
L'article du New York Times est (très) long, mais son titre est clair : "Retarder, nier et dévier : comment les dirigeants de Facebook ont lutté contre la crise." L'enquête menée par cinq journalistes décrit de manière clinique les mécaniques qui ont fait basculer Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg dans le lobbying cracra.
On connait - plus ou moins - la première partie de l'histoire.
D'abord, le roi des réseaux n'a pas voulu voir quand ses ingénieurs lui ont signalé "une activité suspecte liée à la Russie... visant à perturber les élections américaines." Puis il a "cherché à dissimuler" ces informations.
Le New York Times nous fait découvrir la suite du récit :
Quand la crise est passé en mode tempête, "Madame Sandberg a supervisé une campagne de lobbying agressive visant à lutter contre les critiques envers Facebook, à déplacer la colère du public sur les entreprises rivales et à éviter une réglementation dommageable."
Les auteurs poursuivent : "Facebook a fait appel à un cabinet d’études républicain pour discréditer les manifestants activistes, notamment en les reliant au financier George Soros. Elle a également mis à profit ses relations commerciales en faisant pression sur un groupe de défense des droits civils juif pour lui faire part de certaines critiques antisémites."
Tout cela n'est pas joli joli mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus préoccupant.
Deux ans après l'élection américaine, Facebook est à nouveau pointé du doigt au Brésil. Le journaliste Pedro Doria dans le quotidien O Globo explique que Jair Bolsonaro, le président d'extrême droite fraichement élu, a appliqué les méthodes de Donald Trump. Lui aussi a utilisé la plateforme pour semer le trouble et la division, lui aussi a bombardé les Brésiliens de news + ou - fake. Et cela a fort bien fonctionné : l'outsider a été élu à plus de 55% des voix.
Là, pour le coup, on devrait dire : "Menlo Park, Menlo Park, we've got a (f******g) problem ! "
Que le duo Zuckerberg/Sandberg n'ait pas pris à temps le sujet avec Trump, ait cherché à dissimuler son ampleur, payé un cabinet pour qu'on arrête d'en parler... n'est décidément pas le pire. Le pire est qu'ils ne considèrent pas le problème de fond - l'impact hautement délétère de Facebook sur les processus électoraux. Ils ne l'ont pas réglé. Il reste entier.
Cette toxicité est terrible. Elle n'est pas une affaire de crise interne, une histoire de notoriété, de cours de Bourse, de linge sale à laver discrètement pour sauver le business de la plateforme.
Elle concerne la vie réelle de tous les citoyens dans un grand nombre de pays.
Et ça, Mark et Sheryl, ça ne doit, ça ne peut pas être un problème qu'on règle à coup de dark RP.
Aux Etats-Unis, les révélations du New York Times ont donné lieu à un nouvel article : "Aucune moral" : les annonceurs ont réagi au rapport de Facebook". Rishad Tobaccowala, directeur de la croissance de Publicis Groupe, y déclare : " Jusqu'à présent, le bilan a été que peu importe ce que fait Facebook, ils continuent à recevoir plus d'argent. La question est simplement de savoir : cela va-t-il réveiller les gens ? "...
Bonne question.
Les libéraux qui commencent à s'entredévorer, c'est cocasse. A moins que ce ne soit pour semer le doute ?
Rappelons que si FB a été auditionné devant le Congrès US il y a quelques mois, c'est pour son biais libéral avéré, pas l'inverse.