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Le modèle éthique de Lush

La marque de cosmétiques Lush tend vers un modèle éthique total. En s'appuyant sur sa forte croissance (36% en France), la marque entend bien défendre les causes qui lui tiennent à coeur : protection animale, défense de l'environnement, mariage pour tous... Itw d'Hilary Jones, directrice éthique de Lush.

Mai 1995 commence l’aventure Lush

Dès sa création, l’entreprise est une aventure collective fondée par six personnes : Mo Constantine, Mark Constantine, Rowena Bird, Helen Ambrosen, Liz Bennett et Paul Greeves. à aucun moment la marque ne se détournera de sa mission première qu’elle exprime en ces termes : « Fabriquer des produits efficaces qui ont une véritable histoire écrite à plusieurs mains, privilégier les affaires éthiquement justes et sincères, acheter responsable et s’engager pour la protection des animaux, la préservation de l’environnement et la défense des droits de l’homme : voici la mission de Lush qui, nous l’espérons, continuera de mûrir et grandir afin de contribuer, à notre échelle, à l’élaboration d’un monde meilleur, pour tous. » Bon… cette phrase bien travaillée pourrait figurer sur n’importe quel Powerpoint d’entreprise sans scrupule, qui se masquerait dans un nuage de bons mots. Habitués aux scandales des entreprises, on se demande où est le piège. On commence donc à chercher du côté du service marketing qui package cet esprit de cosmétiques éthiques et responsables.

 

Le marketing est mort, tout est marketing

Mais voilà, chez Lush, vous risquez de vous épuiser à chercher un marketeur, car il n’y en n’a tout simplement pas ! Ou plutôt, tout le monde est marketeur. Tout le monde peut proposer des produits, des agencements ou encore des « campagnes » à soutenir. Car la marque a une particularité : elle ne fait pas de communication publicitaire. Dans un marché où le matraquage publicitaire est la norme Lush fait figure d’ovni, en conservant un esprit artisanal aux 612 millions d’euros de chiffre d’affaires. à défaut cependant de faire de la communication, la marque a développé une logique de « campagnes » en investissant dans des associations, des mouvements militants ou des ONG. Son soutien peut être financier et/ou en offrant de la visibilité à une cause à travers son écosystème : réseau de boutiques (43 en France), site Internet, etc. C’est ainsi que, régulièrement, vous verrez les boutiques de Lush arborer des slogans tels que « Gay is ok » pour la défense des droits des homosexuels, accueillir une performeuse accrochée par des hameçons géants pour dénoncer les pêches illégales, ou une femme subissant les traitements infligés aux animaux en laboratoire, et leurs vendeurs y seront parfois nus pour arborer le « go naked » (mettez-vous à nu) pour dénoncer l’excès de packaging des produits, etc.

Le produit au coeur des actions

Très souvent, ces campagnes sont accompagnées par des produits en édition limitée. Au-delà de ces produits événementiels, d’autres comme le Charity Pot ont été créés en 2007. Cette crème conçue avec du beurre de cacao issu du commerce équitable, est commercialisée dans 35 pays. L’intégralité des bénéfices est reversée à des associations caritatives. Ce ne sont pas moins de 16 800 000 euros qui ont été récoltés depuis sa création en 2007… 

 

Salariés et activistes, même combat

En vingt ans, la marque a su imaginer des leviers d’actions simples pour éveiller dans chaque client l’activiste qui sommeille. En toute cohérence, cet esprit militant est porté par… une militante de haut vol : Hilary Jones. Doc Martens argentés et arc-en-ciel, cheveux rouges, la directrice éthique de Lush détonne par son look et surprend par sa générosité et son ouverture.

Son parcours est atypique. engagée dans de nombreux mouvements, elle n’a jamais hésité à se menotter à des bulldozers et revendique une jeunesse rythmée par des séjours au poste de police. « Jusqu’au jour où j’ai vraiment eu besoin d’argent et de travailler », confesse en rigolant la directrice éthique. Elle rejoint donc les cuisines de Lush pour fabriquer des savons « faits mains » comme l’intégralité des produits de la marque qui s’attache à concevoir des produits frais mis à disposition sous vingt et un jours après leur fabrication (et jamais commercialisés après six mois). En fabriquant les savons, la militante voit l’évolution de l’entreprise : « au fur et à mesure, la marque a évolué et a commencé ses campagnes, c’était alors un moyen pour moi de résister sans avoir à m’enchaîner à un bulldozer et finir en prison. Au lieu d’utiliser la force humaine, nous avons utilisé la force de l’entreprise pour faire des actions tout aussi puissantes, voire plus puissantes. C’est une contribution qui est tout simplement différente. »

Toute l’entreprise est animée par ce militantisme via le commerce, ce qui fidélise les salariés. Pour Hilary Jones, cela a été un critère déterminant : « Chez Lush, vous n’avez pas à abandonner vos valeurs. Beaucoup d’entre nous ont de très fortes convictions et sont engagés, ce qui crée des conversations animées mais pas tant sur la nature des causes. Les débats se font sur la meilleure façon d’arriver à soutenir ces causes. » 

 

Militer en visant la croissance

Le mariage activisme et marque n’était pas évident, « cela me faisait peur d’entrer dans ce système, et cela continue de m’inquiéter », car la dichotomie n’est pas toujours facile à gérer. « la moitié du temps nous devons nous concentrer sur la bonne façon de faire de l’argent, et plus nous grandissons, plus nous sommes gros, plus nous avons une part de responsabilité grandissante, plus nos actions ont un impact, plus nous sommes dans le collimateur. Si nous faisons quelque chose qui entache notre réputation ou si nous faisons une grosse erreur, les conséquences grandissent au rythme de notre développement économique ». Car chez Lush, l’argent redistribué est avant tout une affaire de confiance.

 

Membre actif de tout un écosystème

Chaque année, la marque organise les Lush Prize, une remise de prix pendant laquelle l’entreprise attribue des bourses aux scientifiques qui développent des solutions alternatives aux tests sur les animaux et aux personnes qui militent pour la défense des animaux. à l’occasion de la dernière session, Mark Constantine, cofondateur de la marque, confiait : « dans le contexte économique actuel, réussir à faire 10 % de croissance tient du miracle. Je ne vous parle pas lorsque vous arrivez à faire 30 % de croissance (ie : en France, Lush réalise plus de 30 % de croissance). Ces chiffres veulent dire que nos consommateurs nous font confiance. Aux vainqueurs des Lush Prize, je voudrais leur rappeler que nous sommes capables de vous financer grâce à la confiance de nos consommateurs, cette confiance nous vous la transmettons, à vous de la respecter et d’en faire la meilleure utilisation. » Le ton est donné, avec le commerce éthique tout argent qui circule vient avec sa dose de responsabilité (450 000 livres sterling ont été remises ce soir-là)… et ça change tout ! Car la marque est fière d’entretenir une économie « parallèle » qui va dans le sens de ses valeurs. « Lorsque vous faites de la publicité, vous utilisez l’argent de vos consommateurs pour faire grossir votre marque. Ces entreprises pensent que les consommateurs doivent payer pour que l’entreprise devienne plus grosse. Nous, nous pensons qu’ils doivent payer mais que l’argent doit servir à leur donner le meilleur produit possible. Pour cela nous réinvestissons dans le produit, les recherches, et les causes qui partagent notre éthique. Bien entendu nous devons faire du profit pour continuer, mais il n’y a pas besoin de créer cette couche de coûts supplémentaires que représente la publicité », confie la directrice éthique.

 

L’éthique : un combat perpétuel

Cette démarche éthique paraît sans fin : « D’où viennent les matières premières ? Quelles sont les conditions de vie des salariés ? Quelle est la situation économique de la zone dans laquelle ils vivent ? Quel est l’état du sol ?... tout est relié. Donc si vous vous intéressez vraiment à la responsabilité de votre entreprise, votre travail ne s’arrête jamais, il y a toujours quelque chose à optimiser, à améliorer pour tendre vers le système le plus juste et le plus responsable possible.

Nous sommes connus pour notre lutte contre les tests sur les animaux mais nos engagements sont beaucoup plus vastes. Nous essayons de nous engager sur toutes les composantes qui amènent à nos produits. Nous travaillons dans ce sens mais nous ne sommes pas encore au modèle parfait, et je crois qu’il est impossible à tenir, il y a toujours une étape, un niveau, un ingrédient, un composant... qui peut être amélioré. C’est une quête sans fin ! »

 

En chiffres

934 boutiques dont 43 en France

15 000 employés

5,1 millions d’euros de donations distribués à des associations et à des groupes militants entre juin 2014 et juin 2015

612 millions d’euros de CA

19,7 millions d’euros de CA en France (36 % de croissance)

Flagship de 880 m2 sur 3 étages sur Oxford Street à Londres ouvert en 2015

En 2012, Lush était à la 10e place du classement mondial des marques classifiées « Naturelles/Éthiques ».

 

Article paru dans la revue de L'ADN - "Changer le monde". A commander ici.

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