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deux mains qui s'entrechoquent sur fond d'un ciel

Mila, sors de ce corps...

© RomoloTavani chez Getty Images

L'affaire Mila enflamme l'ensemble de notre corps social... Est-il encore possible de ne pas réduire notre pensée en deux hashtags ? (Spoiler : on voudrait bien ! )

Est-ce qu’on peut parler d’autre chose ?

Il est impossible de ne pas connaître « l’affaire ». 18 janvier 2020. Mila, 16 ans, en direct depuis son compte Instagram échange avec quelques-uns de ses abonnés. Et voilà que ça part en « fight » .

Dans une story, Mila explique comment tout à commencé.

« Avec une meuf de mon live, on discutait. Et heu, elle me disait voilà qu’elle aimait bien... Elle me parlait de ses goûts pour certaines filles, juste qu’elle trouvait que les rebeus elles étaient pas hyper belles. Voilà. C’est son droit. Moi, j’ai approuvé. J’ai dit ouais mon non plus c’est pas mon style. Et il y a un mec qui a commencé à s’exciter, à nous traiter de sales lesbiennes, de racistes, de tout ce que tu veux, il a commencé à nous insulter... ».

Qui n’a jamais trainé dans un bar en fin de soirée le découvre peut-être en ce début d’année. Une invective arrive rarement seule, les noms d’oiseaux volent généralement en escadrille, et le plus souvent bas, très bas.

Ici, la chose n’a pas manqué.

Et tandis que Mila s’enflamme -  « Là il y a encore des gens qui vont s’exciter, j’en ai clairement rien à foutre, je dis ce que je veux, je dis ce que je pense, votre religion c’est de la merde, votre Dieu je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir » - les commentaires s’embrasent, déferlent et dérapent en menaces physiques -  « Wesh sale pute sur le Coran tu fous la haine INSHALLAH tu meurs sale lesbienne », « On va te retrouver et t’égorger sale chienne. »  

Du fil Twitter d’une cohorte d’anonymes, on passe aux aiguillons des chroniqueurs

Dès lors, on a vu se déployer un aéropage assez hétéroclite de pro. Mila. Dans Libération, Luc Le Vaillant défend sans réserve sa liberté d’expression, Eric Zemmour dans le Figaro fustige le silence des féministes, et Yves Mamou dans Causeur trouve que « cette lumineuse lycéenne » révèle un problème qui la dépasse, celui du (nauséabond) « djihad scolaire ».

A l’autre bout du spectre, on accable Mila. Dans la lignée des propos tenus sur Sud Radio par Abdallah Zekri, le délégué général du Conseil français du culte musulman le 23 janvier :   « Cette fille sait très bien ce qu'elle fait. Qui sème le vent récolte la tempête. »

En quelques jours, les camps se sont formés et, entre deux hashtags, chacun est censé choisir. On serait soit du côté des #JeSuisMila (267 841 tweets ont été publiés selon Visibrain), soit de celui des #JeSuisPasMila (89 933 tweets selon Visibrain toujours).

Au plus haut niveau de l’État, l’affaire est attrapée au bond, le phénomène Mila est consacré débat national avec des entrées VIP à l’Assemblée. Le 4 février, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, confirme dans l'hémicycle que l’adolescente et sa famille sont protégées par la police, et affirme sur BFMTV : « J'ai apprécié les propos de Mila qui regrettait la forme, mais qui revendiquait son droit à dire ce qu'elle avait envie de dire. » Et plusieurs ministres iront de leurs interventions.

Et les citoyens dans tout cela ?

Il semblerait que les Français se divisent en deux parts égales sur la question. Selon un sondage Ifop publié mercredi 5 février dans Charlie Hebdo, 50% soutiennent « les fondements de la loi de juillet 1881 sur la liberté de la presse qui autorise l’expression de critiques, y compris outrageantes, à l’encontre d’une croyance, d’un symbole ou d’un dogme religieux, même de manière outrageante », et 50% pensent l’inverse. Seuls les 18-24 ans perçoivent majoritairement (57%) les déclarations de Mila comme étant racistes. 

Et la Loi Avia, c’est du poulet ?

En attendant, quelle que soit la couleur de notre hashtag, l’affaire Mila devrait nous faire phosphorer sur un point.

En effet, depuis quelques mois, un projet de loi s’intéresse à la question de la propagation de la haine sur Internet : la Loi Avia. Et dès lors qu’on plonge un peu dans ces questions, on comprend qu'elles méritent mieux que des réactions épidermiques et binaires...

Pour rappel, la proposition de Loi contre les contenus haineux sur Internet (dite « loi Avia » en référence à la députée REM Laetitia Avia qui l’a proposée) voudrait que soient retirés des réseaux sociaux, des plateformes collaboratives et des moteurs de recherche certains contenus haineux, et ceci sous 24 heures.

Parmi les contenus litigieux, figurent les incitations à la haine et à la violence, les injures à caractère raciste ou encore les discriminations religieuses.

Première difficulté : définir le cadre de ce que seraient ces contenus haineux, sachant que « la haine »  ne constitue pas en soi une infraction - elle n'a pas de définition ni d'existence dans le droit positif français.

Seconde difficulté, jusqu’où acceptons-nous de rogner sur la liberté d’expression ?  

Par ailleurs, le projet de loi pointe du doigt la responsabilité des plateformes où sont diffusés ces contenus (Facebook, Google et consorts...). En cas de manquements, les diffuseurs pourraient encourir jusqu'à 1,25 million d'euros d'amende. Eux, évidemment, ne sont pas trop chauds... mais certaines associations non plus. Elles redoutent de confier des éléments du débat citoyen à des entreprises de droit privé.

Bref. Le législateur n'a toujours pas légiféré... et il n'est pas certain que l'affaire Mila favorisera des débats éclairés sur ces questions.

En revanche, on est en 2020. On a tous eu moult occasions de comprendre qu'Internet est une vaste conversation. Evidemment, toutes ne sentent pas la rose. Mais, rien, ni personne, ne nous oblige à aller, tous en même temps, sauter les deux pieds dans les plus nauséabondes. Et ça, même pour Mila, c'est vraiment une très bonne nouvelle.

Béatrice Sutter

J'ai une passion - prendre le pouls de l'époque - et deux amours - le numérique et la transition écologique. Je dirige la rédaction de L'ADN depuis sa création : une course de fond, un sprint - un job palpitant.

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commentaires

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  1. Avatar Malika dit :

    Les réseaux il fait beau aujourd’hui 🙂 et une déferlante de « quoi sale pute tu oses alors qu’il pleut chez moi , tu vas voir je vais niquer ta mere » très révélateur l’affaire Mila.... elle montre un entrisme islamiste en marche, l’obscurantisme l’inculture ! Pour blasphémer il faut qu’un musulman musulmane insulte l’islam ou le prophète pour être estampillé «blasphème » l’indignation à géométrie variable il est plus grave d’insulter un être imaginaire, et acceptable de menacer de viol de meutre ou de jet d’acide sur une gamine je ne parle même pas des insultes homophobes.... arriver a mon âge bientôt 60 ans assister a cette régression, pire a être insultée de mécréante, grosse pute à blanc (eh oui on est toujours grosse quand on est pute) car j’ai épousé un non musulman et que mes enfants sont des mécréants ! Jamais je n’aurais penser retrouver en France ce que j’ai fuit, la mutawa, l’effacement social des femmes derrière une pseudo liberté ! J’ai connu tout ça, l’islamisation par le haut, changer les normes collectives, imposer par la force la notion de « l’islam est intouchable » en profitant de la méconnaissance du coran pour diffuser des théories islamistes créer la confusion, utiliser tt les opportunités pour diviser et créer la haine.... 2020 mon féminisme vient de se jeter sous les roues d’un train (fin des grèves oblige) 2020 et retour a la notion du corps des femmes impures, provocants et aguichants, bien fait salope t’avais qu’à t’emburqaner... c’est marrant que soit toujours relayé juste les contraintes pour les femmes, ses specialistes docteur es el coran oublient de préciser que l’homme a l’obligation de faire jouir sa femme, que le sexe oral est interdit, donc pas de pipe pour les salafistes... bientôt 60 ans et assister à ça me brise le coeur, derrière l’humour la tristesse d’assister en direct à la chute d’une civilisation libre, provoquante, cynique pleine d’un humour au second degré.... la soumission volontaire, la soumission par méconnaissance, la soumission par angélisme nous conduira tous droit au mur, n’oublions jamais que c’est toujours une minorité qui à fait le plus grand mal à l’humanité ! On ne peut pas habiter la haine longtemps. Elle enfante des cadavres et du sang....

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