Un ouragan de merde

Dans le sillage de Milton, un ouragan de fake news cyniques et très politiques

Les catastrophes naturelles sont en train de devenir des arguments politiques comme les autres. Mais pour cela, il faut tordre très franchement la réalité.

Si vous êtes un habitant de Floride, Républicain tendance MAGA, il y a de fortes chances pour que vous pensiez que l’ouragan Milton, qui a frappé vos côtes il y a quelques jours, était le résultat d’une manipulation météorologique orchestrée par le gouvernement Biden. Ce dernier aurait utilisé une technologie à base de laser et d’énergie à micro-ondes pour faire gonfler la taille et la violence de la tempête.

FEMA et petite fille en pleurs

D’autres mensonges ont suivi, visant toujours l’administration démocrate. La FEMA (l’organisme gouvernemental qui assure l'arrivée des secours en situation d'urgence) ne donnerait que 750 dollars aux familles qui ont perdu leur maison (en fait, cette somme est bien donnée, mais pour assurer les premiers achats d’urgence), ou bien bloquerait activement le ravitaillement de secours. Ces mensonges ne sont pas propagés par n’importe quel conspirationniste de forum. C’est Elon Musk, Donald Trump et JD Vance (son colistier) qui se répandent ainsi sur les plateformes sociales comme X.

Quelques semaines auparavant, une autre fake news avait déjà frappé les médias sociaux américains. Après le passage de l’ouragan Helene, qui a fait 53 morts, une synthographie (une image photo réaliste générée par IA) montrant une petite fille en larmes a fait le tour du Web. Partagée par une sympathisante de Donald Trump, cette image a été vue plus de 1,5 million de fois. Même après avoir été identifiée comme une fausse photographie, certains responsables politiques comme Amy Kremer, qui représente la Géorgie au comité national républicain, ont laissé leur message en ligne, indiquant qu’elle était « emblématique du traumatisme et de la douleur que les gens vivent en ce moment ». Dans un article de The Atlantic, les journalistes spécialisés sur la culture numérique Parker Molloy ou Jason Koebler ont indiqué que le partage de cette image au premier degré symbolisait l’entrée dans un monde « post-vérité », voire entérinait « l’ère du "Fuck It" » de l’IA.

La désinformation plus forte que la réalité ?

Si les fake news ne sont pas un phénomène nouveau, leur diffusion à une échelle massive ainsi que leur impact sur la manière dont les gens se représentent la réalité sont inédits. Comme le souligne le journaliste Charlie Warzel de The Atlantic dans un article titré « Je suis à court de moyens pour expliquer à quel point c'est grave », si la désinformation arrive à surpasser la réalité, c’est qu’il existe « un écosystème durable pour enfermer les citoyens dans une réalité alternative, et que les personnes qui consomment et amplifient ces mensonges ne sont pas des dupes impuissantes, mais des participants consentants. »

La même sonnette d’alarme est tirée par la journaliste Marianna Spring sur le site de la BBC. Pour elle, la plupart des diffuseurs de fake news se retrouvent sur la plateforme X et possèdent une coche bleue, signe visible de l’abonnement payant qui offre une amplification de la portée de leurs posts. Difficile de ne pas voir derrière cette vague de désinformation la patte d’Elon Musk, qui pousse la campagne de Donald Trump dans ses pires travers. Pour rappel, ce dernier finance une campagne de communication intense par l’intermédiaire de l’America Pac, un comité d'action politique qui a dépensé plus de 800 000 dollars en publicité politique ciblée pour le seul mois de juillet, avec le même message à la clé : « L’Amérique est dans le chaos et voter pour Trump plutôt que pour Harris est la seule issue. » Peu importe que la suite dramatique de super ouragans ravage des villes et fasse des morts, ils servent à présent d’arguments de campagne fallacieux pour le camp républicain.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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