
Dans un nuage de sacs à main et de bijoux, les marques se tapent l'incruste dans le septième art.
Le placement de produit a pris un petit coup d'accélérateur. En juillet dernier, Les Carnets du Luxe rapportent que Chanel participe directement à la production de Barbie. À cette occasion, la marque a créé cinq silhouettes, comprenant des accessoires iconiques de la marque, comme le sac matelassé rose en forme de cœur arborée par l'actrice Margot Robbie, également égérie de la maison depuis 2019. « L’ambassadrice de la maison française sert de trait d’union dans cette collaboration entre Chanel et le studio Warner », résume le média. La marque a d'ailleurs lancé Chanel and Cinema, une division spéciale dédiée au pilotage des différents projets de Chanel dans la production cinématographique.
Les marques s'invitent dans la culture
« En produisant des films, le luxe investit le patrimoine culturel de tous », titrait récemment Luxury Tribune. Car Chanel n'est pas la première à avoir développé une entité dédiée. Avant elle, Saint Laurent a lancé Saint-Laurent Productions, dont le nom s'est affiché au générique du court métrage Strange way of life présenté à Cannes par Pedro Almodóvar. « La maison de luxe a confirmé qu’elle souhaitait se diversifier dans la production cinématographique et que le film d’Almodóvar n’est qu’un début. De plus en plus d’investisseurs ou de personnes privées s’intéressent au cinéma pour de multiples raisons », a confié une avocate spécialisée dans le cinéma à Luxury Tribune. Le média rappelle qu'en 2009, c'est le soutien de Kering, numéro deux mondial de l'industrie du luxe après LVMH, qui permet de financer Home de Yann Arthus-Bertrand. Ce n'était qu'une question de temps selon le journaliste, qui observe : « Déjà très présent dans l’art ou la gastronomie, le luxe était destiné à s’implanter dans le cinéma. » Un rapprochement qui n'est pas au goût de tout le monde.
« Quand t'es égérie Yves-Saint Laurent, tu es égérie Tex »
Dans le podcast Thune, la comédienne Audrey Vernon, qui dézingue le capitalisme et les milliardaires durant ses spectacles, alerte sur ce qu'elle qualifie de « nouvelle dérive » : « l'omniprésence des marques dans le cinéma », un « univers dégueulasse qui se raccroche à la création », et la « marchandisation des acteurs et des actrices. » Pour elle, le milieu du luxe préempte le cinéma. Dans l'épisode Entre amour de l'art et pression des marques... paye ta vie d'actrice ! , la comédienne observe par exemple qu'il est communément accepté pour un acteur ou une actrice d'être à la fois égérie Louis Vuitton et égérie Greenpeace. « C'est très nouveau le fait que des milliardaires achètent des actrices (...) Avant, il y avait des actrices qui faisaient des publicités, une campagne de publicité. (...) Là aujourd’hui, c'est vraiment un système caché. » Pour cela, des agents d'image placent les actrices (pas forcément des super stars, certaines ne sont pas encore connues du grand public) chez les marques. Cela n'exige pas forcément de participer à une campagne publicitaire. Audrey Vernon explique que les actrices peuvent acquérir le statut d' « amie de la maison Chanel », ce qui implique d'assister aux défilés et de porter des vêtements de la marque pour apparaître en public. Parmi les cachets les plus élevés, elle évoque 100 000 euros pour apparaître dix minutes à un défilé.
« Il y a aussi une relation de soumission avec la marque. On ne peut pas prendre des positions anticapitalistes si l'on est sous contrat avec Chanel ou Vuitton. C'est pas compatible », note-t-elle avant de marquer. « Quoique. » Elle rit et s’interroge, rappelant que le rappeur Orelsan vient de signer un contrat avec Dior. « Ouais bon, finalement... Cela n'a plus aucun sens ! » Audrey Vernon rappelle que lorsque le réalisateur Jim Jarmusch signe avec Yves Saint-Laurent, il signe en fait avec Bernard Arnault. « Donc, c'est Carrefour, donc c'est Tex. En fait, quand t'es égérie YSL, tu es égérie Tex. Il ne faut pas oublier : Rana Plaza et les ouvrières au Bangladesh. » La comédienne s'affole quand elle entend Jane Fonda remercier à plusieurs reprises le groupe L'Oréal, posé en bienfaiteur de l’Humanité et des femmes, lors de son discours de remise de Palme d'Or à Justine Triet au festival de Cannes en 2023. « Comment ne s'aperçoit-elle pas qu'être égérie L'Oréal, c'est comme être égérie Total ? » Ce mariage qui ne dit pas son nom donne naissance à une zone grise : nulle mention de partenariats rémunérés dans les posts Instagram des célébrités qui s'affichent en Dior sur Instagram ; pas d'annonces de publirédactionnel quand une actrice célèbre fait la couverture d'un magazine qui appartient à un milliardaire également propriétaire de l'enseigne de luxe.
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