
Ces vidéos dites unfiltered qui exposent la pauvreté, la prostitution ou l’addiction aux drogues sont devenues des outils de propagande pour le camp républicain.
Le 8 septembre dernier, deux jours avant le débat entre Donald Trump et Kamala Harris, Juanita Broaddrick, militante pro-Trump, partage sur X une vidéo de la ville de Seattle, tenue par les Démocrates. Diffusée initialement sur la chaîne YouTube Big City Bev et partagée en premier par le compte Bigeggtokyo, on y voit une déambulation filmée dans l’Aurora Avenue, un quartier marginalisé de la ville, très fréquenté par les travailleuses du sexe. Alors que la vidéo originale avait généré 2,5 millions de vues, sa version remontée et exploitée sur X a été visionnée plus de 13 millions de fois.
Propagande et blagues misogynes
Dans le fil des commentaires, une majorité écrasante de militants pro-Trump dénoncent les décisions stratégiques des politiques locales sur les enjeux sociaux et de criminalité. Le discours est simple : « Regardez l’état de nos villes sous contrôle des progressistes », pouvons-nous lire dans les commentaires postés par des profils certifiés. Certains d’ailleurs questionnent la suppression de la loi sur le « vagabondage de prostitution », abrogée en 2020 en raison de son caractère discriminatoire, relançant alors le débat houleux par les organismes locaux. La vidéo va même dépasser le cercle des militants pro-Trump pour générer des moqueries et des parodies à fond sexiste. L’une des prostituées va voir son image détournée et "mèmifiée" à coups de références aux NPC stéréotypés du jeu vidéo GTA V.
Ce détournement va accumuler plus de 53 millions de vues supplémentaires et contribuer à renforcer la stigmatisation des populations marginalisées. Cet exemple est loin d’être isolé et touche d’autres travailleuses du sexe auxquelles on rattache des rumeurs. C’est le cas de cette femme photographiée à la sortie d’une station-service et qui serait, selon le compte @del_jeannie, employée par la mairie démocrate pour faire la promotion de cliniques d’avortement.
La rue au service du trumpisme
La popularité derrière ces vidéos n’est pas nouvelle. Intitulées unfiltered Street ou street walking, ces séquences montrent des scènes de vie capturées « aléatoirement » dans les rues de grandes métropoles comme Seattle ou Los Angeles et prétendent offrir une vue brute et authentique de la réalité urbaine. On peut mettre le terme « aléatoire » entre guillemets tant ces vidéos se concentrent sur des quartiers extrêmement défavorisés, filmant en caméra cachée des populations stigmatisées comme les prostituées, les SDF ou les accrocs au Fentanyl. Contrairement aux médias traditionnels ou au contenu édulcoré des influenceurs, ces enregistrements sans commentaires prétendent capturer une réalité objective et offrent un sentiment d'authenticité. Pour les militants d’extrême droite, elles sont devenues un indicateur de l’échec des gouvernements démocrates et un puissant outil de propagande illustrant les thèmes récurrents de Trump.
Faire du fake avec du « vrai »
Bien que leurs vidéos accumulent des millions de vues, celles qui se concentrent sur des villes démocrates comme Los Angeles, Seattle, Détroit, Jackson, ou Las Vegas attirent particulièrement l'attention. La chaîne CharlieBo313 a ainsi dépassé les 400 000 vues pour la visite du « Tiers Monde à Jacksonville » contre 20 000 en moyenne selon Hype Auditor. Souvent, les séquences diffusées datent de plusieurs années et ne reflètent pas la réalité actuelle, mais renforcent au contraire les préjugés sociaux. Le quartier Aurora, par exemple, a fait l’objet de nombreuses initiatives de réhabilitation. Le rapport du département de police de Seattle a comptabilisé une baisse de violences et de crimes en 2023 par rapport à 2022 sur cette même avenue. Cependant, ces efforts sont invisibles dans les vidéos Unfiltered Street, qui se concentrent uniquement sur les scènes de pauvreté. Trump lui-même, dans son discours face à Harris, a invité ses partisans à « visiter ces villes sur internet » pour constater par eux-mêmes la prétendue dangerosité de ces endroits, amplifiant ainsi le message de peur et de défiance.
Bonjour, la prostitution n'est ni du travail, ni du sexe. C'est une forme d'exploitation de la femme. Le terme "travailleuse du sexe" n'a pas vraiment de pertinence et masque la réalité d'une forme particulièrement aboutie de violence sexiste et sexuelle, patriarcale et capitaliste. "Femmes en situation de prostitution" généralement ça suffit. Désolé l'article est très pertinent et j'ai pas envie de donner des leçons, mais utiliser ce terme c'est masquer des violences sexistes et sexuelles.