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Auschwitz : la VR au service de la justice

La restitution virtuelle du camp de la mort donne un coup de pouce aux derniers procès du nazisme en Allemagne.

A l’origine de ce projet : Ralf Breker. Cet expert en imagerie numérique de la police judiciaire de Munich  (LKA) a utilisé le cadastre polonais et des milliers d’images d’archives pour reconstituer le camp d'Auschwitz, tel qu’il était pendant la seconde guerre mondiale. Pour affiner ses recherches, il s’est lui-même rendu sur place plusieurs fois afin de créer des orthophotographies. Sur place, il a également utilisé un scanner laser terrestre pour créer des images 3D des bâtiments toujours debout. Grâce à ce travail minutieux, il espère pouvoir déterminer s’il est vraiment possible, comme certains le soutiennent, n’avoir rien vu des atrocités commises en étant sur place.

Un casque à réalité virtuelle sur la tête, les enquêteurs allemands peuvent désormais «parcourir» le camp de la mort et  «voir» de la même manière que les gardes et les soldats présents à l’époque. Tout y est : les rails d’acier, l'imposante barrière de briques, les rangées de casernes identiques, les chambres à gaz, les fours crématoires.

« Des suspects ont souvent prétendu qu’ils travaillaient à Auschwitz mais ne savaient pas réellement ce qui s’y passait », explique à l’AFP Jens Rommel, directeur de l’agence fédérale enquêtant sur les crimes de guerre nazis. «Il est donc question de savoir si le suspect a pu ignorer que des gens étaient conduits dans les chambres à gaz ou fusillés. […] Cette modélisation peut justement aider à répondre à cette question ». Rappelons que dans ce camp, plus de de 1,1 million de personnes sont mortes.

«A ma connaissance, il n’existe pas de modèle plus proche de la réalité. Cette modélisation est beaucoup plus précise que Google Earth », explique Ralf Breker. «Nous utilisons les lunettes VR les plus modernes sur le marché. Quand je zoome, je peux voir jusqu’au plus petit détail ».

Ainsi, en enfilant un casque, les procureurs, les juges et les plaignants peuvent désormais s’immerger dans l’horreur de la réalité. Ils peuvent croiser des files d’avatars de prisonniers et déterminer si un arbre (tous ont été modélisés et placés là où ils étaient autrefois) pouvait soustraire certains détails au regard.

« L'avantage de cette modélisation est d’offrir une meilleure vue d'ensemble du camp et de pouvoir recréer la perspective d'un suspect, par exemple depuis une tour de garde,», déclare Ralf Breker. L’affaire qui a donné lieu à cette conception 3D, est celle de Johann Breyer, un machiniste retraité accusé de complicité dans l'assassinat de 216 000 Juifs hongrois à Auschwitz. L’homme est mort avant d’avoir pu être jugé. Cette modélisation 3D a néanmoins servi dans le procès de l’ancien garde SS Reinhold Hanning, condamné en juin pour complicité dans le meurtre de 170 000 personnes à Auschwitz, à cinq ans d'emprisonnement.

Jens Rommel a déclaré que son équipe enquêtait sur des dizaines d’autres suspects, dont la majorité serait encore en vie et pourrait éventuellement être traduit en justice. Une fois les dernières affaires criminelles closes, le LKA serait en théorie disposé à prêter sa modélisation 3D au mémorial de l’Holocauste Yad Vashem à Jérusalem ou à celui d’Auschwitz. « Nous devrons faire très attention à ce que personne ne le vole », déclare Ralf Breker. Il ne souhaite pas que les données de ce « cauchemar » soient utilisées à mauvais escient, par exemple pour la création d’un jeu vidéo.

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