
Dans un monde où l'imprévisible devient la norme, les entreprises doivent dépasser la simple résilience pour adopter une posture "anti-fragile". Mais comment s’y prendre ?
Le 9 juin 2023, Emmanuel Macron dissout l'Assemblée nationale. En une semaine, le CAC40 plonge de 6%. Dans les sièges sociaux, c'est la panique. Selon le baromètre OpinionWay pour CCI France publié la semaine suivante, 93% des dirigeants déclarent se sentir dans un "temps économique suspendu". Plans stratégiques bouleversés, projets gelés, investissements reportés. Classique.
Ce qui l'est moins, c'est l'attitude de certaines entreprises face à ce chaos. Alors que la majorité gèle ses activités, quelques-unes accélèrent leurs prises de décision, positionnent leurs offres et sortent renforcées de la crise. Leur secret ? Une approche baptisée "anti-fragilité".
"L'anti-fragilité va au-delà de la résilience ou de la robustesse", explique Nassim Nicholas Taleb, statisticien et essayiste américano-libanais qui a théorisé ce concept. "Le résilient résiste aux chocs et reste le même; l'anti-fragile s'améliore." Dans son ouvrage Antifragile : Les bienfaits du désordre, il développe cette idée révolutionnaire : et si l'incertitude était une opportunité plutôt qu'une menace ? Et si, dans un contexte incertain où ce qui est solide devient fragile, il fallait faire le deuil de la solidité pour adopter l’anti-fragilité ?
Starter pack pour entreprise anti-fragile
L'étude Global Resilience Report 2024 de McKinsey est sans appel : 78% des dirigeants considèrent désormais l'incertitude économique et géopolitique comme leur principale préoccupation, bien devant les risques climatiques ou technologiques. Un chiffre qui explique s’il le fallait encore pourquoi le modèle managérial hérité du siècle dernier - celui des plans quinquennaux et des projections infaillibles - montre aujourd'hui ses limites.
Soyons clairs, on ne renverse pas la balance de l’incertitude du jour au lendemain. Mais il faut bien commencer quelque part. Et surtout, il faut commencer maintenant. La bonne nouvelle est que si l’on a l'habitude de faire des plans, on peut continuer à en faire : mais sur l’inattendu.
À Paris, dans les locaux discrets de la DGSE, les exercices de simulation de crise font partie du quotidien depuis des décennies. Ce qui est nouveau, c'est que cette méthode s'exporte désormais dans le monde de l'entreprise. Comme les services secrets et le ministère des armées, vous pouvez vous aussi entraîner vos équipes à des scénarios fictifs. Une approche qui s’incarne dans la méthodologie "10% à l'imprévu" développée par l'agence Dagobert. Une forme d'anticipation stratégique qui permet de changer d’état d’esprit. Ou de mindset, comme on dit sur LinkedIn.
Le mindset de l'inconfort
Patrick Fagan, data psychologist et ancien responsable de la recherche comportementale chez Cambridge Analytica, cherche à le démontrer. Depuis plus d'un an, il documente son "Expérience hebdomadaire" consistant à tester chaque semaine une nouvelle expérience inconfortable, de l'infiltration dans une société secrète à des pratiques médicales alternatives controversées.
L'agence danoise &Co a tenté l’expérience. Avec The Ballet Of Creativity, elle a encouragé ses employés à suivre des cours de ballet classique. Objectif : développer leur capacité d'improvisation face à l'imprévu. Une démarche qui peut sembler anecdotique mais qui repose sur des bases scientifiques solides. Une étude du Journal of Experimental Psychology démontre ainsi que l'improvisation artistique active les mêmes zones cérébrales que celles sollicitées lors de la résolution de problèmes complexes en environnement incertain.
L'exemple de l'agence SidLee est également emblématique. Confrontée à un déménagement raté, elle a décidé de s’emparer de cette contrainte pour la transformer en opération de communication externe et interne sur le mode “l’aventure, c’est l’aventure!”.
Apprivoiser l'imprévisible : c’est possible !
L'essentiel de ce que nous allons vivre n'a pas encore été défini. Ce résumé de la philosophie de Taleb pose ce qu’est anti-fragilité. Et cette perspective invite à repenser fondamentalement notre rapport à la stratégie d'entreprise, et leur développement.
L'agence Dagobert vient justement de publier son étude "Top 10 Unpredictable", analysant les événements imprévisibles ayant transformé le paysage économique ces dernières années et proposant une méthodologie pour en tirer des enseignements stratégiques.
"Les imprédictions sont aussi importantes que les prédictions", affirme l'étude. Un néologisme qui résume parfaitement ce changement de paradigme dans le monde de l'entreprise : l'incertitude n'est plus une menace à combattre, mais une ressource à exploiter.
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