
Vous vous souvenez des années 90 et des craintes autour de la couche d'ozone ? Surprise : elles sont de retour ! En cause, l'arrivée d'un "nouveau" gaz dans le débat climatique : le N₂O, ou protoxyde d'azote.
Selon une évaluation de la FAO et du Programme des Nations unies pour l'environnement dévoilée lors de la COP29, ce gaz, 270 fois plus puissant que le CO₂ en termes de réchauffement planétaire, est actuellement la principale substance appauvrissant notre couche d'ozone. Les risques de ces émissions qui grimpent en flèche : l’exposition de milliards de personnes à des UV nocifs, et l’augmentation des risques de cancers de la peau et de la cataracte. La source principale de cette surcharge atmosphérique : l'usage intensif d'engrais synthétiques et de fumier. Après les années d'inquiétudes autour du CO₂, faut-il craindre le N₂O ?
6 années d'émissions mondiales de CO₂
En marge du revival de nos angoisses, réduire les émissions de ce superpolluant permettrait d'éviter l’équivalent de 235 milliards de tonnes d'émissions de CO₂ d'ici 2100, selon le document. Soit l'équivalent de six ans d'émissions mondiales actuelles de dioxyde de carbone provenant des combustibles fossiles. Un score non négligeable. D’autant plus que, comme le résume Kaveh Zahedi, directeur du Bureau du changement climatique de la FAO : « Il existe des moyens de produire plus avec moins, en améliorant l'efficacité de l'utilisation de l'azote dans l'agriculture, et en réduisant les épandages excessifs. »
L’évaluation met en avant des solutions concrètes : favoriser les engrais à efficacité améliorée ou à libération prolongée, une agriculture de précision pour ajuster les besoins des semences ou l'agroécologie. Côté élevage : optimiser l’alimentation du bétail, le sylvopastoralisme ou la valorisation du fumier par le recyclage. Et dans nos assiettes ? Plus de légumineuses, moins de viande et surtout moins de gaspillage.
Stratégie climatique plus ciblée
Contrairement à la lutte contre les émissions de CO₂, titanesque et sans consensus clair, celle contre le N₂O semble se démarquer par son pragmatisme. « Les solutions pour le N₂O sont bien identifiées et se concentrent sur des sources spécifiques ; les émissions de CO₂ couvrent divers secteurs et nécessitent des transformations plus importantes », explique Keiichiro Yano, PDG de Carbontribe Labs développant des solutions digitales et Web3 pour mesurer et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
De quoi ringardiser le CO₂ ? C’est oublier que le N₂O ne représente que 10 % du réchauffement global depuis la révolution industrielle. Et « qu’il reste difficile de s'attaquer au problème à grande échelle, en particulier dans l'agriculture », nuance Yano.
Martial Bernoux, fonctionnaire principal de la FAO en charge des politiques d'appui au changement climatique, confirme : « Pour l'industrie, des solutions rapides et efficaces existent. Dans l'agriculture, la problématique est plus délicate. Un potentiel conflit se profile entre production alimentaire, sécurité alimentaire et lutte contre le réchauffement climatique. »
Convergences des luttes contre les polluants
La réapparition de ce polluant oublié pourrait cependant renouveler l'engagement dans la lutte climatique. « C'est ce qui s'est passé avec le méthane lors la COP26, rappelle Martial Bernoux, avant de nuancer. Diversifier les cibles de réduction permet certes de mobiliser un éventail plus large d'acteurs, mais il faut absolument garder à l'esprit une planification globale pour éviter d'apporter des solutions fausses ou trop simplistes. »
Plus qu’un combat pour l’attention, cette convergence des luttes contre les polluants climatiques pourrait s'avérer gagnante sur le long terme. Certains experts métier en sont convaincus : « L’approche multipolluants maximise l'impact et renforce l'engagement dans tous les secteurs », conclut Yano.
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