Ceux qui prédisent la mort de la télé ont-ils raison ? Pas pour Christophe Moiroud, du Groupe TF1, ou François Lamotte, de l’agence W. Ces deux experts ont présenté les grandes tendances de la télé lors du cycle de la Marque, organisé par la marque W.
Avant, tout était simple. Il y avait une télé, une grosse télécommande et le 20h. Oui, mais voilà, alors qu’elle n’a pas connu de changement drastique pendant des décennies (mise à part l’apparition de la couleur), des vagues successives d’innovation ont déferlé sur le média télé. Apparition de l’iPhone, multiplication des écrans, modification des comportements et explosion du nombre des créateurs de contenus…
Ces facteurs de mutation ont amené les acteurs historiques à se questionner. Qu’est-ce qu’un bon programme, à l’heure d’une concurrence féroce ? Comment capter l’attention face aux multi-écrans et à la logique de playlist à la Netflix ? Comment créer le dialogue avec les spectateurs ? Enfin, quels sont les modèles économiques viables face à ces mutations ? Christophe Moiroud, responsable marques au sein du Groupe TF1, et François Lamotte, directeur général de l’agence W, ont distingué six tendances, présentées lors de la conférence « Medium Mutantis » du cycle de l’École de la Marque W en juin 2018.
Écran : du totem au doudou
La télé, c’était un peu le totem des 30 Glorieuses. La famille se réunissait chaque soir pour écouter religieusement la grand-messe du 20h, qui structurait la pensée sociale. Aujourd’hui, l’écran est devenu un prolongement de nous-même, un doudou, que nous ne lâchons pas. Les smartphones sont devenus des objets intimes, presque transitionnels, que nous maltraitons parfois et auxquels nous sommes scotchés (souvent). Il se pourrait pourtant que
notre rapport à l'écran change, avec une place plus importante donnée à la voix. Selon une étude mentionnée par les deux spécialistes,
50% des recherches se feront via des assistants vocaux d’ici à 2020.Du programme à l’expérience
La multiplication des écrans influence aussi le format, selon le contexte de consommation. L’écriture des programmes et les codes du montage évoluent. Par exemple, les scénaristes de la série à succès
Stranger Things, disponible sur Netflix, ont entièrement pensé la deuxième saison pour qu’elle soit visible sur écran de smartphone. Concrètement, aucun élément de l’intrigue n’a été mis au second plan des images, sous peine d’être manqué par le spectateur. L’émission Le Quotidien sur TMC a également été pensée pour faciliter le passage de séquence sur les
réseaux sociaux.
De l’attention à l’intention
En 2014, 95% des meilleures audiences françaises ont été réalisées par TF1. Les annonceurs cherchaient à atteindre une masse critique d’attention grâce à un ciblage sociodémographique (la bonne vieille ménagère de moins de 50 ans). Aujourd’hui, les annonceurs veulent toujours cibler en masse, mais compléter avec des publicités plus fines, qui visent certains comportements en ligne, des socio-types (les « foodistas », les « déco lovers », les « voyages addicts » ) ou des historiques d'achat, grâce à la publicité programmatique.
Concurrence coopérative
Face à l’émergence des GAFA qui ont raflé la mise de la publicité sur Internet en quelques années, les médias européens s’organisent et s’unissent. Le dispositif Alliance Gravity regroupe aujourd’hui une centaine de marques médias, de telecom ou de e-commerce, dont
Les Echos, le Groupe Marie Claire, l’Equipe Prisma Media ou encore le Groupe M6. Le but ? Partager ses données de navigation pour proposer une offre média globale aux annonceurs. Au niveau européen, la régie vidéo programmatique paneuropéenne Alliance EBX rassemble des acteurs tel que TF1 en France, ProsiebenSat.1 et Mediaset Espagne et Italie, et Channel 4 pour l’Angleterre. Les alliances entre diffuseurs et créateurs de contenus sont de plus en plus courantes
à l’image de MTV qui diffuse son contenu sur Snapchat ou Netflix sur TF1 et TMC.La marque « contenu »
Ces alliances stratégiques entre diffuseurs et créateurs de contenus donnent de plus en plus d’importance au contenu lui-même.
Certaines séries deviennent plus connus que la marque qui les a diffusés ou créés comme Versailles.
L’agence BETC avait d’ailleurs imaginé un dispositif visant à éloigner les enfants de la télé (pour échapper aux images olé olé de la série) en mettant l’accent non pas sur la chaîne télévisée, mais sur la série elle-même.
Right here. Right now
La télévision reste un média à la force de frappe inégalable pour le direct. La dernière intervention d’Emmanuel Macron au « 13 Heures » de Jean-Pierre Pernaut a réuni 6,4 millions de personnes. Les émissions locales, comme le « 13h », continuent de remporter un franc succès. France 3 va d’ailleurs tripler ses programmes régionaux et collaborer avec France Bleu. En complément des événements en direct, les réseaux sociaux ouvrent la discussion. Pour preuve, outre-Manche, 13 millions de téléspectateurs ont suivi le mariage de Meghan Markle et du prince Harry et, en complément presque 6 millions de tweets ont été générés sur Twitter.
Crédit photo : Getty Images
Le cycle de conférences L'École de la marque par W&Cie se poursuit le 18 septembre prochain, autour de l'intervention "Work n' roll : Marques et espaces de travail". Inscrivez-vous à ce lien.
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