extrait du film spotlight

Militantisme contre objectivité : l'énorme clash des générations dans les médias

Une jeune génération qui porte ses opinions en étendard opposée aux journalistes expérimentés en quête d’objectivité, c’est le défi des rédactions d’aujourd’hui. La journaliste Glynnis MacNicol du Hollywood Reporter décrypte cette faille générationnelle qui se creuse.

L’ordre hiérarchique des rédactions des grands médias américains n’a jamais connu de tels bouleversements. Pour Glynnis MacNicol du Hollywood Reporter, les départs en cascade des journalistes et rédacteurs en chef qui ont dominé la scène médiatique new yorkaise pendant une décennie ressemblent plus à une série de décapitations qu’à un remaniement naturel.

Graydon Carter, 68 ans, remplacé à la tête de Vanity Fair par Radhika Jones, 45 ans, après 25 ans de bons et loyaux services. Chez Glamour, Cindi Leive, 51 ans, laisse son poste à Samanatha Barry, 36 ans, rédactrice en chef web de CCN sans expérience en print. Même traitement pour la rédactrice en chef de ELLE Robbie Myers et Nancy Gibbs, première femme à diriger le Time Magazine. L’arrivée de cette nouvelle génération de journalistes ne chamboule pas seulement l’ordre établi mais apporte une nouvelle vision du métier. Le militantisme affirmé des jeunes journalistes se heurte à l’objectivité assumée des anciens.

« Je crois sincèrement que les journalistes du Times ne devraient pas exprimer leurs opinions politiques. Franchement, tout le monde a une opinion. Qui est-ce que la tienne intéresse ?  Fais ton job, rapporte les faits. » s’insurge Dean Baquet du New York Times. Mais les millennials n’ont pas l’intention de masquer leurs convictions. Le résultat ? Un clash générationnel.

« Cette fracture générationnelle est un sujet si délicat que beaucoup n’ont pas souhaité être cité dans l’article, probablement inquiets de voir leur nom associé à une critique de cette nouvelle classe d’âge. On a presque l’impression que les Millennials sont la nouvelle mafia des médias. » explique la journaliste Glynnis MacNicol.

Au cœur de ce fossé, le passage du papier au digital qui bouscule les codes de la profession. La journaliste du Hollywood Reporter prend comme exemple le magazine Vice tiraillé entre ses rédacteurs, jeunes trentenaires, qui produisent la majorité des contenus et ses managers de plus de 40 ans qui ont le sentiment de ne pas travailler pour la même boîte. « Le digital a complètement éliminé toute une catégorie de rédacteurs expérimentés. Maintenant, on se retrouve avec des nouveaux journalistes et rédacteurs qui disposent d'une gigantesque influence dont ils n’ont sûrement même pas conscience » confie un rédacteur senior à la journaliste.

Cette querelle des anciens et des modernes au sein des rédactions est révélatrice des changements de la société. Samhita Mukhopadhyay, la nouvelle rédactrice en chef trentenaire de Teen Vogue, explique que « beaucoup de choses qui étaient considérées comme inappropriées dans l’environnement professionnel, comme l’expression de ses émotions, font maintenant partie de la norme ». Mais ces nouvelles règles, établies par la jeune génération, bousculent les habitudes des anciens. « Essayer de ne pas offenser les millennials, c’est vraiment comme marcher sur des œufs. Constamment, les jeunes chefs de rédaction me disent que mes blagues ne sont pas politiquement correctes et avant d’être publiés, mes articles sont aseptisés. » déplore un journaliste eénior resté anonyme.


Retrouver l'article (en anglais) de Glynnis MacNicol dans le Hollywood Reporter.

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