une jeune femme dans la mer qui lit un livre

Intermezzo, le livre qui s’est hissé au rang d’accessoire tendance

© image de @taylerreads modifiée par IA

Intermezzo, le quatrième roman de Sally Rooney, la « Salinger de la génération Snapchat », est devenu un must-have. Pourquoi un tel engouement ?

« C’est officiellement mon bien le plus précieux », déclare @rainbootromi à ses 26 200 abonnés sur TikTok. Il ne s'agit pas d'une villa ou d'un bolide hors de prix. Non. L'objet de tous ses désirs c'est Intermezzo, un livre à 25 euros. Depuis l'annonce de sa sortie, le nouveau roman de la jeune autrice irlandaise Sally Rooney suscite une excitation folle sur les réseaux sociaux. Et ce, bien avant que quiconque ait eu l'occasion d'en découvrir le contenu.

En juillet, deux mois avant la sortie officielle d'Intermezzo, Sarah Jessica Parker est photographiée avec une copie du livre. Depuis, la chasse est ouverte. À peine paru en septembre, l’ouvrage est en rupture de stock partout. TikTok et Instagram sont envahis de photos d’influenceurs et d’utilisateurs ordinaires posant avec la couverture, mettant en scène le livre dans des photos aesthetic (une mise en scène permettant de faire ressortir une ambiance ou une esthétique particulière), ou relatant les heures de queue qu’ils ont dû faire pour l’obtenir. On trouve plus de 23 000 vidéos sur le sujet sur TikTok et 133 000 posts sur Instagram. L'enjeu est clair : prouver son appartenance au club sélect de ceux qui ont réussi à mettre la main sur ce bouquin.

Plus qu’une simple lecture

Comme le dernier must-have de la mode, Intermezzo s’est mué en un symbole de distinction sociale. Et ce n’est pas un phénomène datant de l’ère des réseaux sociaux, loin s’en faut. À la fin des années 1890, le sociologue américain Thorstein Veblen abordait, dans La théorie de la classe de loisir, la notion de consommation ostentatoire : ces achats faits pour afficher un statut, un style de vie ou une personnalité. Que le dernier sac Ganni soit vraiment esthétique ou que le livre de Rooney soit à la hauteur n’a finalement que peu d’importance. Ce qui compte, c’est d'être parmi ceux qui le possèdent.

Pour ce qui est du contenu, le quatrième roman de Sally Rooney divise. Le livre suit l’histoire de deux frères qui tentent de gérer la complexité de leurs relations familiales tout en affrontant leurs défis personnels. Pour certains, comme The Guardian, l’écrivaine est « le phénomène littéraire de la décennie ». Pour d’autres, comme Marianne, l’autrice « noie sa réflexion dans des effets de style assommants ». Mais la réalité est que, même sans la hype causée par le lancement et tandis que les cercles élitistes la méprisent, explique The New York Times, Rooney bénéficiait déjà un fandom fervent sur Internet. Souvent surnommée la « Salinger de la génération Snapchat » ou bien la « Jane Austen du précariat », elle parvient à capter les préoccupations, les émotions et les dynamiques sociales des GenZ et Millenials.

Une parfaite maîtrise du marketing d’influence

Bien que cet emballement puisse sembler résulter d’un alignement des planètes, comme c’est parfois le cas avec certaines tendances, il n’en est rien. L'explosion les réseaux d'Intermezzo est le fruit d’une stratégie bien rodée. Avant chaque parution de livre, ce qu’on appelle des épreuves en édition (copies de la version préliminaire d’un ouvrage) sont envoyées aux journalistes, aux libraires et aux influenceurs pour susciter l’intérêt. En général, ces versions bêta circulent assez facilement. Pour Intermezzo, 2 500 épreuves ont été envoyées à un mix de journalistes et d'influenceurs. Le chiffre est plutôt dans la norme par rapport à d'autres publications de cette ampleur, mais chaque ouvrage comportait un numéro unique et le nom du destinataire créant ainsi une rareté savamment orchestrée et décuplant l’envie de possession.

Sally Rooney et ses maisons d'édition ont bien compris que le marketing d’influence est devenu essentiel dans le monde de la littérature. Le BookTok a désormais (presque) les pleins pouvoirs en matière d’influence littéraire. L’une des communautés les plus actives du réseau a la capacité de faire passer un écrivain du statut d’inconnu à vendeur de best-sellers. Pour vendre, il faut séduire les créateurs qui publient sous ce hashtag, qui cumule plus de 38 millions de publications. Ce trajet promotionnel, qu’a aussi emprunté l’été dernier The Guest d’Emily Cline, témoigne du renouveau du capital culturel de la littérature.

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