
Jeux Olympiques, gentrification et capitalisme urbain... La ville, éternel terrain de lutte.
Dans ces trois récents essais, les autrices et auteurs démontrent comment l'organisation spatiale des villes est indissociable de la question des rapports sociaux, entre oppression et émancipation des individus. Et nous posent la question : quelle ville voulons-nous habiter ?
Habiter une ville touristique, Une vue sur mer pour les précaires
Dans Habiter une ville touristique, Une vue sur mer pour les précaires publié aux éditions du Commun, le collectif breton Droit à la ville se penche sur le cas de Douarnenez et des mécanismes en jeu au sein de la ville côtière du Finistère, envahie par les résidences secondaires et les locations de courte durée. Des scènes qui se reproduisent à Marseille, Barcelone, Lisbonne... Mais au-delà de la prolifération d'AirBnb et des projets soutenus par les aménageurs et promoteurs privés qui organisent l'évacuation en périphéries des populations les plus précaires, c'est aussi la mise en branle d'un récit communal artificiel que dénonce le collectif. D'après ce dernier, la municipalité capitaliserait sur son image de port industriel et sur des représentations liées à l'imaginaire de la nature et à la mythologie bretonne. Dans la réalité, il est question d'exclusion des populations ouvrières et des logements sociaux. Avec le décryptage de l'exemple Douarnenez érigé en cas d'école, le collectif breton montre aussi comment s'organiser pour penser l'espace, lutter contre la gentrification touristique, et s'affranchir par l'urbain.
Tenir la ville, Luttes et résistances contre le capitalisme urbain
Rédigé par le collectif Asphalte, Tenir la ville, Luttes et résistances contre le capitalisme urbain publié aux éditions Les Étaques entremêle lutte sociale et enjeux d’écologiques, d'Aubervilliers à Besançon. L'ouvrage énumère les différents modes de luttes et de résistance urbaines en France et ailleurs, du squat aux JAD (Jardins à Défendre), en passant par les associations et les syndicats de quartiers. Au micro du podcast Polemix & La Voix Off, Matthieu Adam, chercheur en géographie sociale et urbaine au CNRS, l'un des 49 contributeurs à l'essai, explique comment la résistance va au-delà des occupations jugées illégales, et englobe aussi l'appropriation du droit, au travers – par exemple – de la copropriété et des associations de syndicats dans les quartiers populaires.
Paris 2024, Une ville face à la violence olympique
Journaliste chez Médiapart, Jade Lindgaard raconte dans Paris 2024, Une ville face à la violence olympique, publié aux éditions Divergences, comment les organisateurs des Jeux Olympiques et Paralympiques de la capitale ont « obtenu carte blanche pour fabriquer en Seine-Saint-Denis la ville rêvée des promoteurs et investisseurs : moderne, innovante, lucrative. » Pour cela, ils évacuent les camps de migrants et envoient les sans-abris en province. Des opérations que les associations de lutte contre la pauvreté qualifient de « nettoyage social ». D'après Jade Lindgaard, quelque 1 500 personnes auraient été délogées au moment de la publication de l'ouvrage. L'autrice dénonce aussi la destruction de jardins ouvriers, qui concerneraient principalement les habitants des banlieues. La journaliste évoque par exemple les jardins ouvriers des Vertus à Aubervilliers, qualifiés par Le Monde « d'héritage social de l’entre-deux-guerres et réserve de biodiversité. » Pour rappel, le budget de l’organisation des Jeux s'élèverait selon RFI à plus de 8,8 milliards d’euros, un coût qui ne prend pas en compte l’impact environnemental ou les conséquences directes et indirectes pour les habitants. Un rapport de force biaisé qui selon Jade Lindgaard ne suffit pas à étouffer les contre-projets et l'envie de penser une ville plus égalitaire.
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