Emakina n’est pas une agence digitale : c’est une agence de communication pensée pour un monde digital. Manuel Diaz nous explique la différence et nous livre sa vision du marché.
« J’ai fondé l’agence il y a 18 ans, lorsque j’avais moi-même 18 ans ». Emakina est créée alors que le numérique fait ses premiers pas. « On ne savait pas où nous classer, comment référencer nos métiers, quel code APE choisir… Bref, c’était le merdier ». Manuel Diaz a le pressentiment qu’il se passe quelque chose, sans forcément savoir quoi, et s’attelle à chercher. « Le web a permis à la France de découvrir que l’on peut entreprendre, et ce assez librement. C’était la nouvelle conquête de l’Ouest. D’un seul coup, l’entrepreneuriat devenait sexy. On était des bêtes étranges, qui ne respectaient pas les codes mais qui fascinaient ».
C’est sur ce terrain que l’agence, co-fondée par Manuel Diaz et son frère, s’est construite à Limoges. Au début de leur activité, ils créent des sites web. « Dans notre ADN, on a le digital chevillé au corps, avec toute la culture qui va avec ». Une culture du communautaire, des résultats plus que du chemin, et de la transformation des habitudes installées. « On passait notre vie à expliquer ce que le digital allait changer. J’ai assisté à des réunions complètement dingues où le débat était de savoir si tous les employés devaient avoir une adresse e-mail ». Pour lui, la « digital transformation » n'est pas tant un changement lié au digital en tant qu’objet, mais en tant que culture. « La génération qui arrive dans les entreprises a manipulé Gmail, YouTube, Facebook… Elle ne comprendrait pas de ne pas pouvoir y accéder pour performer au travail. Il faut expliquer ça à des directions qui ont passé leur temps à trouver des accords avec les informaticiens pour filtrer tout ça. C’était jugé comme inutile ! »
L’agence a quitté sa province, est devenue « glocale », et a développé de nouvelles expertises : marketing, acquisition d’audience, spécialistes de la marque... « Dans mes équipes, il n’y a que des pionniers. Quand on est dans le digital, on n’est pas forcément un spécialiste de la plateforme de marque ». C’est pour ça qu’il va chercher les meilleurs, en se tournant vers les métiers de la publicité. « On a pris les moins cocaïnés, ceux à qui il restait du cerveau disponible ». Il leur présente son terrain de jeu, « on avait des jouets différents, mais nous aussi on pouvait faire des châteaux ». Manuel Diaz se rend compte que la frontière entre publicité et numérique n’a plus de raison d’être. « Qui est une agence de pub ? Qui est une agence digitale ? Qui est une agence de marketing interactif ? On fait partie d’un secteur qui a une capacité inouïe à générer un bullshit incroyable. On invente des terminologies comme on invente des spécialités ».
Emakina rachète l’agence Toy en 2014. « D’habitude, c’est l’inverse : les agences de pub ont besoin de se diversifier, d’acheter de la croissance et de la connaissance ». Emakina choisit la dynamique opposée. « On arrive à être créateur de valeurs sur plein de sujets, pourquoi pas en publicité ? Tourner un film, ce n’est pas d’une complexité rare. Ce qui est compliqué, c’est de trouver la bonne idée, le bon insight, la bonne créativité. C’est en ça que nos talents sont complémentaires ». Il déplore que les acquisitions d’agences digitales par les grands groupes entraînent « la destruction de beaucoup de valeur. Les équipes partent post-deal ». Il explique cela par un « irrespect de la culture digitale chez les publicitaires. Je ne parle pas des dirigeants, qui ont compris la théorie. Mais il y a un problème de mise en œuvre ».
Le numérique a aussi bousculé les relations entre les agences et les annonceurs : « il n’est pas sain de garder une agence 10 ans. Il faut se re-challenger et ne pas s’installer dans un ronron relationnel, ne serait-ce que pour relancer la créativité. Un créatif qui s’occupe du même compte pendant 10 ans, soit il n’a pas de talent, soit il n’a pas d’ambition ». La temporalité a changé : le long-terme, aujourd’hui, dure 3 ans. « Les agences ont tendance à ne pas se traiter comme des entreprises normales, or nous restons des entreprises de service. Il faut que ça marche entre les dirigeants, qu’il y ait des convictions communes, et une mesure de la performance pour prouver la valeur de ce qu’on fait ».
L’omnicanalité est devenue une préoccupation pour toutes les marques. « Elles ont toutes compris qu’elles pouvaient se faire ‘uberiser’ du jour au lendemain. Uber n’est pas une société de transports de personnes : c’est une société qui a su définir ce que devait être l’expérience de déplacement dans un monde digital ». Pour populariser une offre, la publicité n’est plus du tout la seule solution. « Ce n'est pas la bonne équation que de penser comme ça. Il s’agit désormais de fabriquer des expériences clients, à tous les niveaux ». La signature choisie par Emakina il y a plus de 10 ans est signifiante : « ‘Building Brand Experiences’. Ça nous a valu d’être traités de fous furieux pendant des années, ce qui est plutôt bon signe pour nous. On a raison un peu trop tôt, il suffit d’attendre ».
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