L'industrie 4.0, une révolution des process et des modes de production

Des machines et des hommes, voyage dans l'industrie de 2030

Avec Allianz
© imaginima via Getty Images

Organisation, production, distribution... L'industrie doit-elle tout changer pour rester compétitive demain ? Interview d'Alban Guyot, directeur général de l’Entreprise du Futur.

Quels changements constatez-vous déjà et qu’annoncent-ils pour les années à venir ?

Alban Guyot : Le principal changement depuis un an ou deux concerne la prise en main du numérique dans le B to B. Avant, il était associé à des enjeux de services, de retail et de B to C… Désormais, les dirigeants, notamment de PME et d’ETI, prennent conscience que le numérique transforme les manières de travailler, d’innover et de vendre. Les patrons ont compris que ce monde digital qui vivait en parallèle du monde physique serait prédominant demain, dans tous les enjeux de l’entreprise. Cela va façonner une toute nouvelle façon de faire ces 10 prochaines années.

C’est-à-dire ?

A. G. : Jusque dans les années 1990, on a vécu dans un monde physique. Puis Internet est arrivé et a créé un monde parallèle qui a pris de plus en plus d’ampleur. Ce monde numérique s’est encore développé dans les années 2005-2010 avec le digital, où on a commencé à mettre le numérique à portée de doigt et à développer son usage dans les foyers, avec les smartphones et l’essor de la mobilité.

Ces deux mondes, physique et numérique, qui vivaient en parallèle commencent à se croiser pour créer une expérience nouvelle. Il existe déjà des passerelles comme le multicanal, le cross-canal, le click and collect… Mais la prochaine révolution sera celle du phygital, c’est-à-dire la fusion parfaite entre ces deux mondes au service d’une expérience client unique. Cette fusion fera la compétitivité de demain. À l’avenir, le physique ne pourra plus vivre seul, et le numérique non plus.

À quoi ressemble l’industrie du futur ?

A. G. : Beaucoup de réflexions actuelles portent sur l’impact social et environnemental de l’industrie. Comment améliorer son empreinte carbone ? Comment limiter les transports ? Est-ce que l’industrie a vocation à rester centralisée ou son avenir est-il d’être présente aux 4 coins du monde sous forme de petits hubs de production plus proches de ses clients ?

Au niveau technologique, l’industrie en 2030 verra forcément plus de robotisation, plus de numérique et plus de digital. On est dans un monde en croissance exponentielle : il faut produire de plus en plus de transports, de maisons, de voitures, de nourriture… Il faut être plus performant et aller plus vite tout en étant respectueux de l’environnement et en faisant attention à ses collaborateurs. L’enjeu clé des années à venir, c’est l’excellence opérationnelle, c’est cette capacité à produire plus et mieux. Cela soulève deux questions : comment on industrialise, voire automatise, toutes les tâches répétitives et sans valeur ajoutée pour aller plus vite ? Comment on replace l’humain sur les tâches à valeur ajoutée et comment il va travailler avec la machine ? La mutation de demain se joue là-dessus.

Il reste donc bien une place pour l'humain dans un monde de plus en plus digital et robotisé ?

A. G. : Oui, bien sûr ! Ce futur monde phygital est justement l’opportunité de remettre l’humain à sa place réelle, où on l’attend, où il peut apporter la valeur qu’une machine ou un algorithme ne peut pas produire. Quelle est la valeur ajoutée de l’homme ? La stratégie, la hauteur, l’interaction sociale, l’émotion. Il a une sensibilité et une part de subjectivité forgée par son expérience que la machine ne remplacera jamais. Même si les robots sont plus fiables sur certaines tâches, au final, c’est l’humain qui reste à la manette et à la coordination, c’est lui qui prend les décisions. Il faut donc repenser son rôle et le déployer sur les missions à valeur ajoutée, celles qui ont un impact sociétal et environnemental.

L’heure semble être au tout « as a service ». Peut-on envisager une « industrie as a service » ?

A. G. : Ça l’est déjà. Le principe du « as a service » est de couvrir l’usage. C’est l’idée que je consomme juste ce dont j’ai besoin, quelques heures d’un outil industriel ou d’une machine, ou quelques grammes de matière par exemple. Cela s’exporte de plus en plus dans le monde de l’entreprise. C’est un usage amené à se développer. En revanche, quel modèle économique on met en place ? Qu’est-ce qui est le plus pertinent : une plateforme de location d’outils ? La production à la pièce ? C’est encore en mode POC (proof of concept, ndlr).

Certains spécialistes affirment que l’entreprise du futur sera un hub de compétences, qui fera aussi bien travailler salariés que prestataires externes, dans une logique de plateforme d’échanges. Qu’en pensez-vous ?

A. G. : Oui, tout à fait. On tend vers des organisations les plus ouvertes possible pour sortir des silos. Cela consiste à faire travailler différents métiers sur des grands projets transverses, et pas faire travailler le marketing juste sur du marketing par exemple. Chacun peut apporter son savoir-faire. On se rend compte que son expertise peut apporter de la valeur à d’autres marchés, à d’autres secteurs.

On voit aussi que certaines compétences dont on a besoin ne sont pas toutes dans l’entreprise : elles sont aussi chez nos clients, nos partenaires, nos fournisseurs, et c’est avec cet écosystème global qu’on saura mener des grands projets à bien. L’entreprise qui croit qu’elle s’en sortira bien toute seule et pourra tout mener en interne sera au dépôt de bilan en 2030. Les dirigeants doivent prendre le numérique au sérieux dès maintenant, sinon leur entreprise ne vaudra rien dans quelques années.

Le travail de demain verra-t-il l’éclatement de l’entreprise au profit d’un travail très individualisé ?

A. G. : C’est vrai pour cour certains métiers. On assiste à une augmentation du nombre de travailleurs freelances, chez les développeurs ou les consultants par exemple, qui n’ont pas besoin d’être présents physiquement dans l’entreprise. Donc oui, certaines compétences sortent de l’entreprise.

Quant aux personnes qui ne voudront pas être freelance, parce qu’elles ont besoin d’interactions sociales, de sécurité professionnelle ou parce qu’elles ont un poste qui impose d’être dans l’entreprise, je suis convaincu qu’elles auront besoin de beaucoup plus d’autonomie dans leur manière de travailler, et qu’elles n’auront pas envie de travailler à un seul endroit physique. Cela suppose une évolution de la part de l’entreprise. Par exemple, avoir tous ses collaborateurs au siège social fait-il encore sens ? Un siège social est un bon endroit pour les interactions avec la direction, la stratégie, les services supports ou pour organiser de grands meetings... Mais est-ce un bon endroit pour travailler en mode projet ? Pour être créatif ? Pour s’inspirer ? Je dis toujours à mes équipes de ne surtout pas rester dans l’entreprise lorsqu’elles travaillent sur des projets qui nécessitent créativité et inspiration. Il y a plein d’autres espaces qui se prêtent mieux à ce genre de tâches. Il faut parfois savoir sortir de l’entreprise.

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