Notre rapport à la batterie de notre téléphone a des conséquences sur notre gestion du temps, de l’espace et même sur notre vie sociale, montre une étude britannique.
Avez-vous pensé à bien recharger votre téléphone cette nuit ? Êtes-vous sûr qu’il tiendra toute la journée ? Avez-vous un moyen de le recharger au bureau ? Non ? ?? Mais enfin, comment allez-vous faire pour rejoindre vos amis ce soir et écouter de la musique sur le chemin du retour ? Si ces questions vous hantent, sachez que vous n’êtes pas seul. Selon une étude de la Cass Business School (école affiliée à la City University de Londres), la jauge batterie de notre téléphone structure notre vie quotidienne. Elle est aussi une nouvelle source de stress. Et pas des moindres.
« Si ma batterie meurt, je meurs symboliquement »
« Si ma batterie meurt, je meurs symboliquement », va jusqu’à dire Thomas Robinson, qui a mené cette étude avec Eric Arnould d’Aalto University à Helsinki. « Je ne peux plus utiliser mes applications, ni répondre à mes mails, ni envoyer de message donc je deviens invisible pour mes proches et mes collègues… ». Des hypothèses que le chercheur a confirmé en interrogeant longuement 22 Londoniens habitués des transports en commun (donc souvent mobiles) sur leur rapport à la batterie de leurs appareils.
Pour Thomas Robinson, la jauge batterie est devenue un moyen de mesurer le temps plus important qu’une montre. « Car la batterie définit notre temps individuel, ce qui n’est pas le cas d’une montre qui affiche une heure universelle, expose-t-il. Or nos styles de vie sont de plus en plus individualisés. Dans un environnement urbain, les horaires de travail sont par exemple moins fixes et moins généralisées qu’auparavant : chacun est amené à gérer son propre temps ».
La jauge batterie devient même selon le chercheur un élément qui structure notre rapport à l’espace. « De nombreux répondants expliquent que le niveau de batterie de leur téléphone peut changer leurs itinéraires, voire le programme de leurs journées », avance-t-il. Une des personnes interrogées raconte qu’un jour, alors qu'elle comptait se rendre dans un petit magasin, elle a préféré aller au centre commercial pour être sûre de pouvoir recharger son téléphone dont la batterie était presque vide.
Un stress pernicieux et permanent
Le vocabulaire employé par les répondants frise parfois le dramatique. L’un d’eux compare la sensation de voir son téléphone se décharger à un bain qui se viderait progressivement de son eau. Un autre compare sa batterie à « sa corde de survie ». Une femme explique que son mari est dans un état de « grande panique » quand la batterie de son téléphone est vide. Des réactions très émotionnelles partagées par presque tous les sujets de l’étude, nous dit Thomas Robinson. Elles montrent l’anxiété causée par ce nouveau moyen d’organiser notre quotidien. « C’est un stress très pernicieux, car il est constamment présent, du lever au coucher ».
Batterie vide = opportunité sociale ratée
À la maison, recharger la batterie de son téléphone devient une nouvelle source de tensions. « Souvent les prises auxquelles vous branchez votre chargeur sont très territorialisées », explique le chercheur. Gare à vous si vous vous branchez du mauvais côté du lit…
La jauge batterie a aussi des répercussions sociales non négligeables. « Une batterie vide peut signifier une opportunité sociale ratée », n’hésitent pas à écrire les auteurs de l’étude. Et si vous n’êtes pas très regardant sur l’état de votre jauge, vous serez certainement stigmatisé. Un des répondants explique qu’il juge « irréfléchie » une personne qui ne recharge pas son téléphone avant de retrouver quelqu’un pour un rendez-vous.
Un moyen de nous sensibiliser au développement durable ?
Le point positif de ce stress pernicieux et de cette nouvelle source d’exclusion sociale (oui, oui il y en a un) est qu’ils permettent de nous reconnecter à la consommation énergétique. Chose dont on s’était un peu éloigné. « À la maison vous vous servez de votre télévision, de votre microonde et de tous vos appareils électriques sans réfléchir à l’énergie qu’ils consomment. » Pour le chercheur, le fait que nos appareils soient de plus en plus transportables et donc dépendants d’une batterie pourrait être un bon moyen de nous faire prendre conscience de l’énergie que l’on consomme. Et donc de sensibiliser à l'épuisement des ressources et au développement durable.
Évidemment, les conclusions de cette étude sont valables pour les habitants de grandes villes comme Londres et Paris, qui se déplacent beaucoup à pieds et en transport en commun. Elles ne seraient sans doute pas les mêmes pour une personne vivant à la campagne ou pour l’habitant d’une grosse ville américaine qui se déplace exclusivement en voiture. Thomas Robinson prévoit une nouvelle étude pour comparer les différents rapports à l’énergie selon le lieu de vie.
POUR ALLER PLUS LOIN :
> Comment votre smartphone est devenu un « parasite aux pouvoirs divins »
> On a rencontré les « digital natives » qui refusent le smartphone
> Génération « plumard » : ces jeunes qui préfèrent rester au lit avec un smartphone
> Les familles passent plus de temps ensemble... mais derrière leurs écrans
Participer à la conversation