Une personne en train de se faire une piqure dans la cuisse

« J’avais l’impression de me droguer en cachette »

Conscient que la testostérone est loin d’être le seul élément qui permette de transitionner, Camille, homme trans, reconnaît malgré tout un côté « magique » à cette hormone. 

Cet article fait partie d’une série sur l’usage de la testostérone. Utilisée en petite ou grande quantité, cette hormone s’impose comme un moyen de doser sa masculinité. Bien que la science ne valide pas toutes les vertus qui lui sont prêtées, cette hormone continue de symboliser une sorte d'élixir du mâle, avec des implications qui varient selon qu'on soit un homme cis, gay, trans...

Camille* a commencé ce qu’il appelle « sa transition sociale » en 2015. « Au départ, je n’étais pas sûr de prendre des hormones. J’appréhendais certains effets radicaux. Je ne m’imaginais pas avec de la barbe par exemple. Mais en même temps, je me sentais coincé. La fin de mes études approchait et je ne voulais surtout pas finir l’université avec un prof qui m'appelait "Madame", puis entrer dans le monde du travail comme ça. »

Dans un premier temps, il se coupe les cheveux. Mais lorsqu’il prend la parole, des personnes s’interrogent. En 2019, il décide donc de prendre un traitement hormonal, « un peu sur un coup de tête ». « Je me disais qu’au pire, je pourrais toujours arrêter. Finalement, je n’ai pas arrêté. J’étais préparé au changement. » De sa silhouette d’abord, puisqu’après la prise de testostérone, le stockage des graisses se fait différemment : moins sur les cuisses et les fesses, plus au niveau du ventre et des poignées d’amour. « Je me préparais aussi au changement de ma voix, je l’attendais beaucoup. »

Avant d’entamer son traitement, il doit passer une série de tests comprenant des prises de sang et une échographie des ovaires. Car dans le cas de certaines pathologies (des kystes notamment), le traitement peut être contre-indiqué ou davantage surveillé. Camille préfère ne pas passer par la case psychiatre, le parcours souvent conseillé. « J’avais le sentiment que j’aurais dû lui prouver que j’étais sûr et certain, et j’aurais eu l’impression de mentir. » C’est vers une médecin généraliste spécialiste de médecine trans qu'il se tourne. 

« J’avais l’impression de me droguer en cachette »

Les doses, il commence à les prendre en cachette la nuit, car il habite alors encore chez ses parents, qui ne savent rien de sa transition. « Je me relevais vers 2 heures du matin et je faisais mon injection. J’avais l’impression de me droguer en cachette. » Certains effets sont immédiats. « Au bout de quelques jours, je sentais mon clitoris grossir, comme si le sang affluait dans les parties génitales. Comme une impression de bander. Il y a un stigmate vis-à-vis de ces poussées génitales, le "dicklit" comme on l’appelle. On entend souvent que c’est dégueulasse et douloureux. Mais moi je l’attendais quelque part. Ça a changé mon rapport à la sexualité. J’avais l’impression d’avoir des palpitations comme si j’allais éjaculer. » Camille est bien conscient qu’il est difficile de distinguer les effets de la testostérone, de ceux de la transition de manière générale. Mais il qualifie volontiers cette hormone de « magique ». Car d’une certaine manière, dit-il, « ça valide le fait d’être un homme sans passer obligatoirement par la case chirurgie ».

*Le prénom a été changé

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Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

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