Un immeuble en construction

Collapse sur le marché de l'immobilier : comment s'annonce 2024 ?

Avec des ventes de biens en chute et un marché de la location en déficit, le secteur de l'immobilier est entré dans une dynamique de récession. La crise est-elle profonde ? Que faudrait-il faire pour en sortir ? Réponses de Vincent Pavanello.

En 2017, Vincent Pavanello a cofondé, avec Robin Rivaton, le cluster Real Estech, qui regroupe plus 300 startups de l’immobilier. Après avoir été rapporteur de la mission sur l'accélération de l'innovation dans le logement pour le Ministère de la cohésion des territoires, il a rejoint le fonds Impact Proptech NewStone comme Venture Partner. Il est le coauteur du livre L’immobilier Demain paru chez Dunod en 2017, et chargé de cours à Science Po Paris.

Quels sont les principaux facteurs qui ont conduit le marché de l'immobilier à la crise actuelle ?

Vincent Pavanello : Il y a aujourd'hui une crise très importante de l'offre et de la demande dans le logement pour plusieurs raisons. En ce qui concerne l'offre, parce que l'acte de construire est de plus en plus freiné par une forte réglementation en France. Ceux qui sont censés produire ont des bâtons dans les roues, et ils produisent moins. En ce qui concerne la demande, la hausse de l'intérêt est venue réduire le pouvoir d'achat des acquéreurs, ce qui fait qu'il y a moins de transactions. À cela, il faut ajouter un autre phénomène... Si on prend les investisseurs particuliers, qui représentent la moitié de la demande dans le logement, on a joué, depuis plusieurs années, à un jeu malsain qui a consisté à laisser les prix exploser. Et dans le même temps, on a plafonné les loyers partout où on pouvait. Quand les prix grimpent et que les loyers baissent, le coût d'entrée augmente et les revenus diminuent, ce qui a un impact très important sur le rendement. Au bout du compte, c'est ce qui a fait que le logement est devenu un actif sans rendement. 

Dans quelle mesure, l'entrée en vigueur de la loi Climat et Résilience tout début 2023, qui a proscrit la location des logements classés G, a-t-elle impacté cette situation ?

V. P. : Pour être tout à fait transparent, on a du mal à avoir une estimation fine, et des chiffres tout à fait fiables, sur le nombre de logements qui sont sortis du parc locatif parce que classés G. Ce que l'on sait, c'est que ça ne va pas dans la bonne direction puisqu'avant l'entrée en vigueur de cette mesure, le marché de la location de biens était littéralement en ébullition, avec beaucoup plus de demandes qu'il n'y avait d'offres. En ajoutant à cette très forte tension locative des contraintes environnementales qui allaient restreindre l'accès à de nombreux biens, cela ne pouvait que creuser le problème et aggraver la crise. Et c'est exactement ce qui s'est passé. 

Comment se portent les acteurs de l'immobilier ?

V. P. : Il y a des dizaines de métiers différents dans l'immobilier. Le secteur n'est pas uniforme, ce qui fait que l'impact de cette crise n'est pas non plus uniforme... Ceux qui sont particulièrement touchés, ce sont les promoteurs de logements. Ils ont des coûts de production qui augmentent, ils ont un coût du capital qui augmente, et ils ont des difficultés à vendre, et donc des bénéfices en baisse. C'est donc pour eux une période particulièrement difficile. Mais c'est aussi une période de transition parce qu'à force d'avoir du mal à vendre, ils vont finir par acheter des terrains moins chers et proposer des biens qui seront eux aussi moins chers. Il y aura donc un rééquilibrage. Ceux qui souffrent également, ce sont les grands propriétaires d'immobilier de bureaux puisque la valeur des biens du tertiaire a nettement diminué, notamment en raison du développement du télétravail. Les réseaux d'agents immobiliers sont eux aussi à la peine puisqu'il y a une baisse constatée de 35% des transactions en 2023 par rapport à 2021. C'est un déficit très important qui a déjà entraîné de nombreuses faillites. Ceux qui sont le moins impactés, ce sont les syndics et les gestionnaires locatifs car ils bénéficient d'une forme de récurrence des revenus.

Pour sortir de cette crise, est-ce que le manque chronique en nouveaux logements est un problème auquel il faudrait s'attaquer en priorité ?

V. P. : On manque de logements partout,  dans les métropoles, dans les villes moyennes, dans les petites villes... On a des étudiants qui dorment dans des campings, on a des phénomènes de suroccupation qui se développent, on a des gens qui retournent vivre chez leurs parents...  Quand un studio est mis en location à Paris, il y a 500 demandes qui sont faites actuellement. Cela donne une idée de la tension locative, qui est devenue abyssale. Il faut donc nécessairement construire plus de logements. C'est un objectif prioritaire. 

N'y a-t-il pas également un problème lié à la hausse continue des prix de l'immobilier, qui a atteint des sommets dans certaines grandes villes, et qui rend un nombre croissant de biens inaccessibles pour de nombreux acheteurs ? 

V. P. : Évidemment. C'est la conséquence d'un déséquilibre du marché.  La grande erreur d'analyse qui est généralement faite est de considérer que l'immobilier pourrait, ou devrait, être étranger aux mécanismes de l'offre et de la demande. Au fond, que ce serait un marché qui aurait tellement de spécificités que la hausse des prix ne pourrait pas être expliquée en analysant ces mécanismes, qui structurent pourtant l'économie. Cependant, s'ils ne peuvent pas expliquer toutes les évolutions de prix, ils peuvent en expliquer beaucoup. La raison de la très forte augmentation du prix du mètre carré est tout simplement qu'il y a plus de demandes qu'il n'y a de nouveaux logements. On en revient toujours au même problème... Si on veut améliorer l'accès à la propriété et faire baisser les prix, il faut construire massivement des logements. Cela vaut également pour l'évolution des loyers. Il faut réussir à refaire de ce marché un marché sain.

Cependant, comment concilier enjeux climatiques et nécessité de construire plus ?

V. P. : Il faut densifier ce qui est déjà artificialisé ! Cela devrait être la priorité de tous les élus dans les zones tendues. Au fond, cet enjeu est le grand absent de la loi Zéro Artificalisation Net (ZAN). On compte freiner l’artificialisation mais sans en avoir tiré les conséquences en matière de densification du déjà artificialisé. Il faut urgemment amender la loi en ce sens.

Selon vous, quels leviers faudrait-il actionner en priorité pour redresser le marché ?

V. P. : Il faut relancer l'offre. Il faut donner plus de pouvoir à celui qui veut faire qu'à celui qui veut empêcher de faire. Il faut aussi des incitations financières pour les maires. En ce qui concerne la demande, il faut refaire du logement un produit qui a un rendement. Ce qui veut dire notamment qu'il faudrait peut-être penser à adoucir le plafonnement des loyers...

Comment le secteur des Proptechs peut-il contribuer à apporter des solutions pertinentes pour parvenir à dynamiser l'activité ?

V. P. : Toutes les Proptechs qui sont dans le secteur du bâtiment sont en mesure de proposer des solutions pour bâtir moins cher... Cela peut passer par le développement de la construction hors site, par la robotisation... Celles qui œuvrent pour l'optimisation des chantiers sont en capacité de faire baisser les coûts de production. Il y a aussi des Proptechs qui sont intéressantes pour accompagner les gens vers la propriété. Il y a des entreprises comme Sezam ou Estia qui proposent des locations avec option d'achat, le leasing devenant un substitut au crédit immobilier. 

Que faudrait-il faire pour réinventer le modèle de la vente et de la location de biens ?

V. P. : Je pense que le secteur est parfois régulé et administré dans des directions contradictoires. Aujourd'hui, le diagnostic sur le manque de logements et sur le besoin d'assainir le marché est partagé par la grande majorité des acteurs. La presse s'est fait l'écho de ces enjeux et les politiques en ont pris conscience. En toute logique, 2024 devrait être l'année des solutions courageuses pour relancer le monde du logement. Si ça n'est pas le cas, ce sera une petite catastrophe pour les promoteurs, mais surtout une grande catastrophe pour tous les Français qui n'arrivent pas à se loger. 

Cette interview est parue dans le Livre des Tendances 2024 de L'ADN. Pour vous procurer votre exemplaire, c'est l'histoire de deux clics, par ici.

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Toujours les mêmes commentaires de la part des professionnels, qui font complètement abstraction de la nécessité de construire autrement pour satisfaire aux accords de PARIS.

  2. Avatar Anonyme dit :

    Wow c'est tout de même très politiquement orienté cet article. Pas assez de logements ? Les logements vides sont très nombreux dans les grandes villes puisqu'ils servent de garantie aux grandes entreprises et que c'est + facilement débloquable et + rentable de les laisser inoccupés. Construire + alors que le BTP est l'un des secteurs les plus émetteurs de CO2 ?
    Et le problème, est-ce vraiment l'offre et la demande ou simplement la spéculation immobilière ?
    Je trouve dommage de ne pas avoir opposé d'arguments à ce monsieur.

  3. Avatar Anonyme dit :

    Point de vue partial et significatif du professionnel de l'immobilier qui voit sa rente fondre. L'immobilier est le secteur de toutes les avidités, spéculations et pratiques frauduleuses. Aucune vision sur le long terme du développement urbanistique et des contraintes climatiques. Bétonner plus ! Tel est le mot d'ordre, alors que, depuis au moins deux décennies, les investisseurs immobiliers continuent, en toute connaissance de cause, à faire construire des immeubles de bureaux qui représentent entre 30 et 40% de la surface construite en milieu urbain et demeurent vides à 70%. La seule dérégulation du marché par la bétonisation anarchique ne résoudra pas le problème du logement, ne génèrera du profit que pour certains professionnels de l'immobilier et promet des villes invivables. les propos tenus dans cet article sont trop simplistes pour embrasser la complexité du sujet du logement.

  4. Avatar Anonyme dit :

    Tout à fait d'accord sur les commentaires précédents, le point de vue libéral d'un professionnel du libéralisme, n'a que peu d'intérêt. Parlons-en des enjeux politiques ! J'habite une ville touristique en bord de mer : 80 % des logement sont vides, 80% de l'année ( loués en airbnb ou équivalent pour faire du fric très peu imposé ) alors que les locaux peinent à trouver un logement ( avec des loyers souvent délirants) … Professionnels du rendement, de l'hyperprofit et de la défiscalisation, des idées pour remédier à ces injustices ???

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