tendance retail 2020

Tendances retail 2020 : boom du marché de la seconde main, M-service et personnalisation

Avec Allianz
© miljko via Getty Images

Quelles seront les grandes tendances du retail demain ? Passage en revue avec Roxane Baché, fondatrice du bureau Vitamin Consulting qui vient de publier l’étude Digital retail 2020.

Essayons de nous projeter en 2020 et au-delà. Dans quelle direction a évolué le point de vente ?

ROXANE BACHÉ : Je vois six grands chemins se dessiner pour demain. De manière transversale, le « phygital » se généralise dans tous les secteurs. Le service s’ancre au centre des stratégies retail et business, d’une façon toujours plus sophistiquée. Ensuite, l’éthique prend une place prépondérante. On voit que les consommateurs sont de plus en plus disposés à payer plus pour consommer des produits de marques qui répondent à leurs valeurs. Les réseaux sociaux continuent de s’imposer comme des vecteurs essentiels de la stratégie des marques, notamment en matière de communication. L’émotion s’impose comme un pilier de l’expérience client ; le parcours client devient l’occasion de faire vivre des moments ludiques, agréables, de manière à dépasser l’aspect purement transactionnel de la venue en magasin. Ce point est particulièrement important, notamment à l’heure où le e-commerce vient questionner les manières de vendre et de faire du commerce. Et enfin, la personnalisation par la data définitivement, qui nous fait passer d’un monde d’hyper-personnalisation à une ère d’exclusivité.

Quelles sont les conséquences de ces évolutions sur les moyens de paiement ?

R. B. : Aujourd’hui on entend beaucoup parler de « M-service », soit le self-service mobile. Il y a une nouvelle vague de concepts qui joue sur la confiance et la notion d’autonomie du consommateur. Ce dernier peut entrer dans un magasin, commander les produits de son choix, régler de manière dématérialisée, le tout sans présence de personnel humain. C’est le cas par exemple dans le petit espace The Drug Store inauguré par la marque de jus healthy Dirty Lemon, en plein cœur de Manhattan. Le client n’a qu’à entrer, se servir dans l’un des réfrigérateurs, envoyer un texto pour son choix de boisson et payer par voie digitale. Il n’y a ni caisse, ni vendeur. Ce système repose à 100% sur la confiance entre la marque et son client.

La voie avait en effet été ouverte par Amazon Go et ses magasins sans passage en caisse…

R. B. : Ce genre d’expérience est amenée à se développer dans le futur. L’un des avantages est que le commerce peut être ouvert 24h/24 et 7 jours/7. Et cela ne concerne plus uniquement le magasin alimentaire. On voit par exemple des concept stores beauté qui empruntent la même voie. C’est le cas à Séoul où la marque Espoir a ouvert un concept de magasin en self-picking baptisé le 'Make Up Market’. On y trouve des comptoirs de produits frais, des espaces pour tester les produits ou encore un espace flea market dédié aux produits d’occasion. Ce concept fonctionne exactement comme Amazon Go, avec un système de détection (situé au plafond et au fond des linéaires) qui repère les produits choisis par les clients.

Dans quelques années, l’automatisation aura donc fait disparaître le commerce « traditionnel » ?

R. B. : Non ! Le darwinisme n’existe pas en matière de retail. Les nouveaux concepts ne remplacent pas les anciens. Les idées ont tendance à se multiplier pour répondre aux besoins très larges d’une population cible. Le magasin physique et le personnel humain sont irremplaçables. Les dimensions de conseil personnalisé et de contact sont fondamentales - et les machines ne peuvent pas l’offrir aujourd’hui.

On parle de plus en plus d’algorithmes prédictifs. Comment s’intègrent-ils au parcours client dans le cadre du retail ?

R. B. : Ce qui est véritablement nouveau c’est que certaines marques utilisent les données digitales des clients afin de leur proposer des produits (vêtements) ou des services (coach sportif, suivi de santé) sur-mesure, c’est-à-dire 100% adaptés à leur morphologie ou à leurs attentes.

L’exemple qui m’a le plus frappée dernièrement est celui de Nike, qui a ouvert le concept store Nike by Melrose, à Los Angeles. La marque utilise les données personnelles des membres de sa communauté digitale Nike+, qui habitent dans le quartier de Melrose. L’objectif ? Leur offrir les produits les plus adaptés à leurs habitudes quotidiennes, tout en ciblant une communauté ultra-locale. Cette logique d’exclusivité et d’ultra-localité est vraiment nouvelle et sera amenée à se développer demain.

En parallèle de l’introduction des technologies sur le point de vente, on constate également une demande très forte d’authenticité et d’éthique de la part des consommateurs. Comment est-ce que ces deux mouvements s’articulent ?

R. B. : Oui, j’observe qu’une nouvelle vague de pure-players a particulièrement bien entendu et intégré cette défiance des consommateurs vis-à-vis des marques et des multinationales. En réaction, de jeunes labels, comme Everlane (USA), The Road (Australie) ou Beauty Pie, jouent la carte de la radical transparency. Ces acteurs poussent l’idée de la transparence quant à l’origine des produits un cran plus loin. Notamment en communiquant le détail de chaque étape de la chaîne de valeur, pour justifier le prix de vente final. Le discours étant : « si vous payez ce tee-shirt 15$, sachez que tant va au sourcing de la matière, tant à l’assemblage des pièces et à la main-d’œuvre, le contrôle qualité, le packaging, les douanes etc. ». Le succès de ces marques est phénoménal car la démarche derrière trouve un écho vraiment fort.

Autre tendance éclairante pour demain : le marché de l’occasion est en plein boom. Il croît 24 fois plus rapidement que le retail traditionnel. Cela s’explique en partie par la volonté de faire des économies, de limiter sa consommation pour préserver l’environnement. Cette consommation circulaire prend beaucoup d’ampleur. Les friperies pure-players trouvent des relais de croissance en ouvrant des espaces physiques, c’est le cas par exemple de DePop, une enseigne de vêtements de seconde-main qui a ouvert des magasins à Londres, New York et Los Angeles. Chaque article proposé à la vente mentionne le nom du vendeur. Et l’enseigne met à disposition un studio photo pour que les vendeurs puissent photographier les vêtements qu’ils souhaitent revendre. Une équipe qualifiée est même mandatée pour guider ces utilisateurs de manière à ce qu’ils optimisent au mieux leur profil.

L’impact des réseaux sociaux sur les nouvelles formes de commerce se confirmera-t-il dans les années à venir ?

R. B. : Aujourd’hui tout se partage, tout s’expose, tout se sublime sur les réseaux sociaux. Demain, cette tendance ne se démentira pas. Le fait de proposer des points de vente au design sophistiqué sera indispensable. Pourquoi ? Parce que cela incite les consommateurs à capturer l’espace en images, ou à se prendre en selfie et à partager ce contenu. Avec ce "user-generated-content", le travail de communication est fait par le consommateur au bénéfice de la marque. Les exemples sont nombreux, mais je retiens particulièrement la marque de cosmétiques Glossier, qui a particulièrement travaillé ses concept stores. Ou encore le dernier concept Kellogg’s, qui incitait les personnes de passage à se photographier avec leur bol de céréales. Enfin, le dernier concept de Tiffany’s à Londres, qui a été repensé comme un monochrome bleu, la couleur emblématique de la marque.

Enfin, j’observe une dernière tendance que j’appelle le social-liking. De quoi s’agit-il ? Du phénomène récent qui conduit les géants de la tech à ouvrir des corners physiques qui mettent en scène les préférences de leurs utilisateurs pour certains produits. Ces préférences ont été exprimées sur ces réseaux sociaux via le nombre de likes, ou via les ratings des produits. Les mieux notés sont donc mis en valeur dans des espaces de vente ouverts au grand public afin de toucher les consommateurs in real life. C’est le cas par exemple du concept Amazon 4-star à New York. Il rassemble tous les articles qui ont obtenu une note de 4 étoiles ou plus sur la plateforme. Cet exemple montre que la plateforme a à cœur de montrer des garanties de qualité par rapport aux produits qu’elle vend.

 

Consultez l'étude Digital Retail 2020 du cabinet Vitamin Consulting : ici

Nastasia Hadjadji

Journaliste, Nastasia Hadjadji a débuté sa carrière comme pigiste pour la télévision et le web et couvre aujourd'hui les sujets en lien avec la nouvelle économie digitale et l'actualité des idées. Elle est diplômée de Sciences Po Bordeaux.
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