Les scientifiques sortent de leur réserve. Ils sont 1 000 à signer une tribune dans le Monde. Leur message ? Agissez ! Participez "aux actions de désobéissance civile" ! Et les marques dans tout ça ?
Ils savent, nous savons... il faut agir maintenant
Pour qui a déjà lu les (très nombreuses) tribunes de scientifiques nous alertant sur l'urgence climatique, celle parue le 20 février dans le Monde présente une trame tristement classique. Des rapports solides, des faits avérés, des menaces tangibles.
Pour les retardataires, on y trouvera quelques données mises à jour : "Les études préparatoires au prochain rapport du GIEC (CNRS-CEA-Météo France) suggèrent que les rapports précédents ont sous-estimé l’ampleur des changements déjà enclenchés. Un réchauffement global de plus de 5 °C ne peut plus être exclu." Quelques lignes qui suggèrent tout de même que la France pourrait ainsi devenir inhabitable... Sympa.
Mais ce qui est réellement bouleversant dans cette nouvelle tribune, c'est l'appel à l'action qui arrive en guise de conclusion :
"Nous invitons tous les citoyens, y compris nos collègues scientifiques, à se mobiliser pour exiger des actes de la part de nos dirigeants politiques et pour changer le système par le bas dès aujourd’hui. En agissant individuellement, en se rassemblant au niveau professionnel ou citoyen local (par exemple en comités de quartier), ou en rejoignant les associations ou mouvements existants (Alternatiba, Villes en transition, Alternatives territoriales…), des marges de manœuvre se dégageront pour faire sauter les verrous et développer des alternatives."
La réserve scientifique y perd sans aucun doute toutes ses plumes, mais a pour but de claironner : on n'a plus du tout le temps de tergiverser.
Le réchauffement, l'affaire de tous, mais la responsabilité de quelques-uns...
Mais cette tribune du Monde pose d'autres cartes sur la table. Elle souligne, sans tortiller, l'incompatibilité de notre société de consommation, qui n’a pas pris une ride depuis les premières alertes au réchauffement climatique (le rapport Meadows fête ses 48 ans), avec la réduction de nos émissions de carbone.
"Notre gouvernement se rend complice de cette situation en négligeant le principe de précaution et en ne reconnaissant pas qu’une croissance infinie sur une planète aux ressources finies est tout simplement une impasse. Les objectifs de croissance économique qu’il défend sont en contradiction totale avec le changement radical de modèle économique et productif qu’il est indispensable d’engager sans délai."
Ici, les entreprises ne sont pas directement prises à partie. Mais on comprendra aisément qu'elles sont évidemment au coeur de ces sujets.
« Continuer à promouvoir des technologies superflues et énergivores comme la 5G ou la voiture autonome est irresponsable à l’heure où nos modes de vie doivent évoluer vers plus de frugalité et où nos efforts collectifs doivent être concentrés sur la transition écologique et sociale. »
Les scientifiques veulent-ils tuer l'innovation ?
L’urgence climatique implique-t-elle de laisser tomber l'innovation ? Non. Surtout pas. Ce serait même tout le contraire.
Il est vrai que l'urgence climatique implique un changement radical de modèle, qui doit se faire vite, avec un objectif de passage à l'échelle. Et c'est en raison de ces objectifs un peu dingues que les entreprises, et les plus grandes en tête, ont un rôle majeur à jouer.
Loin de leur "raison d'être" bidonnée, elles ont aujourd'hui la réelle mission de sauver le monde. Franchement, pour elles, c'est cadeau.
Car oui. L'urgence climatique a besoin des experts de la disruption, des orfèvres du nudge et de l'UX design, des pros de la scalabilité. Elle a besoin de producteurs de discours fédérateurs, et de slogans qui captent. Par pitié donc, gens du marketing, n'allez pas permaculturer dans le Larzac. Faites pour le climat ce que avez si bien su faire contre lui : Think different – Just do it – Open Hapyness... car vous êtes peut-être les mieux préparés pour le faire.
L'art de la récupération qui a toujours été celui de ces professions est aujourd'hui mobilisé pour cet obscène "greenwashing de leur activité!"