Notre rapport aux animaux et au monde animal est en constante évolution. Ces dernières années, les liens qui unissent humains et animaux sont au cœur des interrogations de nombreux intellectuels. Qu’elles soient sauvages, d’élevages ou de compagnie, nos amies les bêtes occupent aujourd’hui une place nouvelle dans la vie de chacun. Jusqu’à transformer nos sociétés en profondeur ?
En 2019, le Parti animaliste obtient 2,17 % des voix aux élections européennes, soit 0,33 % de moins que le Parti communiste. Plus qu’un signal faible, il s’agit de la confirmation d’une tendance. En 2021, selon une enquête Ifop, la cause animale est importante aux yeux de 84 % des Français. D’ailleurs, la question s’invite au cœur du débat présidentiel, puisque 47 % des citoyens indiquent qu’elle va influer sur leur choix.
La conférence We Are Animals! qui s'est tenue le 25 novembre 2021 à Paris, avait pour objectif d’interroger ce nouveau rapport entre humains et animaux. Organisée par L’ADN et Logic Design, elle a permis à Rachel Wagner et Arthur Sotto de Logic Design, Chloé Chazot, communications manager chez Lush, Corinne Lesaine, vétérinaire et consultante pour la marque de croquettes pour chiens et chats Japhy, et Raphaël Sadaka, cofondateur de Dalma, assurance santé pour animaux de compagnie, de faire la lumière sur ces questions.
De leurs droits à notre alimentation, la place de l’animal reconsidérée
À l’heure où un Français sur deux ont un animal dans leur vie, ces boules de poils, de plumes ou d’écailles ne sont plus considérées comme de simples objets. Depuis 1979, les animaux possèdent officiellement, grâce à l’Organisation mondiale de la santé animale, des libertés individuelles :
- absence de faim, de soif et de malnutrition : ils doivent avoir accès à l'eau et à une nourriture en quantité appropriée ;
- absence de peur et de détresse : l’élevage ne doit pas induire de souffrances psychiques ;
- absence de stress physique et / ou thermique : l'animal doit disposer d'un certain confort physique ;
- absence de douleur, de lésions et de maladie : l'animal ne doit pas subir de mauvais traitements et il doit être soigné en cas de maladie ;
- liberté d'expression d'un comportement normal de son espèce : son environnement doit être adapté à son espèce.
« Cela a aujourd’hui un impact sur la considération animale, indique Rachel Wagner, planneuse stratégique chez Logic Design. Ces libertés sont aujourd’hui prises en compte de manière optimale par les propriétaires d’animaux, qui prennent ces problématiques en compte pour leur logement, leurs meubles, le tourisme, et même vis à vis de leur employeur ! ». Les animaux, êtres sensibles, font désormais partie intégrante de la famille.
Depuis quelques années, on constate une augmentation du nombre d’associations dédiées à la cause animale, dont les objectifs tendent tous à faire respecter ces libertés. « Il y a eu plus de 3000 créations d’associations en un an », souligne Arthur Sotto, planneur stratégique chez Logic Design, avant d’ajouter : « les chiffres augmentent également du côté des consommateurs, notamment en matière d’alimentation ». Le nombre de végétariens et de vegans augmente d’année en année. Au Royaume-Uni par exemple, 40 % des citoyens déclarent ressentir de la culpabilité lorsqu'ils mangent de la viande, selon une enquête menée par l’association caritative The Vegan Society.
Du bien-être au mieux-être
« Ces nouvelles problématiques influencent notamment les décisions des propriétaires d’animaux de compagnie », indique Rachel Wagner. Des « pet owners » (propriétaires d’animaux) qui deviennent des « pet parents » (parents d’animaux) selon Corinne Lesaine, vétérinaire et consultante pour Japhy. « Nous voyons une transformation dans la relation propriétaires-animal, qui évolue sur ce qui semble se rapprocher d’un rapport parent-enfant. Cela influence donc naturellement la prise en compte du bien-être de l’animal ».
Conséquence de cette modification du regard que l’on porte sur nos bêtes, la notion de bien-être animal glisse progressivement vers celle du mieux-être. « Le sentiment d’avoir des traits communs s'opère », indique Arthur Sotto. Cela engendre des changements, certains sont opérés au cœur de la maison et d’autres dans la vie quotidienne de l’animal : « le petcare évolue drastiquement, la relation avec l’animal est plus profonde, on fait attention à ce qu’il mange, on lui pose un traqueur d’activité ou on écoute des podcasts dédiés », sourit le planneur stratégique.
Les entreprises montent au créneau
Au-delà des relations intimes que l’on entretient avec nos animaux, les entreprises adoptent de nouvelles règles pour répondre aux attentes de la société. Illustration de cette évolution, le label « cruelty free », qui est aujourd’hui le 5e label le plus revendiqué par les marques, qui affichent ainsi le fait que leurs produits ne sont pas testés sur les animaux. La marque de cosmétique Lush fait de ce combat le sien. « Nous avons toujours défendu le principe de cruelty free. Nous ne commerçons pas avec la Chine, par exemple, qui demandait encore récemment de tester les cosmétiques sur les animaux », indique Chloé Chazot, communications manager chez Lush. Et d’ajouter : « nous soutenons les associations locales qui se battent pour la protection des animaux, de l’environnement ou des droits humains. Tous les bénéfices de la vente de notre crème Charity Pot lui sont dédiés ». D’autres ont saisi l’opportunité au vol. C’est notamment le cas de Garnier qui devient 100 % cruelty free (chaîne des commandes comprise) ou encore de Gucci, qui a abandonné le cuir pour le Demetra, un matériau vegan.
D’autres entreprises se saisissent de cette tendance à l’explosion du « pet care » dans d’autres secteurs, et notamment celui de l’assurance. Aux États-Unis, 20 % des plus jeunes propriétaires d’animaux de compagnie ont une assurance pour ceux-ci. « Nous sommes témoins d’une augmentation des dépenses, précise Raphaël Sadaka, cofondateur de Dalma, une assurance spécialisée dans les animaux de compagnie, et cela se ressent dans le secteur de l’assurance ». D’ailleurs, tout comme Corinne Lesaine pour Japhy, Raphaël Sadaka a développé une plateforme de téléconseil pour accompagner les nouveaux « pet parents » au quotidien. « Un service essentiel », s’accordent-ils à dire, afin de conseiller et de rediriger les propriétaires d’animaux vers des vétérinaires. Un service au poil, qui attend aujourd'hui l'aval des autorités pour pratiquer des téléconsultations. Comme pour les humains.
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