
En ligne, pullulent des offres d’emploi factices. Le but ? Être dans le « fake it until you make it » américain, pomper des idées aux candidats, récupérer de l’information chez les concurrents…
Un coup de gueule, c’est ce qu’a lancé Eloarde Pamela Apivo, jeune Béninoise de 32 ans, sur LinkedIn. La cible de son post ? Les entreprises qui publient pléthore de fausses offres d’emploi sur les sites de recrutement. « Vous êtes conscients qu'un candidat à la recherche d'emploi espère trouver quelque chose. Respectez un peu le temps que nous prenons à ajuster le CV, à rédiger la lettre de motivation qui, visiblement, ne sert à rien aujourd’hui. Les recruteurs doivent changer de méthode d’embauche », insiste cette maman d’une petite fille de 8 ans.

« On vous rappellera (pas) »
Si cela ne fait que 3 mois qu’elle cherche du travail dans les secteurs de la finance, de la gestion de stock et même de l’assistanat, Eloarde Pamela Apivo a été plusieurs fois confrontée à de fausses annonces. « Je vais y postuler ce mois-ci et deux mois après, la même offre revient. Je ré-renvoie ma candidature et je n’ai jamais de retour. Il y a un problème », fustige celle qui a publié son post LinkedIn parce qu’elle se dit « frustrée », « énervée » et « mal en point ».
Il suffit d’être en recherche active pour constater que nombre d’offres n’existent pas. Arnaud Gilberton, cofondateur du cabinet de conseil en ressources humaines Idoko, observe que l’intérêt pour ces entreprises est surtout de faire semblant d’aller bien, d’envoyer un signal positif aux salariés et aux clients, alors que certaines déposent le bilan quelques jours après. Chez Idoko, Arnaud Gilberton l’a déjà expérimenté. « À un moment, on a eu une associée qui voulait publier des offres tout le temps pour montrer qu’on se développait et attirer des clients. C’est le "fake it until you make it" très américain. Quand vous lancez votre site, vous avez intérêt à poster beaucoup d’annonces pour que les candidats viennent cliquer dessus et le fassent remonter dans les recherches », analyse le consultant RH Arnaud Gilberton, persuadé lui-même que « l’on ne peut rendre l’entreprise attirante qu’en étant éthique en tant que patron ».
Machine à pomper les idées
Parfois, le dessein derrière ces offres factices est encore plus fourbe. Dans le milieu très concurrentiel du conseil, certains cabinets utilisent le recrutement à des fins de benchmarking. « Ils vont chasser un consultant d’un autre cabinet pour avoir un entretien de recrutement et savoir comment ça se passe là-bas », relate Arnaud Gilberton.
La diplômée de l’Imperial College de Londres, Inès Le Deist, en a fait les frais il y a un an. Alors qu’elle postulait en tant que Growth Strategy Associate dans la tech, on lui propose de réaliser une tâche avant l’entretien. Étrange, ne peut-elle s’empêcher de penser. Il est plutôt d’usage de rencontrer le manager ou le RH avant de réaliser quoi que ce soit en amont. En prenant connaissance de l’énoncé, elle se rend compte qu’il s’agit surtout pour l’entreprise de collecter de nouvelles idées. « Au lieu de leur dire où ils [avaient] des opportunités de business, j’ai fait ma présentation sur quels process je suivrais pour trouver de nouvelles idées. Rejetée directement sans feedback ! » Depuis un an, elle constate que l’offre est chaque mois republiée. Pour être sûre de ne pas se tromper, elle file sur Glassdoor lire les témoignages quant à l’entreprise. Ses doutes sont confirmés par d’autres internautes. Car derrière ces offres, ce ne sont pas seulement des postes qui manquent à l’appel, mais une éthique du recrutement qui vacille.
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