Peinture de Pierre-Antoine Demachy illustrant la Place de la Concorde qui brûle

L' « âge du grief » : en 2025, le ressentiment contre les élites bouillonne

La colère a atteint un point de rupture : 40 % de la population considère la violence comme une « option viable » pour conduire le changement. Ce sont les conclusions d'une étude internationale.

Présenté par Richard Edelman lors du dernier Forum de Davos, le 25ᵉ Baromètre de la Confiance, baptisé « Crisis of grievance puts pressure on trust » (La crise des griefs exerce une pression sur la confiance), dresse un constat alarmant : alors que la défiance envers les institutions et les élites est à son apogée, la désinformation et la violence sont désormais perçues comme des outils légitimes pour rétablir les équilibres. Une escalade de la confrontation qui traduit une frustration croissante face à des institutions et des riches perçus comme déconnectés des réalités des citoyens. Décryptage de ce que le baromètre qualifie d' « âge du grief ».

Les institutions en perte de crédibilité

L’enquête, réalisée auprès de 33 000 personnes dans 28 pays, a révélé qu'une personne sur six déclare ressentir un niveau de grief « modéré » (41 %) ou « élevé » (20 %) envers les institutions. Un ressentiment qui s'inscrit sur fond de fracture sociale, puisque les personnes à faibles revenus ne sont que 48 % à accorder leur confiance aux institutions, contre 61 % chez celles ayant des revenus élevés. Mais, selon le rapport, ce sentiment de défiance ne se limiterait pas aux institutions, puisque 69 % des répondants redoutent que les responsables politiques, les chefs d’entreprise, mais aussi les journalistes ne les induisent « volontairement en erreur » (soit une hausse de 11 points depuis 2021). Une perte de crédibilité qui aurait pour carburant la conviction que les décisions économiques et politiques sont au service des intérêts des plus riches, creusant un fossé toujours plus grand entre les élites et le grand public. Ainsi, le baromètre révèle que 67 % des personnes interrogées estiment que les riches ne paient pas leur juste part d'impôts et 65 % pensent que l'égoïsme des riches est à la source de nombreux problèmes de nos sociétés. En outre, plus de la moitié des répondants estiment que le capitalisme a échoué et, in fine, fait plus de mal que de bien (53 % parmi la population générale, dont 55 % des 18 à 34 ans.)

Parmi les autres facteurs caractéristiques de cet « âge du grief », Edelman avance le désespoir croissant des populations. Inflation persistante, crainte d'être remplacé par une IA, guerres, conflits commerciaux internationaux… Près de deux tiers des personnes interrogées se déclarent pessimistes quant à l'avenir, et seuls 36 % pensent que la prochaine génération sera mieux lotie. Un niveau d'incertitude particulièrement marqué en France où seuls 9 % des sondés se déclarent optimistes pour l'avenir.

La banalisation de la violence comme moteur de changement, notamment chez les jeunes

De manière plus préoccupante, l'enquête révèle que, dans cette société minée par la frustration et le ressentiment, l'idée que la violence serait une forme de réponse « acceptable » gagne du terrain. Ainsi, quatre personnes sur dix se disent favorables à ce que le baromètre qualifie d' « activisme hostile » pour stimuler les changements sociétaux et 20 % d'entre elles considèrent que le recours à la violence serait justifié pour défendre leurs convictions. Un chiffre qui grimpe à 53 % chez les 18-34 ans, révélant une fracture générationnelle profonde (41 % pour les 35-54 ans et 26 % chez les 55 ans et plus). Un « activisme hostile » qui englobe des pratiques variées telles que le harcèlement en ligne, la diffusion délibérée de fake news, les menaces ou le recours à la violence physique, ainsi que les dégradations de biens publics ou privés.

La solution : vendre du rêve et de vraies perspectives

Richard Edelman, à Davos, a voulu conclure ces sombres résultats sur une ébauche de solutions. Comme en 2023 quand il préconisait aux entreprises et aux médias de cesser d’effrayer les gens avec la crise climatique pour « se pencher sur les solutions », Richard Edelman recommande aux décideurs de donner aux citoyens de vraies raisons de leur faire confiance et de croire en un avenir meilleur. Au journal The Guardian, il affirmait : « Pour moi, l’optimisme est ancré dans la réalité. Et nous devons faire en sorte que les gens aient le sentiment qu’ils peuvent réellement avoir un avenir économique prometteur. Il faut que cela passe par des salaires plus élevés, une reconversion professionnelle, des produits abordables… Je ne veux pas que l’optimisme soit une notion vague. Je veux qu’il soit tangible, basé sur la réalité observée. »

Peggy Baron

Chaque jour je m'installe à la terrasse de l'actu et je regarde le monde en effervescence. J'écris aussi bien sur les cafards cyborg que sur le monde du travail, sans oublier l'environnement et les tendances conso.

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commentaires

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  1. Avatar Juan Antonio GONZALEZ dit :

    Cela couve depuis bien longtemps, notamment dans les grandes entreprises où "l'élite" des dirigeants est profondément déconnectée de la base des salariés. Les premiers considèrent mieux savoir que les seconds ce qui est bon pour eux. Et ça n'est plus acceptable.

  2. Avatar Anonyme dit :

    Quand les médias ne relaient que de l'anxiété, que les hommes et les femmes s'informent sur les réseaux sociaux, il est inévitable que l'Autre est mieux loti que moi. Si il ne veut pas partager ie me donner plus à moi cqfd, alors j'irai le chercher ... plus ce sentiment augmente plus le risque de conflit augmente. Bon courage à nous ...

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