personnes sur un pont à Garden by the bay à Singapour

Avec son « économie chrysalide », KPMG prospecte l’économie désirable de demain

© Annie Spratt

En s’appuyant sur 40 acteurs de l’économie et sur l’apport d’IA génératives, la branche Innovation du cabinet d’audit et de conseil propose sa vision de l’économie future. Agrémenté de l’avis de différents experts, son livre des tendances annuelles propose un cheminement au sein d’un monde en mutation. Décryptage de ce panorama.

« Quand un système est incapable de traiter ses problèmes vitaux, il se dégrade, se désintègre ou alors il est capable de susciter un meta-système à même de traiter ses problèmes : il se métamorphose » écrivait Edgar Morin dans son « Eloge de la métamorphose » publié par Le Monde en 2010. De métamorphose, il est précisément question dans le dernier livre de tendances annuel élaboré par les équipes Innovation de KPMG. Comme chaque année depuis 4 ans, le cabinet d’audit et de conseil s’est adonné à un exercice de prospective afin de décrypter les tendances et nourrir les imaginaires autour de la transformation des entreprises et de l’économie.  

Pour cette édition 2024, les parties prenantes réunies par KPMG ont filé la métaphore animale pour caractériser le processus actuel de transformation imposé par la convergence des crises et des transitions. Et quoi de plus évident que la transformation de la chenille en papillon pour l’illustrer ? Ainsi a donc été imaginé ce concept d’ « économie chrysalide », présagé par les écrits d’Edgar Morin. N’est-ce pas précisément le sociologue et philosophe de 102 ans qui écrivait dans l’éloge précité que, lorsque la chenille s’enferme dans une chrysalide, « commence alors un processus à la fois d’autodestruction et d'autoreconstruction, selon une organisation et une forme de papillon, autre que la chenille, tout en demeurant le même » ?

Une “prospérité nouvelle” et réconciliée avec le vivant en 6 tendances  

Une économie « chrysalide » donc, plus vraiment comme hier mais pas encore comme demain, dans une forme d’état transitoire dont jaillissent tant des risques que des opportunités. Et c’est précisément sur ce volet des possibilités désirables qu’ont planché les 40 acteurs de l’économie – décideurs, dirigeants, experts et étudiants des secteurs de la tech, de l’industrie et de l’économie sociale et solidaire – réunis par KPMG à l’occasion d’un atelier de prospective. Une démarche « augmentée » d’un recours aux IA génératives afin d’ « hybrider l’imaginaire des participants avec l’intelligence artificielle ». De cette expérience, ressortent des scenarii fictifs représentant un certain idéal à l’image d’une filière spécifique dont l’ambition serait d’endiguer la pollution liée au numérique ou de la mise en place de plateformes de temps qui associeraient entreprises, ONG et collectivités dans l’objectif de faciliter le développement de projets à impact. 

Surtout, de ce cheminement au sein de l’économie chrysalide, les participants ont dégagé six grandes tendances, adossées à 25 exemples d’entreprises déjà engagées sur la voie de la transformation. La première de ces tendances a été nommée « économie de l'écoumène », du nom de ce terme issu du grec ancien et emprunté au répertoire du géographe Augustin Berque. Littéralement le mot désigne l’espace habité par les hommes sur la planète. Dans le cas présent, il est utilisé pour signifier le rôle que peuvent jouer les entreprises dans la préservation du vivant ou la manière dont elles peuvent innover en s’inspirant de la nature via une approche biomimétique. Sont ainsi cités les cas du papier connecté imaginé dans le cadre du projet PaperTouch et qui pourrait remplacer les puces électroniques ou celui de Morfo, la startup française qui développe un dispositif de reforestation de zones tropicales par l’emploi de drones et d’IA.

Avec sa deuxième tendance, « l’expérience écosystèmes », KPMG invite les entreprises à s’ouvrir et à favoriser les collaborations. Sont cette fois évoqués les exemples du partenariat signé entre le CHU de Rennes et le groupe Philips pour améliorer le parcours de soin dans la prise en charge des AVC et de la réanimation ou encore l’association entre Pernod Ricard et JCDecaux dans le partage de données. La troisième tendance, « les nouvelles géographies », met en avant les stratégies de relocalisation tandis que la quatrième, intitulée « reprendre la main » s’intéresse à l’enjeu de la révolution des intelligences. Avec sur ce point l’enjeu clé de prendre la main intelligemment sur ces technologies plutôt que de les subir. Et sans perdre de vue certains risques existentiels. En début d’année, un rapport publié par une coalition de plusieurs associations environnementales pointait ainsi le risque que l’intelligence artificielle engendre une forte augmentation des émissions de gaz à effet de serre. 

La métamorphose, une condition bien plus qu’une option 

La cinquième tendance s’attarde sur les évolutions organisationnelles des entreprises, citant les cas de GitLab, l’entreprise néerlandaise 100 % remote, ou d’OpenClassrooms et Orbiss qui proposent des congés illimités à leurs collaborateurs. Enfin, la sixième et dernière tendance identifiée revient plus particulièrement sur les démarches RSE et propose de « mettre l’impact au cœur des organisations ». Dans sa démarche de prospective, KPMG a notamment été inspirée par les entreprises qui forment leurs collaborateurs à La Fresque du Climat ou encore l’organe interne de parties prenantes constitué par Veolia et qui rassemble des ONG et des scientifiques invités à exprimer un avis critique. 

« L’espérance vraie sait qu’elle n’est pas certitude. C’est l’espérance non pas au meilleur des mondes mais en un monde meilleur. L’origine est devant nous, disait Heidegger. La métamorphose serait effectivement une nouvelle origine » concluait Edgar Morin au terme de sa réflexion. Avec son panorama, KPMG espère inspirer les entreprises en les projetant dans une réalité possible où objectifs de croissance et de durabilité auraient été conciliés. Dans un monde en crises multiples et considérant le rôle déterminant qu’elles ont à jouer dans la préservation d’une planète habitable par un maximum d’espèces, elles n’auront en définitive pas d’autres choix que celui de se métamorphoser. Pas plus que le papillon n’en a pour émerger de sa chrysalide.

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