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Paul Watson : Confessions d’un guerrier vert

Cofondateur de Greenpeace et fondateur de Sea Shepherd, "le capitaine" est recherché par Interpol pour ses actions anti-braconnage dans les eaux du monde entier. Il a trouvé refuge à Paris où nous l’avons rencontré pour évoquer ses méthodes de combat. Interview.

Tout le monde semble avoir conscience du changement climatique et de la torture faite aux animaux à travers le monde, mais peu de personnes bougentComment expliquez-vous cela ? 

Paul Watson : Tout le monde n’est pas au courant de ces réalités. Beaucoup de politiques sont totalement dans le déni quand on leur parle du sujet. USA, Australie, Canada font partie des pays qui ne reconnaissent pas le réchauffement climatique comme un problème. Barack Obama le reconnaît mais le sénateur James Inhofe en charge du réchauffement climatique aux USA, pense qu’une telle chose ne peut pas exister : « […] parce que Dieu ne laisserait pas une chose pareille arriver ». On parle là de l’homme qui est en charge du programme pour lutter contre le réchauffement climatique ! Tony Abbott, Premier ministre australien, déclarait récemment que jamais les préoccupations liées à l’environnement ne doivent passer avant les problématiques économiques. Les politiques cherchent souvent des résultats à court terme donc l’environnement ne les intéresse pas. Ils se disent que les futures générations régleront leurs propres problèmes

 

Il y a eu le Sommet des consciences à Paris en juillet dernier. En cette fin d’année, nous aurons la COP 21. Croyez-vous à l’impact de ces grandes rencontres ?  

P. W. : Je pense que Nicolas Hulot fait un travail remarquable et qu’il fait de son mieux pour réunir les personnes à travers le monde et les sensibiliser. Mais je n’ai pas une grande foi en ces sommets. Il y a eu Stockholm, Rio pour peu de changement. Nous pouvons toujours espérer. François Hollande disait qu’il voyait dans ce sommet l’opportunité de faire quelque chose d’inédit, de jamais vu Est-ce qu’il y arrivera ? Il y a tellement de conflits d’intérêts qu’il est difficile de trouver un accord commun.

Le problème est que lorsque tous ces leaders seront réunis à Paris, vous verrez qu’ils ne parleront probablement que d’une seule chose : les taxes. Faut-il taxer ceci, faut-il taxer cela, etc. Ce ne sont pas les taxes qui vont résoudre le problème.

J’ai travaillé sur un livret de 40 pages qui parlera des solutions pour le changement climatique dont personne ne veut entendre parler. Parmi les points que j’évoque, il y a la biodiversité. Nous devons réintroduire et protéger la biodiversité de nos océans. Pendant des millions d’années, cette diversité qui est interconnectée a permis de garder un équilibre sur Terre.  Depuis des décennies, on se sert dans l’océan sans jamais rien y remettre Il faudrait que pendant les cinquante ou soixante prochaines années, plus personne ne mange de poisson pour rééquilibrer le système. Il y a plusieurs années, à Hawaï ou en Polynésie française, ils avaient le mot « tabou ». Ce mot était utilisé par les chamanes pour dire qu’une zone ou une espèce était interdite de pêche pendant une période. Ces zones étaient donc « taboues » et qui s’y aventurait était condamné. C’était une forme de régulation de l’écosystème et cela marchait. Aujourd’hui, nous n’avons plus de tabous dans le sens qu’on lui donnait dans ces îles

Autre point : la transformation de notre alimentation. Nous devons développer des régimes alimentaires végétariens. chaque année, 75 milliards d’animaux sont massacrés pour notre consommation. Ce massacre émet plus de CO2 que les moyens de transport du monde entier. Ce qui est d’ailleurs démontré dans le documentaire Cowspiracy. Tout le monde veut taire cette réalité. On essaie de sensibiliser les gens à prendre des douches plus rapides mais 1 pound de viande (environ 455 grammes) équivaut à six mois de douche en consommation d’eau…  

Dans tout écosystème, le prédateur est toujours en minorité : les herbivores sont en supériorité numérique par rapport aux carnassiers. Nous avons réussi à construire un système où nous, humains, sommes des prédateurs en majoritéce système n’a rien de naturel.

 

Comment réinstaurer des « tabous » dans notre société actuelle ?

P. W. : Il faudrait une police des océans : 40 % de la pêche dans les océans est illégale. Lorsque nous intervenons avec Sea Shepherd pour empêcher des pratiques illégales, les gouvernements pourraient très bien faire justice eux-mêmes et agir à notre place. Mais ils n’ont ni les motivations politiques ni les motivations économiques pour le faire. Donc ils n’agissent pas. Encore pire, ils en viennent même à nous pourchasser et nous à appeler « écoterroristes », mais nous n’avons jamais blessé ou attaqué quelqu’un.

 

Faudrait-il un Sea Shepherd plus puissant pour préserver la planète ? 

P. W. : Des milliers d’ONG font un travail remarquable. D’expérience, j’ai pu remarquer qu’un groupe de personnes qui s’attaque à un problème environnemental au niveau local fait plus que tous les géants qui demandent énormément de fonds.

Il faut également avoir conscience que, dans ces ONG, des milliers de personnes meurent en défendant des causes comme la protection de la forêt amazonienne au Brésil. Ces massacres touchent également les tribus qui essaient de défendre leurs terres. Ces grands défenseurs de notre planète ont beau témoigner auprès des gouvernements, ils n’ont aucune aide 

 

Dans votre livre Earth Force vous démontrez que tout le monde peut agir en prenant en compte ses propres capacités.

P. W. : Les gens peuvent avoir un impact s’ils font quelque chose dans le domaine où ils sont bons. Nous avons des professeurs, avocats, musiciens, etc., qui sont excellents dans leurs domaines. Toutes ces capacités peuvent se retranscrire dans le cadre de la défense de l’environnement. Plus les choses seront naturelles pour vous, plus votre implication aura un impact.

Greenpeace, avec qui j’ai commencé, a un fort impact car il a très vite compris que nous étions dans la culture des médias. Une grande partie des membres venait de l’univers des médias. Ils ont très vite saisi la force des ambassadeurs et des coups médiatiques.

 

Avez-vous un message à passer aux leaders qui seront à la COP 21 ? 

P. W. : J’aimerais leur dire que la solution n’est pas dans les taxes ! D’autant plus que l’argent de ces taxes est rarement attribué à ce pourquoi il était destiné. Par exemple, chaque année, 300 000 personnes vont dans les îles Galapagos ; tout visiteur doit payer une taxe de 100 dollars pour y aller. Seulement 20 % sont reversés pour la préservation de l’environnement, les 80 % restants sont pour l’armée et le gouvernement.

 

Un mot pour les citoyens ? 

P. W. : Toutes les personnes qui ont vécu entre les années 1940 et les années 1990 auront connu le plus haut niveau de vie matériel que n’importe quelle génération qui a vécu ou qui vivra sur Terre. Quand je suis né dans les années 1950, nous étions 3 milliards. Aujourd’hui nous sommes 7,5 milliards, nous connaîtrons une croissance de 1 milliard par décennie puis de 2. À ce rythme, l’équation n’est tout simplement pas viable. Alors, on se rassure : « on trouvera une solution à l’épuisement des ressources », ou encore « on ira sur une autre planète ». Nous ferions mieux de nous inspirer des sociétés biocentriques qui ont ce que l’on appelle le continuum. Elles savent d’où elles viennent et elles savent où elles vont parce qu’elles savent qui elles sont. Si vous demandez à l’Européen moyen quel était le nom ou l’activité de son arrière-arrière-arrière-…-grand-père en 1550, il ne saura sûrement pas. Posez cette question à un aborigène, il vous donnera des noms. Ces personnes sont, en quelque sorte, éternelles dans leur culture et, quand un enfant naît, il fait partie de cette culture et la prolonge. Toute action est pensée dans le continuum pour préserver les générations futures et la culture commune. C’est une rivière du temps. Tout ce qui se passe sur cette rivière impacte son cours…  

C’est pour cela que toutes ces personnes qui ont massacré ces baleines ou ces dauphins ont appauvri ma vie, impacté mon cours 

 

Retrouvez le dossier - Alerte Verte - comment les marques s'engagent - dans l'ADN n°5.

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