
Petites équipes et gros profits ! Les Tiny Teams misent tout sur l’IA et assurent leur rentabilité sans avoir besoin de lever des fonds.
Sur quoi reposent la croissance dynamique et la rentabilité immédiate des Tiny Teams ? Sur leur usage systématique de l’IA. Un produit qui mise sur cette techno, des équipes courtes boostées à l’IA dans toutes leurs tâches, pas de bureau… Cette tendance rompt aussi avec le modèle historique des start-up qui passait systématiquement par des sacro-saintes levées de fonds conçues pour combler le trou parfois abyssal laissé par un développement rapide, certes, mais dépourvu de modèle économique. Ainsi, les Tiny Teams sont et restent la propriété de leurs fondateurs -–qui se réjouissent de pouvoir se consacrer pleinement au développement de leur produit.
Se consacrer à 100 % au produit
Chatbase vend des services automatisés de support client : « des agents IA pour des expériences client magiques » À l’origine, la start-up a développé de simples chatbots, qui ne faisaient que répondre à des questions. Aujourd’hui, leurs agents IA sont capables d’accomplir des tâches comme « inscrire un rendez-vous dans votre calendrier, modifier votre adresse de facturation ou envoyer votre facture », dixit Hannah. En activité depuis février 2023, l’entreprise compte déjà 10 000 utilisateurs, son chiffre d’affaires est passé de 5 millions de dollars en 2024 à, paraît-il, plus de 6 millions sur les cinq premiers mois de l’année 2025. Selon Hannah, l’objectif ce sont les « 100 millions de chiffre d’affaires dans quatre ans. ». L’équipe de l'entreprise est composée de dix ingénieurs, dont son fondateur et unique actionnaire, Yasser Elsaid, de deux personnes dans l'équipe support et de deux au marketing. Sans bureaux, tout ce petit monde est éparpillé sur différents continents, bien que la moitié d’entre eux résident en Égypte.
Même son de cloche du côté de David Zitoun, PDG de Submagic : « Grâce à l’IA, c’est beaucoup plus facile de développer une entreprise. Au début on cherchait simplement la rentabilité, et comme on a réussi à la trouver sans investisseurs extérieurs, ça nous a permis de conserver notre liberté et d’avoir à gérer beaucoup moins de frictions. » Au-delà de la dimension financière, pour cet entrepreneur, « le plus précieux, c’est le temps. Chercher des investisseurs demande beaucoup de temps. Quand on n’a pas à s’en soucier, c’est autant d’énergie que l’on peut consacrer à notre produit et à la rentabilité de notre modèle économique. »
Mon collègue est une IA
Submagic propose un assistant IA qui génère des montages intelligents sur les vidéos courtes destinées aux réseaux sociaux. À l’origine concentrée sur la génération de sous-titres avec émojis et mots surlignés, la plateforme a rapidement étendu ses fonctionnalités pour permettre aux créateurs de contenu de monter rapidement des vidéos plus « impactantes ». David Zitoun et son associé, Tsifei Chan, ont fondé la start-up en mai 2023 et en ont conservé l’entière propriété, à travers une holding britannique. Submagic étant enregistrée en France. Ils ont aujourd’hui atteint un rythme de revenus annuels de 8 millions de dollars.
L’équipe est composée de 11 personnes, avec une moyenne d’âge de 29 ans, résidant en France, en Israël, en Corée du Sud, en Argentine, en Pologne, au Portugal et aux États-Unis. Les collaborateurs sont répartis en trois départements : développement produit, marketing et expérience client. La majorité n’a pas de diplômes secondaires, tout comme David lui-même qui n’a pas fait d’études après le baccalauréat. À la différence de Chatbase, ils ne se sont pas fixés d’objectifs de développement chiffrés, mais eux aussi se disent concentrés à 100 % sur leur produit qu’ils souhaitent amener à un outil de montage tout-en-un.
Chez Submagic comme chez Chatbase, les équipes sont quotidiennement assistées par des agents IA.
Quand elle a été embauchée par Chatbase il y a un an et demi, Hannah n’était pourtant pas familière avec ce type de machines. Mais elle assure qu’elle n’a eu aucune difficulté à la prendre en main. « Vous pouvez construire votre agent IA en moins de cinq minutes, ajouter vos liens et vos sources, le former, et c'est parti. C'est très facile à mettre en place pour n'importe qui, même sans compétences techniques. »
Y a-t-il un copilote dans l’IA ?
Malgré la forte prédominance de l’IA dans le fonctionnement et l’offre de ces deux entreprises, tous restent convaincus de la nécessité de l’intervention humaine. Hannah raconte qu’une fois automatisées toutes les tâches qui peuvent l’être, « vous pouvez vous concentrer sur la communication et savoir ce dont les gens qui vous entourent ont besoin exactement, savoir ce dont le marché a besoin, de sorte à déterminer quelles sont les fonctionnalités à développer. Nous avons plus de données, mais surtout plus de temps pour les analyser. » Pour David, le défi le plus important est de « prioriser. Nos clients ont beaucoup d’attentes et pour y répondre, il faut faire des choix. C’est le point le plus délicat à trancher pour déterminer ce qui a le plus d’impact pour nos clients et leurs sociétés. »
Ces agents sont donc fonctionnels pour des tâches et échanges en interne. Chatbase a fait le choix d’orienter son produit sur la relation client parce que c’est le marché qu’elle juge le plus porteur. Ainsi Hannah insiste sur le fait que son équipe ambitionne de conquérir tous les secteurs économiques, sans exception, « une part significative de nos clients sont des entreprises SaaS, mais nous pensons que tous les secteurs économiques peuvent bénéficier de notre produit parce qu’il est personnalisable. »
Demain, tous en mode Tiny Team ?
Hannah Taha considère que ce mode « Tiny Team » serait applicable à n’importe quelle entreprise. David Zitoun, lui, est plus nuancé : « Ce modèle fonctionne parce qu’on vend un logiciel. Il nécessite un seul développement puis est facilement scalable. En clair, que vous ayez 1 ou 10 000 clients, cela ne change rien. C’est pour cette raison qu’un petit nombre de personnes peut enregistrer un aussi grand nombre de ventes, et qu’on arrive à le faire aujourd’hui avec une dizaine de personnes, là où on aurait dû être quarante il n’y a pas si longtemps. Ce n’est pas le cas dans toutes les industries. » Il fonde cette distinction sur ses précédentes expériences en tant qu’entrepreneur, entre autres dans le textile.
Même dans l’industrie du logiciel, la question centrale reste : jusqu’où ce modèle est-il applicable ? Pour l’instant, le rôle des investisseurs est central dans le secteur. Au premier trimestre 2025, les venture capitals ont investi dans des entreprises IA à hauteur de 52 milliards de dollars. Néanmoins, ces investissements sont très majoritairement fléchés vers des grandes entités – OpenAI à lui seul attire la part du lion avec 40 milliards d’investissements.
Selon Bogdan Herea, directeur du laboratoire de recherche et développement de Concentrix, cela s’explique par le fait que tous ces outils, non seulement s’appuient sur les LLM existants, mais surtout sont pensés pour des solopreneurs ou des petites entreprises : « Il y a pas mal de tests, mais pour l’instant pas de déploiement à l’échelle, chez nous, qui sommes une entreprise de 50 000 personnes, comme chez nos clients qui sont des entreprises souvent de la même taille. »
Qui est vraiment le patron ?
De fait, les produits de Chatbase comme ceux de Submagic se basent sur les outils développés par OpenAI, Google ou Microsoft. Une dépendance qui pourrait les rendre dépendant et pourrait les fragiliser de manière brutale. Par ailleurs, les services qu’ils proposent correspondent d’abord aux besoins de petites structures, voire d’individus, qui manquent de compétences en la matière et de budgets à y consacrer. D’après l’expérience de Bogdan : « Quand on est seul, ça permet des gains de productivité significatifs, mais plus on est nombreux plus c’est compliqué ». Même si lui-même reconnaît que son équipe « gagne en productivité sur de petits projets, et c’est efficace pour faire en quelques jours ce qu’on aurait fait en deux ou trois mois. Mais cela fonctionne sur des projets qui restent simples. Quand il y a plus de complexité, on n’y arrive pas encore. »
Le problème majeur de l'IA générative actuellement, c'est l'existant. Les projets historiques ? Pratiquement impossibles à traiter par l'IA : trop de couches complexes, trop de modifications au fil des ans, trop de "trop" pour rendre son aide pertinente, voire même fiable.
En revanche, sur les nouveaux projets où l’on repart de zéro à chaque fois, c’est particulièrement puissant. Reste le problème de la scalabilité et de la sécurité des projets montés par IA. On se rend bien compte, dans les logiciels conçus et développés par IA, que la majorité sont de vraies passoires en matière de sécurité (extraction de données, injections de code, brute force, etc.).
On le voit aussi en ce moment : les entreprises "sans développeur" s’effondrent les unes après les autres. Les développeurs, tech leads, chefs de projet technique, etc., restent essentiels ! Et c’est une bonne nouvelle, ah ah.