
On dit de la génération Alpha qu’elle est tombée dans le numérique dès sa naissance. Elle est surtout la première à être si fortement ciblée par les marques. Et ça n'est sans doute que le début.
En 2025, les moins de 12 ans sont-ils devenus la nouvelle « ménagère de moins de 50 ans », celle que les marketeurs ont cherché à séduire pendant des décennies ? C’est possible. Plongés depuis la naissance dans le monde numérique, les préados sont très prescripteurs au sein de leur famille. Selon un rapport de DKC News publié en juillet 2025, la génération Alpha, née entre 2010 et 2025 est à l'origine de 42 % des achats des ménages et représente un pouvoir d'achat direct de 101 milliards de dollars (aux USA). Une influence qui va bien au-delà du marché des bonbecs ou de celui des jouets, donc. Les marques l'ont bien compris et considèrent désormais que les enfants sont un marché et qu'il faut le conquérir. Trois exemples pour illustrer ce phénomène d’emballement du domaine de la vente.
Baby skincare : Une routine beauté dès le berceau ?
Le marché des "Sephora Kids", c’est bien. Mais le nouveau graal serait de capter les addicts aux routines beauté avant l’adolescence. Et ça marche. Un rapport publié l'an dernier par Ulta Beauty a révélé que l'âge moyen pour expérimenter des produits de beauté est de 8 ans, soit cinq ans de moins que la génération précédente. Présentés dans des emballages couleurs bonbons, vantés pour leurs ingrédients doux, approuvés par des dermatologues, les marques conçoivent de plus en plus des produits pour préadolescents.
Des exemples ? Prenons Evereden, une marque qui a réalisé un chiffre d'affaires de 100 millions de dollars l'an dernier. Elle propose des coffrets de soins destinés aux enfants dès 3 ans, notamment cet ensemble crème hydratante et nettoyant Barbie, vendu au prix de 57 dollars. « Une si jolie façon de faire découvrir la magie de Barbie à la nouvelle génération », s’émeut Jess W dans un témoignage mis en avant sur le site de l'entreprise. Pipa Skin Care s’adresse, quant à elle, aux 7-12 ans. Lancée par Kristina, esthéticienne, mère de trois enfants et passionnée d’entrepreneuriat, elle veut mettre sa compétence au service de la peau des petits. À découvrir, ses packs beauté qui permettent de « prendre de bonnes habitudes » et une solide routine beauté. Son Pack Start, à 41 dollars 95, constitue une bonne base. Plus étonnant encore, ce coffret sensoriel de Fisher-Price. On y trouve tous les accessoires beauté du moment : un petit miroir rose, une pierre Gua Sha transformé en anneau de dentition, un roll-on visage qui peut faire hochet.

Tout cela va-t-il trop loin ? C’est la réaction que les internautes américains ont eue en découvrant les masques coréens pour enfants avec décors licorne ou panda de la marque Rini. Certains dermatologues américains se sont même insurgés. « Les soins de la peau ne sont pas un jouet », s’enflammait Brooke Jeffy, dermatologue à Scottsdale. Mais on notera que Brooke a elle-même lancé sa marque de soins de la peau BTWN en 2023. Destinée aux ados et préados, « passionnées de soins de la peau ! », elle vend, en promo à 65 dollars, un pack beauté qui convient à tous les types de peau, dès 6 ans.
La kid smartwatch : le nouveau doudou connecté (et toxique ? )
Pour les moins de 10 ans, le téléphone portable n’est plus une option. Trop intrusifs, trop dangereux… Parents et industriels leur préfèrent les montres connectées. Les kids smartwatches sont d’ailleurs le seul segment positif du marché des smartwatches. En Chine où 1 enfant sur 3 (chez les 5 / 12 ans) qui est équipé est archi leader sur ce segment. Imoo a été créée « par amour » en 2015 par un père de famille inquiet de ne pas trouver la pépite qui répondrait aux besoins de son fils, c’est-à-dire des montres qui « protègent et renforcent les liens familiaux ». Il l'assure : « Il n'y a rien de plus gratifiant que de voir le visage d’un enfant s'illuminer d'excitation et de bonheur lorsqu'ils utilisent imoo. » Les parents aussi sont comblés. Ils peuvent géolocaliser leur progéniture à toute heure et suivre leur santé en continu. Fréquence cardiaque, sommeil, niveau de stress ou nombre de pas, ils sauront tout sur leurs gamins. Le tout pour la modique somme de 299,99 dollars. Côté Amérique du Nord, Google remporte la mise avec son modèle Ace LTE for Kids lancée en juin 2024.
Le marché chinois, très en avance donc, voit apparaître les nouvelles dérives induites par ces produits. Les enfants adorent accumuler un maximum de « j'aime » sur la page de profil de leur montre. Cette fonction "réseaux sociaux" consiste à envoyer des « j'aime » aux copains. Une petite fonctionnalité qui semble anodine mais qui n’a pas tardé à devenir dans les cours de récréation une sorte de signe extérieur de richesse. Pour ne pas dégrader leur popularité, certains enfants achètent des bots pour gonfler artificiellement leurs statistiques et apprennent à pirater les montres de leurs camarades pour divulguer des informations personnelles.
Guzi Economy : Quand la fan attitude vaut de l'or
Vous pensiez que la folie des Labubu était un épiphénomène ? Eh bien non. Le miracle Pop Mart, l’heureux propriétaire des fameuses poupées dont l’action s’est envolée à 600 % en 2025 n’est que la version visible d’un phénomène plus large. Les prépubères sont fans d’une foultitude de personnages qu’ils découvrent dans les films d’animation, les mangas et les jeux vidéo. Et en Chine, les villes voient fleurir partout des boutiques spécialisées dans la vente de produits dérivés.
La tendance est si frappante qu’elle porte un nom : la « Guzi economy » (Guzi étant une transcription phonétique du mot anglais « Goods » – marchandises). Dans ces magasins, on trouve tout un fatras de gadgets, de charms, de peluches et de figurines qui reproduisent les personnages ACG. Les plus populaires cette année ? Les membres de la famille Crayon Shin-chan, série japonaise de manga vendue à 148 millions d'exemplaires ou les personnages zoo-anthropomorphes « petits et mignons » du manga japonais Chiikawa. L’avantage de la « Guzi economy » ? Le nombre d’amateurs potentiels : en Chine, ils seraient 490 millions en 2023, dont 120 millions d'accros. Mais la bonne affaire n’est pas qu’une question de taille du marché – c’est la ferveur de ses membres qui met les marques en joie et les vendeurs en ébullition. Les fans sont tellement attachés à leurs personnages qu’ils sont prêts à payer cher, souvent et à faire la queue des heures pour acquérir toutes sortes de séries limitées. Et, tant qu'ils peuvent les géolocaliser, les parents ne semblent pas s'en inquiéter.





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