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Des algorithmes inspirés des fourmis pour résoudre des problèmes logistiques complexes

Avec EDHEC
© Petr Ganaj

Et si la supply chain s’inspirait de la nature ? Avec Cédric Verbeeck, Assistant Professor à l'EDHEC et directeur du MSc in Data Analytics & Artificial Intelligence, on s’intéresse aux modèles de recherche de nourriture des colonies de fourmis pour proposer un nouvel éclairage sur la résolution de défis logistiques complexes.

Apprendre de la nature : recherche de nourriture et optimisation logistique

Lorsqu'une colonie de fourmis cherche des sources de nourriture sur un nouveau territoire, les individus déposent en marchant des « pistes de phéromones » qui s'évaporent progressivement avec le temps. Les chemins plus courts accumulent ainsi les phéromones plus rapidement, car les fourmis font davantage d'allers-retours. « Au fil du temps, ce processus optimise naturellement le chemin de recherche de nourriture de la colonie vers le chemin le plus court. Toutefois, si un blocage s’y produit, les chemins alternatifs restent identifiables grâce aux autres traces récentes », explique Cédric Verbeeck, Assistant Professor à l'EDHEC, qui a consacré une partie de ses recherches à l’analyse du modèle de recherche de nourriture des colonies de fourmis. 

Des études ont également montré que les phéromones peuvent contenir des informations sur la qualité et le type de la source de nourriture, qui sont ensuite utilisées pour optimiser le système logistique de la colonie. Un processus d’auto-organisation formalisé depuis plusieurs années en « Ant Colony Optimization » (ACO), un domaine scientifique dans lequel s’inscrivent les travaux de Cédric Verbeeck.

Un défi en temps réel : les obstacles de la logistique moderne

Ce que nous apprend l’ACO, c’est qu’il existe de multiples similitudes entre les problèmes logistiques rencontrés par les fourmis et ceux des entreprises. Ces dernières doivent en effet gérer un nombre limité de véhicules et optimiser leur temps de livraison, tout en maximisant le nombre de clients desservis. Ajoutez à cela la hiérarchisation des demandes en fonction de l’importance des clients, la prise en compte de la structure des coûts opérationnels, de l’état des routes et du trafic ou encore des contraintes de capacité des véhicules, qui peuvent varier considérablement d'un jour à l'autre… Ce casse-tête multifactoriel est complexe et difficilement modélisable. 

« Le défi réside dans les limites de temps et/ou de distance, poursuit Cédric Verbeeck, ce qui signifie que vous ne pouvez pas visiter tous les endroits et que vous devez les choisir stratégiquement pour maximiser les réussites ». Problème : s'il est relativement facile de créer et d'évaluer des solutions réalisables, il est en revanche très difficile pour les outils informatiques actuels de trouver la solution optimale et de prouver qu'elle l'est, même avec l'augmentation de la puissance de calcul. Et l’enseignant en gestion des opérations et en supply chain de conclure : « Comme il n'existe pas d'algorithme spécifique qui garantisse la recherche de la solution optimale dans un délai raisonnable, la seule option consiste bien souvent à évaluer toutes les combinaisons de lieux et d'itinéraires. »

Des fourmis à l'IA : repousser les limites avec le machine learning

Grâce aux enseignements de la Ant Colony Optimization, les algorithmes informatiques peuvent désormais imiter le comportement des formicidés. Chaque « fourmi virtuelle » représente par exemple une solution logistique et construit des itinéraires en ajoutant des emplacements, chaque segment de route ayant une valeur chiffrée de phéromone. Plus une solution est performante, plus les scores augmentent sur les segments correspondants. À l’issue de plusieurs milliers de répétitions, l’algorithme, guidé par la mémoire des phéromones, révèle ainsi quels sont les trajets les plus prometteurs ! 

Si ces algorithmes sont efficaces, ils peuvent toutefois se heurter à des contraintes de temps et d’échelle. De leur côté, les progrès de l'intelligence artificielle et de l'apprentissage automatique (machine learning) repoussent les limites encore plus loin. « Ce que l’IA apporte dans l’équation, note Cédric Verbeeck, c’est la possibilité de généraliser à partir de différents scénarios et de s’améliorer de manière dynamique au fil du temps. Contrairement aux méthodes d’optimisation traditionnelles qui nécessitent un ajustement manuel pour chaque nouveau problème, les modèles d’apprentissage automatique peuvent s’adapter à des environnements changeants, saisir des schémas subtils cachés dans les données opérationnelles, et même anticiper certaines perturbations avant qu’elles ne surviennent. »

En combinant les forces du machine learning et les enseignements de l’ACO, il devient possible de résoudre des scénarios encore plus complexes et à plus grande échelle, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour la logistique moderne.


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