Quand on rencontre Anne Méaux, on s’attend à une sacrée leçon. Pour les 30 ans d’Image 7, celle que les médias surnomment « la papesse de la com’ » nous parle des rencontres qui lui ont permis d’en arriver là, de ce qu’elle aime – ou pas – chez les gens, mais aussi de féminisme et de liberté. Vous êtes prêts ?
Le ton est donné.
« Je ne crois pas aux grands spécialistes. Un bon consultant a une vision globale d’un sujet »
Mais pour que ça performe, pas question de recruter des clones : la recette d’Anne Méaux ? Mixer les profils. Au niveau des univers, des expériences et des âges. « Les gens viennent de Normale Sup, Dauphine, Sciences Po ou Polytechnique. Ils ont étudié l’Histoire ou la philo. La personne la plus âgée a 68 ans et la plus jeune n’a pas beaucoup plus de 20 ans ». Un cocktail de têtes bien faites qui n’ont pas peur du choc des cultures. « J’ai besoin d’avoir ces intelligences qui viennent d’univers différents. Il faut pouvoir bâtir un corps de message qui sera décliné sur différents marchés : financiers, politiques, économiques, internes… Je ne crois pas aux grands spécialistes. Un bon consultant a une vision globale – ce qui n’empêche pas l’expertise ». Décliner une stratégie ou un message cohérent sur plusieurs terrains d’application, c’est impossible si l’on ne travaille qu’avec des gens qui ont les mêmes parcours, les mêmes idées. « Savoir attirer et garder les plus grands talents, c’est ça la clef des grands groupes pour se développer ».
Pour s’assurer de cette diversité, elle recrute elle-même chaque personne qui rejoint ses rangs. « Je travaille beaucoup. Quitte à me lever tous les matins, autant que ce soit pour retrouver des gens que j’aime ».
Des gens qu’elle aime au point qu’elle en parle comme de sa famille. « Je suis le patron, il n’y a pas de doute là-dessus. Mais mon talent, c’est de faire croître celui des autres, de créer des alchimies ». Pour abriter cette famille, elle ne conçoit pas Image 7 comme une agence – un mot qu’elle déteste ! – mais comme une Maison. « Je ne me vois pas comme une femme de la com’ ou de la pub mais comme une cheffe d’entreprise. Je n’ai pas le sentiment de diriger une agence : je n’ai pas inventé un produit mais une méthode. Bien sûr qu’on fait de la com’ ! Mais on fait aussi beaucoup d’autres choses ».
« Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre »
Avec le numérique, au départ, elle pense faire comme tout le monde – « acheter une boîte » - avant de changer de cap. « Plutôt que d’embaucher 20 personnes que je n’aurais pas choisies, j’ai préféré recruter des gens qui ont une double culture, celle du digital et du conseil ». Depuis, en interne, elle développe les formations, les web factories, les interventions de startups. « Puisque nous les conseillons, il faut comprendre ce qu’elles font ! »
Par ailleurs, depuis début 2018, Image 7 fait partie d’une alliance d’agences internationales composée de Finsbury au Royaume Uni et aux Etats-Unis, de Glover Park Group à Washington et d’Hering Schuppener en Allemagne. L’initiative est l’aboutissement d’un long cheminement. « Mes clients souhaitaient que je développe l’activité à Londres. Mais pour bien faire, il faut avoir une maitrise complète de l’écosystème ». Celle qui, de son propre aveu, a un côté « bonne élève toujours en quête d’excellence » ne pouvait pas être la meilleure dans un pays qu’elle ne connaissait pas aussi bien que la France. « J’ai rencontré les équipes d’Hering Schuppener qui ont fait venir une consultante chez nous. Elle s’est tout de suite intégrée. Il y a eu une entente culturelle formidable avec cette agence alors nous avons rejoint l’alliance. Ça nous permet d’apprendre sans changer de culture ». La seule condition ? « Ils n’ont aucun droit sur Image 7, aucun droit au capital. Je reste libre ».
« Pour être libres, les consultants doivent faire preuve de rigueur »
30 ans plus tard, elle s’en félicite encore. « Je suis d’une génération qui a été bouffée par l’idéologie. Celles d’aujourd’hui sont beaucoup plus ouvertes, moins embrigadées, plus libres.
Par ailleurs, liberté rime avec rigueur « on ne fait rien sans ça ». La rigueur est la seconde colonne d’Image 7. « C’est parce que j’impose une grande rigueur à mes équipes que je leur permets d’être libres ». Elle leur laisse notamment le soin de s’engager pour des causes en parallèle de leur métier. « Elles ne me tiennent pas forcément au courant, chacune est libre de son emploi du temps. Quand vous dirigez une entreprise, vous pouvez bien sûr créer l’espace de vie que vous voulez : ça ne nuit pas au travail, au contraire ».
La contrepartie, c’est que la hiérarchie se construit sur la compétence. « Certes l’expérience apporte du talent, mais je ne crois pas à l’avancement à l’ancienneté ». Chez Image 7, les gens doivent gagner leur place – un système qui ne peut pas fonctionner pour toutes les entreprises. « Je n’aime ni les gens peureux, ni ceux qui sont frileux. Ils n’ont pas leur place ici ».
« Il n’y a rien de pire que ceux qui disent qu’ils savent comment ça se passe. Un très bon consultant doit se former en permanence »
« Les femmes ont une relation au management différente »
« Les femmes ont une relation au management différente », poursuit-elle. « Nous sommes multitâches, et ça va bien avec le métier : je ne crois qu’au sur-mesure. Ça demande une bonne dose de psychologie ! Il faut cerner les gens, comprendre les non-dits, considérer le vécu… »
En riant, elle dit qu’Image 7 progresse vers la parité : « nous devons avoir atteint un tiers d’hommes… » Et plus sérieusement, elle pense que l’égalité hommes-femmes, c’est le minimum que puisse faire une entreprise en termes d’engagement. « Ça et le respect de la planète ». Fondatrice de l’association Force Femmes – qui aide les femmes de 45 ans et plus à retrouver un emploi -, elle choisit ses combats. Et elle pense que toutes les entreprises devraient en faire autant. « Puisque l’Etat n’a plus les moyens, c’est aux entreprises de trouver un thème de société sur lesquelles elles peuvent aider ». Mais attention, un engagement sociétal doit correspondre à des valeurs professionnelles ou personnelles. On ne parle pas là de greenwashing ou d’initiatives faites à la légère, mais de vraies actions, signifiantes. « Les entreprises sont perméables à cela depuis peu. C’est extrêmement lié à l’augmentation des inégalités, qui est réelle. Nous vivons à une époque de la transparence, qui fait qu’elles sont encore plus visibles et donc plus choquantes qu’avant. Je suis pour le capitalisme mais plus que jamais les entreprises doivent donner un sens à leur action et s’impliquer dans des causes sociétales. »
Crédit photo d'illustration : Irène de Rosen
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