
Dans un essai paru en mai dernier, le prolixe investisseur David Baverez enfourche son cheval de bataille : nous sensibiliser au réveil de la Chine et aux nouveaux (dés)équilibres du monde.
Bienvenue en économie de guerre ! Le titre de l’essai de David Baverez sonne le clairon. Où on réalise que pour comprendre ce qui se passe du côté des nouvelles technologies, du business en général, et sur des sujets tels que la guerre informationnelle ou la crise du climat, on est désormais contraint de prendre en considération les questions géopolitiques. Et notamment, les conséquences du réveil de la Chine.
2022 : l’année de la grande bascule
En 2022, il s’est passé deux événements majeurs. L'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 – bien sûr – mais aussi, moins métabolisé, le 20ème congrès national du Parti communiste chinois. C’est ce 16 octobre 2022 que le troisième mandat du président Xi Jinping a été entériné et que l’équilibre du monde s’en est trouvé bouleversé.
Depuis 1972, l’alliance Chine-URSS était brisée. Cette année-là, Nixon s’était fendu d’une opération séduction en allant rencontrer Mao à Pékin. L’événement a donné naissance à un super opéra de John Adams, mais il est surtout resté dans l’esprit de Poutine comme étant l’origine de la dégringolade de Moscou.
Cinquante après, en 2022 donc, tout bascule. Xi Jinping a refait le choix de la Russie.
Et depuis, l’Occident cherche comment faire quand l’usine du monde hausse le ton. Car comme le disait l’ancien chancelier du Reich Otto von Bismark : « Dans un système à trois puissances, il faut être l’un des deux ».
Le fait marquant
L’impact de 2022 est simple à comprendre. Il suffit de se référer au titre de l’essai de David Baverez : Bienvenue en économie de guerre ! Une économie de guerre, c’est quoi ? Déjà, ce n’est plus une économie de paix tirée par la demande des consommateurs. En économie de guerre, seul celui qui arrive à produire prospère. Et quand on sait qu’Apple, entre autres, dépend à 95% de ses usines en Chine, on comprend mieux le caractère triple de la tech war : d’un côté la course à l’innovation, de l’autre la capacité de production, avec en point d’orgue l’accès aux marchés des consommateurs. Ces tensions, qui viennent ajouter une rasade de piments sur les quatre crises déjà en cours (énergétique, démocratique, de la dette et du climatique), vont participer au reformatage de toutes nos relations. C’est un signal de plus qu’il va falloir naviguer dans des relations qui alternent entre le « deal by deal » de l’intérêt immédiat et la vision à long terme, qui ne peut fonctionner que sur la confiance et l’engagement.
Et l’Europe dans tout cela ? Eh bien elle serait, selon Baverez, en cours de « yéménisation ». À comprendre : elle est le terrain de jeu extérieur de ce nouveau conflit planétaire comme le fut le Yémen dans l’affrontement entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Résumons pour ceux qui ont loupé ces épisodes : ce n’est pas une bonne nouvelle. Mais l’Europe ne manque pas d’atouts qu’elle pourra activer quand elle aura compris les enjeux ouverts par 2022. En attendant, elle continuera à patauger dans des débats sans aucun rapport avec les enjeux.
À LIRE : David Baverez, Bienvenue en économie de guerre ! 7 mai 2024, chez Novice
Participer à la conversation