconsommation. » 

La fin de l'abondance est d’ailleurs de plus en plus plébiscitée par les consommateurs français qui sont 83 % à souhaiter que la consommation prenne moins de place dans nos vies selon une étude de l’ADEME de 2022. Conséquence : ils sont 79 % à être favorables à la sobriété, nous apprend une étude Kantar

Mais le terme de « sobriété » peut faire peur à celles et ceux qui ont du mal à envisager un avenir sans viande ou sans voyages en avion. Comment les marques peuvent-elles faire en sorte que cette sobriété devienne un nouvel idéal de consommation, possible mais aussi désirable ? C’est l’une des questions posées par Arthur Sotto et Rachel Wagner, planneurs stratégiques chez Logic Design à l’occasion de la table-ronde organisée par Logic Design et L’ADN intitulée « Less We Can » , le 6 avril 2023. Florence Lemetais, directrice marketing de Fnac Darty, Emery Jacquillat, PDG de la Camif et Marc Minart, cofondateur de la marque Sapar sont venus parler de cette nouvelle ère de la consommation. 

« Ce n’est pas parce que l’on fait de l’économie circulaire que ce doit être moche »

Rendre la sobriété désirable en proposant une vision positive, c’est tout le challenge des marques engagées aujourd’hui. L’imaginaire positif est au cœur de ce nouveau paradigme qui prône une consommation plus qualitative et égalitaire qui répond à un besoin. C’est le positionnement de l’entreprise d’ameublement la Camif qu’a repris Emery Jacquillat en 2009 en inscrivant le durable et le made in France au cœur de sa raison d’être. « Ce n’est pas parce que l’on fait de l’économie circulaire que ce doit être moche », lance-t-il. Convaincu que c’est aux marques d’inventer un modèle cohérent avec les défis environnementaux et sociaux, l’entreprise a fait du « moins mais mieux » sa devise : réduction de la consommation de ressources, recycler, réutiliser plutôt que jeter… « Nous avons cinq objectifs, deux concernent la sobriété. D’abord informer, sensibiliser à la consommation responsable en refusant de participer au Black Friday par exemple, mais aussi inventer de nouveaux modèles circulaires. C’est ce que nous avons fait avec le matelas Timothé qui est le premier matelas 100% recyclé », détaille Emery Jacquillat.

Certaines marques de vêtements sont particulièrement engagées dans cette sobriété désirable. Une bonne nouvelle quand on sait que l’industrie textile est responsable de 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. C’est le cas de la désormais célèbre marque Asphalte qui fonctionne grâce à un système de pré-commande pour éviter le gaspillage ou encore de Loom, marque qui n’a pas de collection et n’a recours à aucune publicité ni promotion. La toute jeune marque Sapar qui propose des vêtements revalorisés et upcyclés s’inscrit dans cette démarche. Son pari : s’inspirer des codes de la première main pour rendre sa gamme désirable auprès du grand public. « Nous sommes une vraie marque, pas un dépôt-vente. On contrôle la qualité des pièces, on les customise, on a un styliste en interne qui va en créer de nouvelles à partir des anciennes. On veut donner envie aux gens », rappelle Marc Minart, son co-fondateur. 

Une consommation utile adaptée aux besoins des consommateurs

Autre aspect essentiel de cette consommation sobre : passer à une économie différente en pensant une offre centrée sur l’usage des consommateurs. Plutôt que d’acheter de façon systématique, de plus en plus d’entreprises proposent aux consommateurs « sobres » de louer du matériel, à défaut de le posséder. C’est le cas de Decathlon qui a mis au point trois formules de location fonctionnant sur un abonnement mensuel. La moins chère, à 20 euros par mois, permet d’emprunter jusqu’à 400 euros de produits et de les échanger avec d’autres lorsqu’ils ne sont plus nécessaires. 

Fnac Darty propose également un abonnement, non plus pour louer du matériel, pour le faire réparer afin de lutter contre l’obsolescence programmée et allonger la durée de vie des appareils électroménagers. C’est pour limiter le recours aux produits neufs dès qu’un appareil montre quelques défaillances que l’enseigne a mis au point l’offre Darty Max à 9,90 euros par mois. « Un système vertueux pour la planète et l’entreprise », assure Florence Lemetais, directrice marketing de Fnac Darty. 

L’offre fonctionne bien puisqu’elle compte 800 000 abonnés, mais l’entreprise souhaite « passer le cap des deux millions d’ici 2025 », souligne sa directrice marketing. C’est dans cette même logique que Fnac Darty et ses techniciens SAV sélectionnent au sein de la boutique « choix durable » les produits les plus durables pour éclairer les consommateurs lors de leur achat. Apple implique aussi ses clients avec son programme de Self Service Repair en Europe, où n’importe qui peut désormais acheter des pièces Apple ainsi que des outils pour les réparer soi-même. 

Inventer une nouvelle relation avec le consommateur en proposant des offres responsables et désirables, voilà le secret d’une nouvelle ère de consommation plus éthique, plus sobre. Un mouvement à la fois bon pour la planète et le pouvoir d’achat des ménages, pour que tout le monde y gagne !

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