Miki et des plantes Mario Bros

Les vraies Industry Plants existent (et ce sont des chanteuses virtuelles)

Miki, dernière star née des réseaux, est critiquée pour être une chanteuse faussement « organique ». Mais les chanteuses modélisées par l'industrie musicale sont souvent en 3D et emballent les fans.

« Wesh, arrêtez de streamer Miki, c’est une vraie Industry Plant, elle mérite pas votre temps ». Voilà le genre de commentaires que l’on peut lire lorsqu’un extrait de son clip Échec et Mat est relayé par le média RapPlume. La jeune artiste Miki est alors inconnue du grand public, et sa surexposition soudaine dérange, d'autant plus que son clip joue énormément sur une esthétique Do It Yourself se voulant authentique. Résultat : la machine à haine se met en route sur les réseaux sociaux, et une expression revient lorsqu’il s’agit de qualifier l’artiste : « Industry Plant ». Le phénomène a pris une nouvelle ampleur à la sortie de son premier EP, le 7 mars 2025.

Une insulte facile et sexiste ?

Insulte suprême dans le milieu de la musique, le terme « Industry Plant » s’est imposé dans le vocabulaire du rap français (mais pas que) ces deux dernières années, recyclé d’un concept depuis longtemps débattu aux États-Unis. À l’origine, il désigne un ou une artiste qui aurait été « plantée » par l’industrie musicale, sorte de plante verte dont le succès aurait été artificiellement construit par les majors et labels à coups de gros budgets marketing, plutôt que résultant d'un développement organique. Spoiler : l’industrie musicale a toujours fonctionné ainsi (pour une partie des artistes au moins), les haters de TikTok ne nous apprennent rien.

Avant tout révélateurs des fantasmes sexistes du public plus que d’une vraie réflexion sur l’industrie musicale, la misogynie est souvent celle qui déclenche ces campagnes de harcèlement dont les femmes (en grande majorité) sont les cibles régulières. Zaho de Sagazan, Angèle, Théodora, Billie Eilish avant elles ont connu le shitstorm que connaît Miki. « Il suffit d’appuyer sur un bouton pour qu’elle pète, flemme », « son daron il a payé combien ? » ou encore « l’authenticité s’achète pas », peut-on lire dans certains commentaires, dont tous se concluent par : #IndustryPlant.

Produits marketing ou vrais artistes ?

Oui, l’industrie paye pour faire exister ses artistes. Du budget marketing, il y en a toujours eu : presser des vinyles à outrance et inonder les disquaires quitte à en jeter, imposer qu’un morceau tourne 10 fois par jour en radio, acheter de la visibilité dans la presse, c’est la règle du jeu pour beaucoup. La différence, c’est qu’aujourd’hui, avec la portée des réseaux, ça se voit un peu plus comme le nez au milieu de la figure — et tous ne la jouent pas aussi fine. A priori, il paraît plutôt sain que le public se rende compte que l’on essaie d’influencer ses goûts et qu’une machine industrielle est à l’œuvre, laissant planer une fausse impression de choix.

À cela s’ajoute un public qui ne se contente plus d’écouter, mais s’improvise tour à tour directeur artistique, attaché de presse ou manager – chacun allant de son analyse technique qui emprunte au jargon des professionnels de la musique…, le tout en commentant TikTok en slip, depuis son canapé. « Le public s’accroche à l’idée d’une indépendance qui serait encore indomptée par le business, à l’abri des majors et des budgets », explique Marie*, directrice artistique dans une grande maison de disque. C’est un réel positionnement légitime pour certains artistes, mais qu’il faut aussi dissocier d’une industrie utile pour beaucoup d’autres qui ont intérêt à s’entourer de majors. Le mythe selon lequel les labels ne créeraient que des produits marketing ne tient pas. Ce sont des choix contractuels, financiers… » Toujours est-il que, dans le cas de Miki, le bad buzz semble presque intégré à la stratégie : plus ça s’égosille, plus ça partage, plus on parle d’elle.

Les véritables Industry Plants, trop Kawaï

Mais pendant que l’on crie au « plantage » des artistes, les véritables Industry Plants germent sous une lumière artificielle : des avatars créés de toutes pièces par les labels, comme la chanteuse 3D au visage de poupée Noonoouri, « signée » chez Warner ou l’icône japonaise Hatsune Miku, star virtuelle et hologramme capable de remplir des salles entières.

Singles, couvertures de magazines, collaborations avec les grandes maisons de luxe. Et derrière elles, une armée de graphistes, designers, artistes (la voix d'Hatsune Miku est samplée à partir de celle de la doubleuse japonaise Saki Fujita) et autres logiciels pour générer des millions de revenus en s’affranchissant des aléas du vivant. Pas de caprices, pas de burn-out, pas de dérapages incontrôlés. Juste du contenu marketé pour une fanbase ultra-fidèle. C’est ça, le futur ?

*Le prénom a été modifié

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    petite erreur en fin d'article : "la voix de Miki est samplée à partir de celle de la doubleuse japonaise Saki Fujita". Ce n'est pas Miki mais Miku

  2. Avatar Ben C dit :

    Premier EP peut-être, mais elle produisait des sons depuis plusieurs années; plusieurs live également. Pas vraiment la définition 2025 d'une Industry Plant. Dommage que l'article manque un peu de véracité et ne fasse que reporter une moitié des faits.

  3. Avatar Gab dit :

    Bah justement c'est bien ce que dit l'article, que Miki n'est pas une industry plant...

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