Shitcoincratie : en lançant son memecoin, Trump inaugure une nouvelle ère

Fini les memecoins à tête de chien. Place aux cryptomonnaies à l'effigie des hommes politiques et autres influents.

Gouverner avec des mèmes et des cryptos, c’était donc ça le projet de Donald Trump ? Avec la crypto, le président des États-Unis découvre un nouveau pouvoir : celui de battre monnaie personnelle. En lançant le $TRUMP (culminant à 10 milliards de dollars) puis le $MELANIA (2 milliards), le président démontre que ce qu’il appelle « l’âge d’or américain » passera aussi par des shitcoins (ou memecoins) à son effigie.

Le principe de ce genre d’actif spéculatif est aussi simple que cynique : une cryptomonnaie 100 % construite sur du vide, basée sur une image forte ou un sujet viral. Le but ? Capturer l'attention sur les réseaux sociaux, saturer l’espace médiatique et faire tourner la machine à fric à plein régime. Avoir son propre token dans le top 100 du classement crypto est-il devenu le nouvel indicateur de la réussite à l’américaine ?

Qui aura la plus grosse (crypto) ?

L’idée trotte déjà dans la tête de plusieurs personnalités. Le milliardaire Mark Cuban l’a laissé entendre : « Si les memecoins sont la voie à suivre, peut-être bien que j’en sortirai un », a-t-il ainsi déclaré. Altruiste, il propose de reverser ses bénéfices au Trésor américain, histoire de rajouter un vernis patriotique à sa quête de gloire virtuelle. Le succès du $TRUMP a aussi piqué l’orgueil du très flippant masculiniste Andrew Tate, qui assure « y songer », lui qui a récemment fondé son parti politique et qui se verrait bien premier ministre du Royaume-Uni. Preuve que ces "cryptogadgets” bien qu’absurdes, séduisent les personnalités à l’ego surdimensionné, et semblent dangereusement compatibles avec l’idéologie masculiniste.

Même les personnalités défuntes ont maintenant droit à leur token pourrave. Le compte X de John McAfee, pionnier des logiciels antivirus décédé en 2021, a surpris tout le monde en annonçant d’outre-tombe un memecoin baptisé… “AIntivirus”. Derrière cette résurrection glauque se cacherait sa veuve, visiblement déterminée à exploiter, elle aussi, le filon. Changpeng Zhao, l’influent fondateur de Binance, la plus grosse plateforme d’échange de cryptomonnaies au monde, a l’intuition que la tendance va s’accentuer. Selon lui, « D’autres chefs d’États pourraient y réfléchir. » Le “dictateur cool” du Salvador, Nayib Bukele, pro-Bitcoin, pourrait être le candidat idéal.

Le shitcoin, ou comment arnaquer les masses sans scrupule

Mais derrière l’idée de lancer son memecoin, se cache une pratique malhonnête, voire illégale. En jouant sur la crédulité d’investisseurs peu avertis, ces cryptos sont surtout une source d’argent facile pour leurs créateurs. Le pasteur qui a prêché à l’investiture de Trump en est un exemple frappant. Inspiré par le président, il a par la suite lancé son propre memecoin, exhortant ses fidèles à l'acheter sous prétexte de réaliser une grande vision divine. Mais au lieu de sauver les âmes, le pasteur a vendu tout son stock sur le dos des fidèles, occasionnant un “rug pull” (l’expression consacrée lorsque les créateurs d'une cryptomonnaie disparaissent avec l'argent des investisseurs). Le $TRUMP a ainsi banalisé une nouvelle forme d’escroquerie.

Cette façon de transformer les shitcoins en produits dérivés inquiète l’industrie des cryptos elle-même. Beaucoup de crypto-bros déplorent une « publicité désastreuse » pour leur secteur. Ils avaient pourtant fait confiance à Donald Trump, en finançant largement sa campagne.

Toutefois, malgré l’indignation d’une partie de la sphère crypto, il semble bien y avoir un marché pour ce type d’investissements. Beaucoup de traders scrutent avec impatience le moindre indice qui leur permettrait de se positionner en premier sur les shitcoins de célébrités. « Suivez les mégalos célèbres. Il y a du fric à se faire », conseille-t-on sur X. Verra-t-on bientôt des $CR7 et $MrBEAST débarquer sur le marché ? C’est à envisager.