Bonbons, accessoires, bijoux, déco… l’impression 3D se démocratise et s'insère dans tous les domaines. Cette technologie est désormais utilisée pour reproduire des organes : une innovation de taille en santé, un pas décisif pour l’avenir de la transplantation.
Depuis toujours l’Homme a fait preuve d’imagination pour remplacer un membre ou une partie du corps qu'ils soient défectueux ou manquants. On peut même retrouver des traces de prothèses dans la Mythologie : rappelez-vous, l’histoire un brin sordide de Déméter qui mangea, par inadvertance, l'épaule du petit fils de Zeus et, pour se faire pardonner, lui en refait une en ivoire.
Avec le temps et le progrès, les prothèses se font plus légères, plus adaptées au corps : on est passé des métaux lourds au Moyen-âge, du bois pendant la première guerre mondiale, désormais les prothèses sont en titane, souples, résistantes et surtout plus légères. Des systèmes non-invasifs (exoprothèses) qui ont vu naître les systèmes invasifs (endoprothèses). Par exoprothèses, on entend prothèses dentaires, mammaires, auditives ou encore articulaires ; par endoprothèses, on entend prothèses qui remplacent un organe interne (tel que le cœur) ou une articulation (comme la prothèse de hanche).
Avec l’impression 3D, le domaine des endoprothèses a subi des avancées majeures : il est désormais possible de concevoir des organes de remplacement et des tissus humains à partir de cellules des patients. La bio-impression. Le Wake Forest Institut-Caroline du Nord est précurseur dans le domaine : en 2011, l’institut présentait un prototype de rein bio-imprimé en sept heures ; s’il n’était pas fonctionnel, il avait créé un raz-de-marée médiatique. Dès lors, on pouvait tout imaginer : concevoir en bio-impression un cœur, des poumons, un foie, un rein, de la peau pour une greffe…
L’année dernière, des chercheurs de ce même institut ont annoncé avoir conçu une technologie d'impression 3D de tissus biologiques permettant de construire des cartilages d'oreille (photo), des muscles, des fragments de mandibules et des os crâniens humains à partir de cellules souches et autres séquences biologiques. Une révolution. Les greffes ont été testées sur des rats et des souris et sont restées viables durant plusieurs semaines et mois. Les chercheurs songent désormais à tester leur technique sur les humains.
La startup californienne Organovo, se targue quant à elle d’avoir déjà réussi à imprimer des tissus de rein, de foie, de poumon, d’os, de vaisseaux sanguins, de cœur et de peau. L’année dernière, L’Oréal annonçait par ailleurs un partenariat avec la société. Le but ? Fabriquer de la peau humaine, pour arrêter les tests de ses produits sur les animaux.
Mais comment est-il possible de réaliser une impression à partir de matière vivante ? « Les gens n’ont pas conscience de ça, mais les cellules ça se manipule facilement dans des flasques en plastique, des milieux de culture sous forme liquide. On travaille avec des cellules qui sont désunies et mises en suspension dans un liquide. On peut donc vraiment voir ça comme une encre biologique », explique Raphaël Devillard sur France Culture.
Il y a une semaine, on apprenait qu’une femme avait été sauvée grâce à des organes artificiels. Cette infirmière au Canada, Melissa Benoit, avait développé des complications sévères de par sa fibrose kystique et s’est retrouvée à l’hôpital. Alors qu'on ne lui donnait que quelques heures à vivre, son seul espoir de survie consistait à lui retirer les poumons pour les remplacer par des poumons artificiels. Grâce à cette opération, un peu de la dernière chance, Melissa Benoit a survécu six jours, le temps qu’il a fallu pour lui trouver un donneur compatible.
Une histoire porteuse d’espoir pour ceux en attente en attente d’un donneur. En 2015, l’Agence de la biomédecine révélait une forte progression de l’activité de greffe : +7 % avec 5 746 greffes d’organes versus 5 357 en 2014 ; en moyenne, cela représente plus de 15 greffes chaque jour ; le pourcentage de « refus de prélèvement » reste néanmoins invariablement à un niveau très élevé, même s’il perd 1 point à 32,5 %, avec de grandes différences selon les régions.
Tout le monde malheureusement, n’a pas eu cette chance. Un nouveau patient équipé d'un cœur artificiel Carmat est décédé au mois d'octobre dernier. Il s’agit du cinquième patient décédé avec cet appareillage. Suite au décès de ce patient, l'ANSM a demandé à Carmat de suspendre toutes les implantations de sa prothèse. Ce à quoi Carmat a répondu par communiqué : « Le décès est en effet lié à l’interruption de l’alimentation du système, consécutive à une mauvaise manipulation des batteries par le patient qui a causé l’arrêt de la prothèse. Les équipes Support-Formation de Carmat travaillent activement sur cet aspect relevant du suivi post-opératoire afin de renforcer la sécurité des prochains patients. » Par ailleurs, Carmat affirme qu’elle déposera une nouvelle demande pour reprendre des essais cliniques en France dès qu’elle aura rassemblé tous les éléments réclamés par l’agence de sécurité du médicament. En parallèle, Carmat n’exclut pas de se tourner vers les États-Unis…
Raison invoquée par le groupe : des procédures trop lourdes, qui brideraient l’innovation médicale en France. « Les demandes de documents sont trop importantes par rapport au problème identifié », justifie souligne Stéphane Piat, Directeur général de Carmat. « Si l’attente des autorités est le risque zéro, beaucoup vont être déçus, en premier lieu les patients qui attendent d’être implantés. » Le principe de précaution observé par l’ANSM est « dépassé dans beaucoup de pays où on parle plutôt de bénéfice/risque », juge-t-il. La France, un frein à l’innovation dans le domaine de la santé ?
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