
Deux jours après le meurtre de l'influenceur suprémaciste, l’extrême droite américaine fait son deuil sur X à coups de doxing et de menaces de mort.
C’est un assassinat auquel le monde a assisté en quasi-direct. Quelques minutes après le tir de sniper qui a ôté la vie à l’influenceur suprémaciste Charlie Kirk, une vidéo – montrant l’instant où la balle l’atteint à la gorge – est diffusée sur les réseaux sociaux et se met à circuler massivement sur la plateforme X. Deux heures après que son décès a été prononcé, la vidéo avait déjà été visionnée 11 millions de fois. Si ce n’est pas la première fois que des vidéos violentes issues de fusillades se retrouvent sur les réseaux, la viralité de celle-ci reste exceptionnelle. Cette viralité est le résultat des politiques de non-modération de plateformes comme X, mais aussi à la stature de la victime, mégastar MAGA outre-Atlantique.

Qui est Charlie ?
Peu connu en France, Charlie Kirk est un personnage médiatique qui a commencé sa carrière en 2010 dans le magazine ultraconservateur Breitbart. En 2012, il crée le mouvement Turning Point USA afin de rassembler la jeunesse d’extrême droite autour des « valeurs traditionnelles américaines ». Dans les années suivantes, il met son influence grandissante au service de Donald Trump et assure la diffusion de ses idées auprès de la population étudiante. Particulièrement actif sur les campus et connu pour son goût des joutes oratoires, cet influenceur animait aussi un talk-show quotidien intitulé Charlie Kirk Today et était omniprésent dans le paysage médiatique. Sur TikTok, son compte The Charlie Kirk Show comptait 7,3 millions d’abonnés, tandis que Charlie Kirk Debate Clips, centré sur ses saillies verbales, en possédait trois millions.
La bataille pour la mémoire
Alors que la vidéo de l’assassinat se répand comme une traînée de poudre, une bataille narrative se met rapidement en place. D’un côté, le camp trumpiste présente Charlie comme un père de famille et un débatteur ouvert au dialogue avec le camp woke. La gauche est rapidement désignée comme coupable de cet assassinat, alors même que l’identité du tueur n’est pas encore connue. Le compte @mobileguruUSB désigne notamment une femme trans de Seattle, Michaela, 29 ans, à la vindicte des réseaux, parce que son visage est apparu dans une recherche d’image associée à un autre compte X qui avait menacé Kirk la veille de sa venue, avant d’être effacé.
Pendant que la droite propose d’ériger des statues parlantes (avec de l’IA) ou des fresques murales pour lui rendre hommage, la gauche replonge dans les différents messages et posts de Charlie Kirk pour en extraire les propos les plus choquants. Soutien total à l’usage des armes à feu qui nécessitait selon lui « des sacrifices » (comprenez : des fusillades dans des écoles) pour être maintenu, interdiction de l’avortement même dans le cas d’un viol de fillette, détestation de l’empathie qu’il considérait comme « un terme new age qui fait beaucoup de dégâts », et autres opinions racistes ou transphobes ressurgissent pour dresser un bilan idéologique peu glorieux. À cela s’ajoutent des centaines de vidéos montrant des réactions positives ou des danses à l’annonce de la mort du polémiste, une réaction qui rappelle dans une certaine mesure celles qui avaient suivi l’assassinat du CEO d’Heastlcare Brian Tompson en décembre 2024. Plusieurs comptes seront ainsi « doxés » par la droite et publiés sur les réseaux en guise de vengeance.
Un narratif qui s’internationalise
Depuis, le narratif autour de cet assassinat semble s’être fixé. D’un côté, des réactions de gauche estiment que cette mort s’explique par les discours haineux que Charlie Kirk avait l’habitude de prêcher ; de l’autre, un doigt accusateur porté par la droite, qui rappelle à quel point l’influenceur était ouvert au dialogue et désigne le camp woke comme le plus violent (même si les statistiques récentes montrent que la violence politique est majoritairement l’apanage de l’extrême droite).
Ce débat déborde largement des frontières américaines et sert de révélateur en France. Certains éditorialistes d’extrême droite, comme Eugénie Bastié, n’hésitent pas à reprendre cette rhétorique du « gentil débatteur », tandis que des commentateurs politiques de gauche sur les réseaux, comme Regelegorila, tentent de rappeler la réalité de son discours haineux, avant d’être pris pour cible en ligne.
Ces débats ne sont d’ailleurs pas sans conséquences. Alors que Donald Trump a diffusé sur son compte Truth Social une allocution rendant hommage à celui qu’il considère comme un martyr, le Secretary of State Christopher Landau a annoncé que les internautes étrangers se réjouissant publiquement de la mort de Charlie Kirk seraient listés afin de ne plus pouvoir entrer sur le territoire états-unien.
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