Capture d'écran du micro-mag d'Urbania

Comment les médias tentent de sortir de l’emprise des réseaux sociaux

Formats innovants et récupération des adresses mail de leurs lecteurs. Les médias arrêtent (enfin) de compter sur Facebook et X pour gagner en audience.

Comment fait-on quand les plateformes sociales snobent les liens qui renvoient vers vos articles ou shadowban votre compte pour sanctionner le traitement d'un sujet trop sensible ? Pour faire face aux bouleversements imposés par les plateformes sociales, certains médias tentent de nouvelles stratégies éditoriales. 

L'adresse mail, le Graal du contact direct

La stratégie la plus efficace pour conforter son indépendance est aussi la plus simple. Elle consiste à récupérer l’adresse mail de ses lecteurs, même de passage. C’est notamment ce qui se passe chez 404 Média, un site spécialisé sur le numérique fondé par d’anciens journalistes de Motherboard (VICE). Dans leur article « Pourquoi nous avons besoin de votre adresse mail », les auteurs expliquent que des enquêtes qui leur prennent des mois de travail se trouvent souvent clonées par des sites qui utilisent ChatGPT pour dupliquer l’information et se la réapproprier. Plutôt que de miser sur une diffusion toujours plus massive de contenus sur les réseaux, les journalistes privilégient un lectorat plus réduit, mais aussi plus fidèle et prêt à s’abonner. « Pour dépasser la crise de la découvrabilité, nous devons atteindre nos lecteurs directement en utilisant une plateforme que nous possédons et contrôlons, expliquent-ils. Lorsque nous demandons aux gens de nous donner leur adresse e-mail, notre liste de diffusion s'agrandit (évidemment) et de plus en plus de personnes deviennent rapidement des abonnés payants. Cette liste de diffusion rend notre journalisme et notre entreprise plus viables économiquement et nous permet de continuer à faire le travail que nous faisons, à une époque où les bons sites Web ferment et où les bons journalistes sont licenciés. » Ce système s’accompagne bien évidemment de publicités, affichées sur le site, ainsi que de sponsors mis en place dans les newsletters. Il permet en tout cas de faire vivre 4 journalistes et de garder un accès gratuit au contenu. 

Réinventer le magazine papier... en vidéo

Aller chercher de nouveaux lecteurs et capitaliser sur une audience fidèle... c'est le double défi que tente la rédaction française d’Urbania. Très dépendant des plateformes vidéos pour diffuser ses sujets, le média vient de lancer un micro-mag, à mi-chemin entre une newsletter trimestrielle, un magazine papier pour la ligne éditoriale et des stories Instagram pour la forme. Ce premier « micro-mag », intitulé Liberté, Egalité, Commodités, présente un sujet monothématique (en l'occurrence, les toilettes) décliné sous différents angles avec décryptages, reportages, et même un hilarant clip de rap. « C’est un format expérimenté depuis deux ans au Canada et qui a totalisé plus de 80 000 inscrits, explique Anaïs Carayon, directrice de la rédaction d’Urbania. Quand le magazine papier s’est arrêté à cause du Covid, le média a cherché à faire un équivalent plus écolo et qui nous évitait de dépendre des prix du papier. En ce qui nous concerne, il nous permet de traiter les sujets comme on l’entend, sans avoir peur de se faire shadowban sur Instagram ou d'être indisponible pendant plusieurs jours sur notre compte TikTok comme ça peut parfois arriver quand on traite d’un sujet un peu sensible. »

Mis en avant sur les plateformes sociales, le micro-mag est aussi promu par des humoristes qui ont participé au numéro, comme Mahaut Drama. « On a bien compris que les créateurs.trices du Web sont plus sexy que les médias et génèrent plus d’engagements que des journalistes, résume Anaïs. C’est pour ça qu’on essaye de faire incarner nos sujets par des gens qui ont déjà une audience. » Reste à savoir si les lecteurs voudront bien mettre leur adresse mail à la fin de cette enfilade de vidéos. « On sait que les gens ont un peu la flemme et aussi qu’ils ont peur qu’on les spam pour leur demander de s’abonner, conclue la directrice de rédaction. On espère qu’ils auront quand même envie de le faire ». 

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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