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Plagiat assisté par IA : le nouveau fléau des créateurs sur YouTube

Les youtubeurs spécialisés dans le décryptage journalistique ou la vulgarisation scientifique voient leur contenu, leur design et même leurs voix plagiés par d’autres chaînes aidées par l’IA.

Christophe Haubursin est un journaliste vidéaste de Brooklyn qui gagne sa vie en publiant des vidéos sur YouTube. Après avoir débuté sa carrière sur le média Vox, il tient à présent la chaîne tunnel_vision, sur laquelle il produit des vidéos de décryptage sur des sujets originaux allant des arnaqueurs nord-coréens à l’agriculture d’Arabie saoudite, en passant par les réseaux de caméras de surveillance américains. Seulement voilà, les sujets de Christophe et d’un grand nombre de journalistes youtubeurs qui travaillent de façon indépendante comme lui ont une fâcheuse tendance à se dupliquer sur YouTube. Et le mouvement s'accélère.

Comment voler sans rien risquer

Dans une vidéo intitulée Who’s stealing my video, le vidéaste part du constat, somme toute assez banal, que les vidéos qu’il a produites depuis près de dix ans sur Internet ont, d’une façon ou d’une autre, été plagiées par d’autres comptes. La plupart du temps, il s’agit de télécharger la vidéo et d’en publier les extraits les plus intéressants sur une autre plateforme comme TikTok, afin de cumuler des vues et d’espérer gagner un peu d’argent sur son travail. Mais depuis peu, une autre forme de plagiat plus élaborée a fait son apparition. Elle consiste à reprendre exactement le même sujet et à réécrire ce dernier via ChatGPT et à l'accompagner d'illustrations, elles aussi générées par IA. L’inconvénient de cette nouvelle méthode est qu’elle présente une version suffisamment éloignée de la vidéo originale pour ne pas être considérée comme un vulgaire plagiat. Alors que les simples reposts pouvaient être signalés par le créateur original, ces nouvelles versions ont tendance à ne jamais être supprimées par les plateformes vidéo.

« Je veux ton argent »

Christophe Haubursin reconnaît facilement que le Web tel qu’on le connaît s’est construit sur la copie et le remix de contenu. Mais ce qui change la donne, ce ne sont pas seulement les outils de génération d’images, de texte et de son, mais aussi le modèle économique qui va derrière. Dans sa vidéo, le journaliste met en lumière une niche bien particulière de création de contenu qui a récemment explosé : elle consiste à copier « de manière légale » du contenu viral et à le diffuser dans les shorts pour en tirer de l’argent. La combine, que l’on trouve facilement en tapant la phrase « I copied this YouTube channel », est particulièrement poussée par les entrepreneurs du Web et autres hustle bros qui commencent leur vidéo à coups de punchline du genre « cette chaîne génère plus de 5000 dollars par mois et je veux cet argent ». La plupart du temps, ces créateurs utilisent la même méthode, à savoir copier la retranscription des vidéos et extraire, via ChatGPT, une sorte de formule réplicable qui reprend plus ou moins les mêmes sujets tout en ajoutant des éléments de narration différents ou des voix artificielles plus accrocheuses. Le tout est monté grâce à de jeunes semi-professionnels trouvés sur Discord. Publiées sur shorts, ces vidéos entrent ensuite dans le circuit classique de l’économie de la création et vont générer plus ou moins de revenus en fonction du nombre de vues. Tous ces contenus ne sont évidemment pas viraux, mais il suffit qu’une ou deux vidéos performent suffisamment pour que le créateur copieur rentre dans ses frais et génère des bénéfices.

Même des millions d'abonnés ne résistent pas au slop

Le piratage de contenu n’est d’ailleurs pas le seul problème posé par cette méthode de filous. Dans sa vidéo intitulée Slop IA is killing the Internet, la chaîne de vulgarisation très populaire Kurzgesagt explique comment ces chaînes « copycat » sautent les étapes de vérification d’informations en se reposant uniquement sur les informations données ou remixées par les modèles de langage. Or, ces derniers contiennent inévitablement des hallucinations qui sont publiées sur YouTube. Ces mêmes erreurs sont intégrées dans les transcriptions de ces vidéos et réutilisées dans l’entraînement des futurs grands modèles de langage, ce qui augmente invariablement le nombre de fausses informations sur le Web.

Face à cette enshitification exponentielle et inévitable, Kurzgesagt termine sa vidéo sur un plaidoyer en faveur du travail humain, de la vérification des sources et de la participation financière des internautes, notamment via l’achat de livres et de calendriers publiés par le média. Ces appels à soutenir la création qualitative en ligne prouvent que plus de 24 millions d’abonnés et une image publique solide ne suffisent plus à faire face au contenu slop.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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