
L’infiniment petit a manifestement un grand avenir et envahit tous les champs des possibles. Sélection des avancées les plus spectaculaires par des passionnés de la 4ème révolution industrielle. Par Iris Joussen.
DONNE-MOI TON ADN, JE TE DIRAIS QUI TU ES
« La génétique devient directement accessible au consommateur » Zak Allal.
Pour les fêtes, le site Myheritage.com propose une promo. : « Dévoilez vos origines ethniques avec notre test ADN à seulement 69€ ! ». Mieux qu’un arbre généalogique, les tests génétiques cartographient les migrations de vos aïeux sur des millénaires.
La France interdit la pratique pour des raisons récréatives mais en un clic, des sociétés étrangères comme 23andMe ou Gentest vous proposent des kits à renvoyer. Un frottis de coton tige dans la bouche ou un crachat dans un tube - selon le test demandé - et le tour est joué. En quelques mois, vous recevez la carte de vos origines ethniques (par rapport à 26 populations de référence), ou de celles de votre lignée. Le bonus ? Matcher avec les personnes dont l'ADN est le plus proche du vôtre. Les résultats sont conservés pour mener des recherches médicales. Ancestry.com prétend disposer déjà du plus important big data génétique au monde avec les résultats de plus de 2 millions de personnes.
BEBE 4.0 : L’ADN ou LE NOUVEAU PASSEPORT SANTÉ
« Si vous êtes né en Californie après 1983, votre ADN est probablement déjà stocké par le gouvernement » Loïc Bardon.
Les entreprises comme Counsyl et Natera offrent déjà une technologie permettant d'effectuer des tests de dépistage sur les nouveaux nés et de partager ces résultats avec leurs médecins.
Prochain enjeu pour Zak Allal : le dépistage de la pharmacogénomique chez les tout petits. « En découvrant quels médicaments un bébé peut (ou ne peut pas) métaboliser, les pédiatres prendront des décisions éclairées. Ces données génomiques “vivront” dans son dossier médical tout au long de la vie, permettant ainsi des soins de santé plus proactifs et préventifs ». Aux États-Unis, des États comme la Californie prélèvent des échantillons biologiques à chaque naissance. Stockés dans une biobanque publique, ils peuvent être achetés à des fins de recherche à condition d’informer les parents de leurs droits à en demander leur destruction.
LE CANCER DÉPISTÉ DEPUIS TON ADN
« Grâce aux “biopsies liquides”, les médecins détecteront l'ADN du cancer dès son apparition. L’échelle de nos capacités dans le diagnostic va prendre un autre sens : nous examinerons le niveau moléculaire de notre physiologie » Zak Allal
Les cellules cancéreuses produisent une petite quantité d'ADN dans le sang d'un patient. D’où les recherches chinoises qui tentent de développer un test de dépistage de certaines tumeurs à partir d’une biopsie liquide de l'ADN, soit une simple prise de sang. Les promesses de ces biopsies liquides : dépister les tumeurs avant qu’elles soient visibles à l'imagerie.
PERSONNALISE TON ADN
« On n’a jamais été aussi proches de l’amélioration humaine. Il devient crucial pour l’avenir de l’humanité d’avoir un débat pour une réglementation internationale forte et harmonisée » Zak Allal.
Le scalpel moléculaire CRISPR-Cas9, pouvant éditer ou de supprimer des gènes, n’a pas fini de faire parler de lui. Apparaît déjà un CRISPR.2, capable de réparer des segments encore plus petits du génome.
L’équipe de David R. Liu à Harvard, a transformé une lettre de l’ADN A en G. Donc plus besoin de couper et de remplacer des morceaux entiers d’ADN, on modifie les erreurs directement dans le code génétique ! Par ailleurs, les chercheurs diversifient les moyens pour hacker notre corps : gels et crèmes pour traiter le papillomavirus en Chine ; une pilule CRISPR ou un liquide potable à la place des antibio aux États-Unis ; Zheng-Yi Chen (Harvard), lui, injecte du CRISPR dans les oreilles de souris pour lutter contre la perte d’audition progressive ; et l’université de Chicago tente des greffes de peau CRISPR pour se dispenser d’aiguilles dans le traitement du diabète de type 2.
L’ADN POUR TOUT STOCKER
« La biologie va converger avec l’informatique » Loïc Bardon.
L’ADN pourrait remplacer nos disques durs. Pourquoi ? Pour ses capacités de stockage. Un génome humain peut conserver 3 milliards de paires de bases d’ADN, soit 3 000 mégaoctets, le tout dans un noyau d’une cellule. Critère « compact », check ! En termes de durabilité, il peut conserver des informations génétiques sur des milliers d’années. Et ceci sans risque d’obsolescence : tant qu’il y a de la vie, il y a de l’ADN. Microsoft est sur la voie en ayant stocké plus de 200 mégabytes de données. Et le phénomène est déjà rock puisque Massive Attack veut stocker son album Mezzanine dans des brins synthétiques d'ADN.
PARCOURS DE ZAK ALLAL
Médecin, ex-représentant de l’université de Singularity en France et fondateur de la start-up américaine OPA spécialisée dans l’application des nouvelles technologies médicales.
PARCOURS DE LOÏC BARDON
Co-fondateur du think tank français Paris Singularity
Cet article est paru dans le numéro 15 de la revue de L'ADN. Pour vous procurez votre numéro, cliquez ici.
Pour dépister le cancer depuis l’ADN, il faudrait connaître son ADN de l’enfance.
D’après les travaux de Cristian Tomasetti et Bert Vogelstein, l’hérédité n’apparaît qu’en troisième position dans les causes du cancer, loin derrière la « malchance » et « l’environnement ».
Les tests prédictifs sur ADN à la naissance ou à n’importe quel moment de la vie n’ont donc qu’une valeur extrêmement relative.
Par contre des tests comparatifs entre l’ADN de l’enfance et celle du jeune adulte, (ou d’une femme enceinte) pourraient peut-être faire apparaître un bourgeon de cancer.
Pour en savoir plus
http://www.beaubiophilo.com/2018/08/cancer-hasard-et-evolution.html