Rencontrer Simon Bouanich, c’est prendre une grande leçon sur la créativité. Le Président de Pulp nous livre sa vision du métier des agences de design et ce qui doit faire leur succès.
Quand on l’interroge sur son métier, Simon Bouanich rentre dans le vif du sujet : ce qu’attendent aujourd’hui les clients, c’est du talent et de la création. Et pour mettre en vie les marques de manière singulière et unique, il est important de redonner aux créatifs la place qu’ils méritent. « Le rapport des gens aux marques est trop culturel pour laisser faire des financiers ». Il regrette un discours orienté autour de marges brutes, de levées de fonds, de résultats et où la création n’est pas représentée. « Quand vous regardez le bureau de l’ADC, il n’y a pas de créatif. La seule vitrine créative que l’on avait était le prix Super Design. Il n’a tenu que 2 ans… ». Il explique cela par l’ère du temps, qui a attiré des gestionnaires à la tête des agences. « Les groupes de communication ont lissé le paysage. Aujourd’hui, qu’est-ce-qui différencie une agence de l’autre ? C’est difficile d’y répondre pour un client qui a plutôt tendance à appréhender les agences selon leur taille que par leur capacité créative ». Il déplore que les agences n’aient pas su travailleur leur image. « C’est un peu l’histoire du cordonnier mal chaussé. Certaines agences n’ont pas su s’appliquer leurs principes ».
Simon Bouanich a créé Pulp en 2001, au sein du groupe Havas. « J’adorais ce groupe. Ils ont une culture d’entrepreneurs dingue… ». C’est finalement « l’appel d’encore plus de liberté et l’envie du risque » qui le poussent à redevenir indépendant en 2006. « Ça permet d’exprimer l’essentiel : une vision sur un métier, y mettre beaucoup d’énergie, et savoir rebondir sur des échecs, le tout avec humanité et humilité ». Il choisit pour son agence un nom simple, et international « qui révèle ce qu’il y a de plus gourmand. Pulp, c’est le cœur des choses, c’est l’essentiel ».
Le positionnement de l’agence est clair : « créer du sens et du désir ». C’est l’objectif fixé à toutes les équipes. « Il n’y a rien de naïf : il y a une dimension qualitative en termes d’image de marque, mais aussi en termes de succès. On est dans la réalité. Il y a des enjeux, des usines et des emplois derrière ». Mais il précise : « on ne mesure rien, ce sont les clients qui le font. Ce n’est pas notre job, chacun son job ! » Simon Bouanich explique que les marques s’inscrivent dans la vie de la société. « Les marques sont des identifiants tangibles dans la vie des gens. Mais ça ne veut pas dire qu’elles doivent être statiques : elles sont une matière vivante ». Il s’agit de les adapter à un environnement de plus en plus mouvant. « La difficulté pour les marques c’est de ne pas s’éparpiller ou se diluer, mais de rester compactes et lisibles sur des valeurs universelles ». Pour s’en assurer : le designer. « Il est le garant de cette puissance des signes ».
Les créatifs ont un rôle primordial chez Pulp : « il n’y a pas une personne pour avoir des idées et une autre pour les exécuter ». Le design, c’est rendre usuel, créer des attitudes, inscrire un produit dans un quotidien et le rendre proche des gens. « Une fois qu’on a ça en tête, les idées viennent toutes seules ». C’est pour cela qu’il tient à ce que les créatifs soient directement en contact avec les clients. « Le créatif, ce n’est pas un autiste : il sait de quoi il parle ». Ils travaillent également avec les consultants, pour « piloter et organiser le projet ». Mais il insiste : ce sont les créatifs qui sont les spécialistes. « C’est pour ce savoir-faire que les clients nous font confiance ».
Ce qui fait la richesse du métier de designer, c’est la large palette à disposition : l’image, la couleur, la typographie, la photographie, les influences artistiques, les nouvelles technologies… « C’est tout un art de pouvoir créer un territoire unique pour les marques ». Il faut qu’elles soient identifiables : « leur ADN, leur message, leur vérité… Le cœur de notre métier, c’est de communiquer tout cela ». Et le marketing ? « C’est notre client qui le fait. Nous sommes des gens d’idées, et nous les exécutons avec talent et rigueur ».
La créativité devient, selon lui, un exercice difficile : « il y a tellement de moyens d’inspirations à travers les outils d’aujourd’hui… Les banques d’images, le digital, l’instantanéité font qu’il est facile d’être en copiage, en digestion, en absorption permanente». Pour lui, l’élan créatif n’est pas toujours respecté. « Quand vous aimez une musique, ou une image, il ne faut pas l’expliquer. Il y a un peu de magie, de l’audace dans la créativité ». Une dynamique difficile à accepter pour certains, qui cherchent à minimiser le risque, à rationnaliser, justifier, expliquer. Or une bonne création doit parler d’elle-même : l’acte créatif doit être fort et puissant, « par nature irrationnel ». « En France, nous sommes d’une sagesse… On le voit bien au niveau des prix internationaux ». Il juge l’absence de créatifs à la tête des agences assez symptomatique. « Mais je suis un éternel optimiste, ça peut changer ».
Pour faire avancer et nourrir la créativité, il faut faire évoluer les mentalités. « On doit faire rentrer de nouvelles disciplines : ergonomie, sémiologie, sociologie, spécialistes de l’image… La co-créativité amène un travail qui peut permettre d’être plus audacieux ». Une dynamique qui permettrait de revaloriser le métier, « même d’un point de vue financier ». Le mot d’ordre : « lutter contre la banalisation. Il n’y a rien de banal dans le fait qu’une marque et ses produits acquièrent une adhésion quotidienne auprès de millions de gens. C’est un projet passionnant ».
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