
La Vtubeuse aux 4,7 millions d’abonnés raccroche. Mais au fait, Jamy, c’est quoi un youtubeur virtuel ?
« Bonjour tout le monde. Merci d’être là. Je vais être rapide… » Le 16 avril, Gawr Gura commence un court live YouTube. Elle va annoncer, avec gravité, la fin de sa carrière de VTubeuse – youtubeuse virtuelle – et celle de ses activités en raison de « désaccords » avec son employeur. Sur le chat, les messages d’encouragement défilent à vitesse flash. C’est un petit séisme sur Internet : avec plus de quatre millions de followers, Gura était la Vtubeuse la plus suivie au monde.
Vous en avez peut-être déjà vu sur YouTube ou sur Twitch. Animés en temps réel, ces personnages 2D ou 3D peuvent prendre toutes les formes imaginables. En fait, tous sont mus par des personnes bien humaines qui s'agitent derrière les écrans – pensez à Bill du Bigdil, mais en plus mignons et sur YouTube ou Twitch. Certains sont français, d’autres gérés par une IA. D’aucuns ont un design très simpliste, d’autres ont un matériel hollywoodien à la maison, et peuvent animer leur corps entier, voire évoluer dans un décor en 3D.
Discipline montante depuis presque dix ans, le VTubing a décollé pendant le Covid, où le monde se divisait entre les internautes ayant besoin de distractions et ceux voulant produire du contenu à la maison. Et, à ce jeu-là, ce sont surtout des talents japonais qui se sont fait connaître.
Peu d’élus, mais quels élus !
Si tout le monde peut streamer derrière un avatar, quelques dizaines d’élus seulement peuvent rejoindre un label et en faire leur métier. Devant son concurrent Nijisanji, Hololive est l’écurie la plus connue du Web, et c’est elle qui a révélé Gawr Gura. Son fonctionnement rappelle celui de la fabrique des « idoles » japonaises : les nouveaux profils sont annoncés par « générations » de personnages – le plus souvent, ils sont Japonais, Indonésien ou anglophone. Tous ces personnages incarnent des valeurs positives, savent captiver leur auditoire, et leur design, finement travaillé (on peut découvrir une fille-monstre, un requin, un yakuza), inspire du merchandising. Et comme des idoles, souvent, elles chantent et composent.
En échange d’un salaire et d’un management qui gère les à-côtés, les Vtubeuses animent des formats de parlotte et de let’s play, ou bien font des collaborations avec d’autres talents. Les fans n’ont plus qu’à choisir entre des centaines de profils intéressants et alimentent cette industrie très lucrative à coups de micro-dons envoyés pendant d'interminables lives. Donner quelques euros sous la forme d’un « superchat » permet (peut-être) de voir son message lu à l’antenne par la Vtubeuse, et de garantir ainsi un micro-moment d’attention. Les profils les plus populaires sont ainsi noyés sous les dons, qui sont ensuite partagés avec l’agence de talents selon un pourcentage tenu secret. C’est ainsi que Pekora, une femme-lapin drôlatique, a reçu des millions en pourboires à partager avec YouTube et son label, devenant ainsi l'internaute la plus arrosée de pourboires au monde.
L'histoire sans fin
Éreintés par leur job, poussés à la sortie pour avoir prononcé le nom “Taïwan” devant un public chinois, ou essorés par un conflit interpersonnel, les Vtubers peuvent mettre fin brutalement à leur carrière. Mais il s’agit toujours d’une décision drastique. Car, quand un Vtuber quitte son label, son contrat ne lui permet pas de partir avec votre avatar. La réputation virtuelle doit donc être reconstruite avec uniquement la voix comme moyen de reconnaissance auprès des fans. La plupart des talents sortant d’Hololive se lancent sur Twitch en indépendants, ou rejoignent une autre boîte de talents. C’est souvent la même : VShojo, où le cycle recommence et, fatalement, s’arrête une seconde fois.
Participer à la conversation